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Le prepack cession : un outil efficace pour reprendre une entreprise en difficulté

Photo d'Arnaud Pédron

Reprendre une entreprise en difficulté à la barre du tribunal est une technique connue (1985) et spécifique qui présente de nombreux avantages. Il s’agit du plan de cession.

Avantages du plan de cession : cherry picking !

Pour le repreneur, c’est l’opportunité d’acquérir clés en main une branche complète et autonome d’activité dans des conditions favorables et dérogatoires du droit commun :

Les 5 contraintes du plan de cession

Avant de formaliser une offre de reprise, le repreneur doit être conscient des 5 contraintes suivantes :

  1. Un calendrier serré : la date limite de dépôt des offres est souvent très courte réduisant d’autant le temps de préparation du dossier de reprise
  2. Un faible niveau d’information : surtout dans l’hypothèse où le dirigeant de la cible prépare un projet de plan de continuation et n’est donc pas enclin à collaborer
  3. Un processus ouvert car public : risque d’attirer une compétition avec d’autres candidats repreneurs
  4. Un risque de dégradation de l’exploitation et de perte de valeur
  5. Une absence de garantie : les actifs sont repris en l’état

La mise en œuvre d’un prepack cession atténue fortement les 4 premières contraintes.

Le prepack cession est un outil inspiré de la pratique et du droit américain

Créé par l’ordonnance du 12 mars 2014 qui codifie la pratique (exemple du dossier des librairies CHAPITRE), le prepack cession est d’inspiration américaine (pre-arranged sales), et illustre la contractualisation et la richesse du droit français des entreprises en difficulté en consacrant les outils de prévention que sont le mandat ad hoc et surtout la conciliation.

Exemples de prepack cession

L’air des prepacks = passerelles entre outils de prévention et procédures collectives

Le prepack cession complète la famille des prepack plan qui comprend la sauvegarde accélérée et son dérivé, la sauvegarde financière accélérée.

Les prepacks ont transfiguré la conciliation : d’une procédure autonome de prévention des difficultés (trouver un accord avec les principaux créanciers), elle est devenue une phase préalable obligatoire au traitement des difficultés. La préparation de la restructuration en phase amiable et confidentielle s’impose ainsi comme une technique à part entière pour améliorer l’efficacité des procédures collectives. Les prepacks sont des passerelles entre (i) les procédures amiables et confidentielles de prévention des difficultés et (ii) les procédures collectives publiques. La tendance est vers une porosité croissante entre les outils amiables et les outils judiciaires de traitement des difficultés des entreprises.

Objet du prepack cession = un plan de cession pré-négocié

Le prepack cession consiste à préparer, au stade d’une procédure de prévention (conciliation ou mandat ad hoc), une cession (totale ou partielle) d’actifs, laquelle sera mise en œuvre dans le cadre d’une procédure collective « flash » qui est le plus souvent une liquidation judiciaire avec poursuite d’activité ou un redressement judiciaire, plus rarement une sauvegarde ou en complément d’un prepack plan (sauvegarde accélérée ou sauvegarde financière accélérée). Le Tribunal de Commerce va pouvoir arrêter un plan de cession pré-négocié.

Il y a donc 2 phases bien distinctes :

Différence d’approche et de finalité avec le prepack plan

Le prepack plan est une solution par défaut, mise en œuvre en cas d’échec de la conciliation lorsqu’il s’avère impossible de trouver un accord à l’unanimité avec les principaux créanciers. En revanche, pour démarrer un prepack cession, il n’est pas nécessaire de démontrer l’échec d’un accord avec les créanciers. Le prepack plan aboutit en effet à un plan de sauvegarde (restructuration de la dette, remboursement des créanciers sur 10 ans maximum) alors que le prepack cession aboutit à un plan de cession partiel ou total (vente d’une branche complète et autonome d’activité).

