Le Conseil d’État juge que l’apport de plusieurs établissements industriels entre 2 sociétés liées et la cession concomitante des titres de la société bénéficiaire de l’apport à une société tierce doivent être analysés comme une opération globale de cession à un tiers, pour l’application du mécanisme de la valeur locative plancher.
Rappel
La valeur locative retenue pour l’établissement de la taxe foncière (comme pour la détermination de la base d’imposition de la CFE) est, pour certains biens et pour certains contribuables, déterminée à partir de leur prix de revient, lequel se trouve modifié en cas d’acquisition auprès d’un autre redevable.
Aussi, les dispositions de l’article 1518 B du CGI prévoient que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d’apports, de scissions, de fusions de sociétés, de TUP ou de cessions d’établissements ne peut être inférieure, selon la situation, à un montant compris entre 100 % et 50 % de son montant avant l’opération (mécanisme dit de la « valeur locative plancher »).
Pour les opérations réalisées depuis le 1er janvier 2011 (1er janvier 2010 pour la seule CFE), la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à 100 % de son montant avant l’opération lorsque, « directement ou indirectement, l’entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l’apport contrôle l’entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou que ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise » (CGI, art. 1518 B, al. 11 et 12).
Le Conseil d’État a récemment précisé que cette notion de contrôle devait être appréciée par référence à l’article L. 233-3 du Code de commerce (CE, 13 juillet 2023, n°460743).
L’histoire
En mai 2012, 2 groupes distincts se sont entendus sur la cession de l’activité de production exercée par le premier au bénéfice du second.
Cette opération a été réalisée en 2 étapes, intervenues le même jour :
- Apport partiel d’actif intragroupe à une société nouvellement créée (comprenant notamment 2 établissements industriels) ;
- Cession des titres de la société bénéficiaire des apports au second groupe (non lié, on le rappelle).
Considérant que la cession des établissements industriels était intervenue entre des entités liées, l’Administration a entendu faire jouer le mécanisme de la valeur locative plancher au taux de 100 %.
La société cessionnaire a contesté cette approche devant les juridictions.
La décision du Conseil d’État
Retenant une approche pragmatique, le Conseil d’État juge que les opérations successives consistant en l’apport des établissements industriels au sein du même groupe, puis, le même jour en la cession des titres de la société bénéficiaire des apports à une société tierce, ainsi qu’il ressortait du contrat de cession, s’inscrivaient « dans le cadre d’une opération globale de cession à un tiers ».
Aussi, convenait-il de faire application du mécanisme de la valeur locative plancher au taux de 80 % (cession entre entités non liées, CGI, art. 1518 B, al. 5) et non au taux de 100 % (cession entre entités liées, CGI, art. 1518 B, al. 11 et 12).
Rappelons que le Conseil d’État avait déjà esquissé un raisonnement similaire, en retenant une approche globalisante en présence de plusieurs opérations de cessions successives réalisées au cours d’une même année (CE, 21 décembre 2022, n°458650).