Site icon Deloitte Société d'Avocats

Le rattachement systématique des biens placés en trust, au patrimoine du constituant en matière d’ISF est-il inconstitutionnel ?

Photo du Conseil Constitutionnel

Est-ce conforme au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques (i) d’inclure systématiquement dans le patrimoine du constituant les biens et droits placés en trust pour les besoins de l’ISF (ii) sans considération des stipulations de l’acte constitutif du trust et des droits que celui-ci confère au constituant ?

Telle est la question que le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel par un arrêt rendu en date du 25 septembre 2017 (n°2017-679 QPC). Saisi à nouveau d’une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») en matière de trusts, le Conseil constitutionnel devra se positionner dans les trois prochains mois.

La pertinence de cette question souligne encore une fois les problèmes et incertitudes rencontrés par la Loi sur les Trusts, entrée en vigueur en 2011, et dont l’objectif était de donner un régime fiscal spécial à cette notion jusqu’alors méconnue en droit français.

Le constituant d’un trust, redevable de l’isf selon le législateur français

Le principe posé par le législateur à l’alinéa 1er de l’article 885 G ter du CGI semble clair dans son champ d’application : « les biens ou droits placés dans un trust […] ainsi que les produits qui y sont capitalisés sont compris [en matière d’ISF], pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition, selon le cas, dans le patrimoine du constituant ou dans celui du [bénéficiaire réputé constituant] ». Le constituant est donc au regard de l’ISF redevable de cet impôt en ce qui concerne les biens placés en trust.

Ajoutant une précision qui ne figure pas dans la loi mais qui a toute son importance, l’administration fiscale déduit de l’article susvisé que les biens placés en trust sont compris dans le patrimoine du constituant « [indépendamment] du contenu de l’acte de trust et donc de la nature de ce dernier (notamment, révocable ou irrévocable, discrétionnaire ou non.) ».

Le renvoi de la Question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») au Conseil constitutionnel

Le cas d’espèce soumis au Conseil d’Etat concernait un contribuable, redevable de l’ISF et détenant (notamment) dans son patrimoine des biens placés en trust. Conformément à la loi et la doctrine administrative en vigueur, ce contribuable avait l’obligation fiscale de déclarer la valeur des biens situés en trust au 1er janvier de chaque année au titre de l’ISF. Soulevant une QPC en cours d’instance, le contribuable a contesté la constitutionnalité du rattachement systématique, dans l’assiette de l’ISF du constituant, des biens placés en trust, et ce, nonobstant (i) les dispositions pouvant être prévues dans la documentation juridique du trust et (ii) plus particulièrement le fait que selon les modalités de constitution retenues, le trust est susceptible de ne conférer aucune capacité contributive au constituant.

Le Conseil d’Etat a considéré que la question de la constitutionnalité de l’article 885 G ter du CGI au regard du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques présente un caractère sérieux et ce faisant, a décidé de renvoyer cette QPC au Conseil constitutionnel.

Des recours pourraient être envisagés

La décision du Conseil constitutionnel devrait intervenir d’ici la fin du mois de décembre 2017, celui-ci étant tenu de se prononcer dans les 3 mois suivant sa saisine. La décision rendue sera susceptible d’engendrer d’importantes conséquences si les Sages venaient à (i) émettre des réserves d’interprétation sur la constitutionnalité de l’article 885 G ter du CGI ou (ii) déclarer cet article contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel peut s’il le souhaite limiter les effets de son éventuelle décision de non-conformité sur le passé.

Il s’ensuit que toutes les personnes ayant constitué un trust et qui se trouvent redevables de l’ISF pouraient voir s’offfrir à eux des recours portant sur l’assiette des biens qu’ils déclarent à l’ISF (potentiellement) depuis les dix dernières années. Les redevables concernés ont intérêt à revoir leur situation au regard de l’ISF et à sauvegarder leurs droits avant l’intervention de la décision

Exit mobile version