Phase 1 du prepack cession : préparation du projet de reprise en mandat ad hoc ou conciliation (confidentialité requise)

Chronologie de la phase 1 du prepack cession

  1. Rencontre entre le dirigeant et le mandataire ad hoc ou le conciliateur de son choix pour lui présenter ses difficultés et la mission qu’il souhaite lui voir confiée
  2. Requête du dirigeant auprès du président du Tribunal de Commerce pour demander l’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation. Classiquement, la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur consiste à favoriser la conclusion d’un accord avec les créanciers. La conciliation étant limitée à 5 mois maximum, il est possible de commencer par un mandat ad hoc et de poursuivre ensuite par une conciliation.
  3. Ordonnance du président du Tribunal de Commerce nommant le mandataire ad hoc ou ouvrant la conciliation
  4. Demande du dirigeant pour étendre la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur à « une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ». Il s’agit d’une démarche volontaire du dirigeant. Ni les créanciers, ni le conciliateur ne peuvent faire cette demande. Le prepack cession peut être prévu dès l’ouverture du mandat ad hoc ou de la conciliation, et dans ce cas il n’est pas nécessaire de demander une extension de mission.
  5. Consultation des créanciers participants pour recueillir leur avis sur l’extension de la mission, leur accord n’étant toutefois pas nécessaire
  6. Accord du mandataire ad hoc ou du conciliateur pour intégrer dans sa mission l’organisation d’un prepack cession
  7. Requête du dirigeant auprès du président du Tribunal de Commerce pour demander cette extension de mission
  8. Ordonnance du président du Tribunal de Commerce autorisant l’extension de mission
  9. Recherche de candidats repreneurs par le mandataire ad hoc ou le conciliateur (confidentialité requise). Souvent, en pratique, il tente des prises de contact avec des repreneurs potentiels (dans le dossier DOUX, 430 repreneurs potentiels ont été identifiés, 130 ont été contactés, 3 ont engagé des discussions et 1 seul a fait une offre. Puis 5 autres repreneurs sont apparus juste avant la phase 2 et publication sur une base anonyme (le nom de l’entreprise et le type de procédure amiable ne sont pas révélés) d’un appel d’offre avec une date limite de dépôt des offres (par exemple dans le journal Les Echos du vendredi, le site AJMJ, etc.)
  10. Ouverture de la data room et négociations avec les candidats repreneurs identifiés
  11. Préparation de l’offre de reprise par chaque candidat repreneur (conditions légales de recevabilité)
  12. Remise des offres de reprise au mandataire ad hoc ou au conciliateur

Phase 2 : mise en œuvre de l’opération de reprise en procédure collective

Une cession judiciaire à huis clos ?

Si les offres de reprise formulées dans le cadre des démarches effectuées par le conciliateur remplissent les conditions légales et sont satisfaisantes (au vu du rapport du mandataire ad hoc ou du conciliateur), le tribunal peut (simple faculté) décider, après avoir recueilli l’avis du ministère public (Procureur de la République), de ne pas faire d’appel d’offre ni fixer de date de limite de dépôt des offres.

L’objectif du ou des candidats repreneurs qui ont déposé une offre de reprise en phase 1 est d’éviter d’être en concurrence avec d’autres candidats repreneurs (disposant ainsi d’une certaine primauté à défaut d’exclusivité) et de s’assurer que le tribunal choisisse très rapidement le ou les repreneurs (ce qui a pour effet de limiter la perte de valeur). Le fait que l’administrateur judiciaire ne publie pas d’appel d’offre et qu’aucune date limite de dépôt des offres ne soit fixée participent à ce double objectif d’efficacité et de rapidité. C’est ici que se situe le principal intérêt de la passerelle créée par le prepack cession entre la procédure amiable et la procédure collective.

Chronologie de la phase 2 du prepack cession (procédure publique)

1. Demande du dirigeant auprès du Tribunal de Commerce pour ouvrir une procédure collective et mettre en œuvre le prepack cession. Pour le redressement ou la liquidation judiciaire, la société cible doit être en état de cessation des paiements

2. Audience au Tribunal de Commerce avec audition du mandataire ad hoc ou du conciliateur (qui aura préalablement déposé un rapport)

