Le Conseil d’État complète sa jurisprudence en matière de provisions et de correction symétrique des bilans.
Pour mémoire, le bénéfice net imposable de l’exercice est égal à la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de cet exercice (CGI, art. 38-2). Aussi, tout rehaussement affectant l’actif net de clôture a donc pour effet de majorer le bénéfice. Pour éviter qu’un tel rehaussement ne dégage un bénéfice sans existence réelle, lorsque l’Administration rectifie au bilan de clôture une erreur génératrice d’une sous-estimation de l’actif net correspondant, il faut également rectifier symétriquement le bilan d’ouverture de l’exercice, si la même erreur se retrouve dans ce bilan.
Ce jeu des corrections symétriques des bilans est toutefois limité par la règle dite de l’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit (CGI, art. 38, 4 bis). Cette règle a pour effet de limiter la portée de la correction symétrique des bilans et de permettre ainsi au service vérificateur de procéder à des rehaussements de bénéfices au titre du 1er exercice non prescrit à raison d’erreurs qui peuvent avoir été commises au cours d’un exercice prescrit (sous réserve de quelques exceptions). Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion, par le passé, de préciser les modalités d’application de ces règles dans l’hypothèse d’une provision non déduite alors qu’elle remplissait les conditions de déductibilité fiscale (CE, 23 décembre 2013, n° 346018, Société Foncière du Rond Point, ou encore CE, 10 août 2017, n° 398791, Ste Dalkia), ainsi que dans l’hypothèse d’une provision comptabilisée à tort (CE, 19 juin 2017, n° 391770, Spie Batignolles).
En l’espèce, une société avait comptabilisé une provision pour risques et charges en vue de faire face au paiement de rappels de TVA. La société avait dans un 1er temps contesté le rappel de TVA puis avait procédé au paiement échelonné du rappel jusqu’à l’exercice 2005. La société avait considéré cette provision comme déductible fiscalement au titre de l’exercice de sa dotation, en revanche, elle avait considéré sa reprise au cours de l’exercice 2005 comme non imposable.
La société fait l’objet, sur les exercices 2004 et 2005, d’un contrôle fiscal à l’issue duquel l’Administration a considéré que cette provision n’était fiscalement pas déductible. Estimant que la provision avait, en tout état de cause, perdu son objet en 2005, l’Administration en a réintégré le montant dans les résultats imposables de 2005.
La société a contesté ce redressement devant le TA de Versailles qui lui a donné raison. La CAA de Versailles en revanche est revenue sur l’analyse.
Le Conseil d’État indique de manière très pédagogique, la marche à suivre dans les deux hypothèses suivantes :
- La provision a fait l’objet d’un emploi non conforme à sa destination ou est devenue sans objet au cours d’un exercice
Dans ce cas, la provision doit être réintégrée au bilan de clôture de cet exercice ou, s’il se trouve être prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l’exception du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit. - La provision ne satisfait pas, dès l’origine, aux conditions de déductibilité (ce qui était le cas en l’espèce)
Dans ce cas, cette erreur (sauf à ce qu’elle revête pour le contribuable un caractère délibéré) doit être corrigée dans le bilan de clôture de l’exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans non prescrits à l’exception du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit rendant ainsi sans objet sa reprise ultérieure pour emploi non conforme ou perte d’objet.