3. Le tribunal doit demander l’avis du Procureur de la République avant toute approbation du prepack cession. Le rôle du Procureur de la République est justifié, il vise à éviter tout abus (opacité, connivence, exclusivité, etc.) dans la mise en œuvre du prepack cession ; c’est un garant de la régularité des opérations (transparence, intérêt général, qualité de tiers, etc.). A titre d’exemple, dans le dossier DOUX, des offres de reprise avaient été préparées par différents candidats repreneurs dans le cadre d’une procédure amiable (phase 1). Après la remise des offres de reprises dans le cadre de cette phase 1, les dirigeants du groupe DOUX ont demandé au Tribunal de Commerce de Rennes l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité et la mise en œuvre d’un prepack cession (phase 2). Dans son jugement du 4 avril 2018, le Tribunal de Commerce de Rennes a accepté d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité mais il n’a pas retenu l’option du prepack cession prenant ainsi acte des réquisitions du Procureur de la République selon lesquelles : « les offres actuelles, bien qu’intéressantes, ne sont pas abouties, en conséquence il souhaite que la recherche de repreneurs soit ouverte plus largement pendant un délai suffisant ».

4. Avant d’opter pour le prepack cession, le tribunal doit aussi vérifier que le mandataire ad hoc ou le conciliateur a bien accompli les démarches pour assurer une « publicité suffisante » de la préparation de la cession compte tenu de la « nature de l’activité ». Cette notion de publicité suffisante en rapport avec la nature de l’activité est pour le moins laconique et floue. Par exemple en pratique, en présence d’un marché concurrentiel nécessitant une cession rapide (urgence pour éviter une dégradation de l’exploitation et une dépréciation des actifs), le niveau d’exigence sur la publicité effectuée sera moins élevé qu’en présence d’un marché fermé avec une faible probabilité de trouver des repreneurs (nécessité de faire un maximum de démarches pour trouver un repreneur).

5. Jugement d’ouverture de la procédure collective confirmant l’option du prepack cession. Le tribunal doit fixer, dès le jugement d’ouverture de la procédure collective, la date de l’audience d’examen des offres de reprise. En pratique, on constate un délai de 3 à 5 semaines entre le jugement d’ouverture et l’audience d’examen des offres de reprise. La désignation du mandataire ad hoc ou du conciliateur en tant que liquidateur judiciaire ou administrateur judiciaire est préférable afin d’assurer une continuité efficace. Dans ce cas, seule subsiste sa rémunération calculée au titre de la procédure collective (pas de double rémunération) ce qui est de nature à inciter le tribunal à désigner le conciliateur en tant que liquidateur ou administrateur judiciaire. Dans le dossier FRAM, le redressement judiciaire a été ouvert le 30 octobre 2015 et l’audience d’examen des offres a été fixée le 18 novembre 2015.

Que se passe-t-il si le tribunal refuse d’appliquer le prepack cession ?
 
Dans ce cas, le tribunal ou l’administrateur judiciaire fixe une date limite de dépôt des offres de reprise (en pratique entre 2 semaines et 2 mois) et, le cas échéant, une date d’audience d’examen des offres de reprise. C’est ce qui s’est passé dans le dossier DOUX : dans son jugement du 4 avril 2018 d’ouverture de la liquidation judiciaire avec poursuite d’activité, le tribunal de Rennes a fixé la date limite de dépôt des offres de reprise au 14 avril et celle de l’audience d’examen des offres au 15 mai en vue d’un délibéré le 18 mai.

6. Au plus tard 8 jours avant l’audience d’examen des offres de reprise, d’autres candidats repreneurs qui ne se sont pas manifestés dans la phase 1, peuvent déposer leurs offres de reprise. En pratique, ces nouvelles offres sont souvent hostiles à celles déjà déposées en phase 1, voir non crédibles ou non confirmées le jour de l’audience d’examen des offres. C’est notamment ce qui est arrivé dans le dossier DOUX. En tout état de cause, ces nouvelles offres de reprise peuvent contraindre les candidats repreneurs de la phase 1 à modifier leurs offres.

7. Rapport de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire sur les offres de reprise et information des salariés

8. Au plus tard 2 jours ouvrés avant l’audience d’examen des offres de reprise : dernière possibilité d’améliorer les offres de reprise

9. Au plus tard 1 jour ouvré avant l’audience d’examen des offres de reprise : avis des instances représentatives du personnel

10. Audience d’examen des offres de reprise

11. Jugement arrêtant le plan de cession. La procédure de choix du ou des repreneurs par le tribunal est exactement la même que celle habituellement appliquée en vue de l’arrêté d’un plan de cession. Le critère de la sauvegarde de l’emploi demeure, de loin, la priorité des tribunaux de commerce. Viennent ensuite les critères de pérennité du projet de reprise et de prix offert.

La décision du tribunal retenant l’option du prepack cession ne signifie pas pour autant qu’il valide en amont l’offre ou les offres de reprises formulées dans la phase 1 du prepack cession. En effet, lorsqu’il statue dans un second temps sur l’arrêté du plan de cession, le tribunal peut décider de rejeter toutes les offres, mêmes celles qui auront été préparées et formulées dans la phase 1. Il peut renvoyer l’audience à une date ultérieure, par exemple si une nouvelle offre jugée sérieuse mais non finalisée donc irrecevable en l’état a été déposée avant le délai de 8 jours.

Avantages du prepack cession : faire mieux en phase 1 et plus vite en phase 2

Confidentialité en phase 1 = préservation de la valeur de l’entreprise sur son marché

En théorie, avec le prepack cession, l’opération de reprise est négociée et préparée dans un cadre strictement confidentiel. Malgré ses difficultés, l’entreprise cible préserve donc sa réputation, son image et la confiance de ses partenaires (clients, fournisseurs, bailleurs et créanciers). Elle ne subit pas les effets collatéraux destructeurs de valeur économique classiquement constatés dans une procédure collective publique dont les effets sont amplifiés par la durée de la mise en place d’un plan de cession classique (durée qui comprend toute la phase de préparation des offres de reprise).

En pratique néanmoins, on constate que cette confidentialité est difficile à faire respecter, d’autant plus si les salariés sont informés des démarches en cours pour rechercher un repreneur. Il n’en demeure pas moins que les risques de dégradation de l’image de l’entreprise et de son exploitation sont moins importants qu’en cas de procédure collective.

Pour les créanciers, le prepack cession permet également d’obtenir un prix de cession plus élevé en évitant la dévalorisation des actifs. Le prepack cession optimise ainsi les offres de reprise dans un cadre in bonis.

Adhésion pleine et entière du dirigeant de la cible : une nécessité et un avantage en phase 1

Le plan de cession peut cependant être vécu par le dirigeant comme une expropriation : le risque est qu’alors il n’y adhère pas et le combat en présentant un projet de plan de sauvegarde ou de redressement souvent incompatible avec un plan de cession même partiel. Le dirigeant est le seul à pouvoir demander qu’une mission de prepack cession soit confiée au mandataire ad hoc ou au conciliateur. Il devient donc ainsi partenaire et non plus opposant au futur plan de cession. Le prepack cession permet d’associer la participation du dirigeant au projet de reprise. Le climat est plus serein, le dirigeant collabore et la qualité de l’information fournie aux candidats repreneurs est optimisée. La cession est préparée sans tension, elle est contrôlée par le mandataire ad hoc ou le conciliateur et elle est réalisée rapidement en toute transparence sous le contrôle du Tribunal de Commerce et du Procureur de la République.

Accélération de la mise en œuvre du plan de cession en phase 2

Cette accélération intervient lors du basculement dans une procédure collective (phase 2) car la recherche de repreneurs aura été faite en procédure amiable (phase 1) donc en amont du jugement d’ouverture de la procédure collective. Si le tribunal emprunte la voie du prepack cession (en tenant compte de l’avis du Procureur de la République), il fixe immédia¬tement la date de l’audience d’examen des offres. Il n’y a donc pas d’appel d’offre ni de date limite de dépôt des offres de reprise. Cette accélération a pour effet de réduire le temps des négociations constaté habituellement en plan de cession et de permettre à l’administrateur judiciaire d’obtenir parfois une amélioration sensible des premières offres de reprise.

En pratique, pour respecter les délais, l’administrateur judiciaire peut décider de diffuser directement une synthèse des offres de reprise à tous les candidats repreneurs : ceux qui s’étaient déjà manifestés en phase 1 et ceux qui sont apparus en phase 2.

Pour les groupes de sociétés, le prepack cession peut s’inscrire dans une solution sur mesure
 
Un accord de conciliation applicable à la société mère et à certaines filiales peut être combiné à des prepack cession sur d’autres filiales moins stratégiques.

Les exigences du prepack cession

Les pistes d’amélioration du prepack cession

 

Pour toutes questions, n’hésitez pas à contacter Stéphanie Chatelon.

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