La TVA à l’importation est un sujet communautaire
La 6e directive TVA de 1977 dans son article 23, donnait déjà la possibilité aux Etats membres pour les biens importés en direct par des entreprises assujetties de mettre en œuvre soit la procédure douanière correspondant à un paiement immédiat avec décaissement de la TVA d’importation et des frais pour les opérateurs importateurs, soit la procédure fiscale sans décaissement et sans frais.
La directive 2006/112/CE en son article 211 reprend le même esprit et précise que : les États membres peuvent notamment prévoir que, pour les importations de biens effectuées par les assujettis ou les redevables ou par certaines catégories d’entre eux, la TVA due en raison de l’importation n’est pas payée au moment de l’importation, (…). La directive a donc confirmé et entériné le statut quo d’avant 1977.
Le choix est donc laissé aux Etats-membres d’opter pour le système de l’auto-liquidation de la TVA d’importation ou de conserver le régime traditionnel consistant à décaisser le montant de la TVA auprès de l’administration douanière.
Une étude réalisée par Deloitte en 20111 pour le compte de la Commission européenne révèle que 16 Etats membres ont déjà intégré le mécanisme de l’auto-liquidation de la TVA à l’importation soit à titre de principe, soit à titre optionnel et selon des modalités locales. Par conséquent, dans 16 Etats-membres sur 27, les opérateurs importateurs peuvent déclarer la TVA d’importation sur leurs déclarations fiscales ce qui leur permet d’éviter le décaissement de la TVA, lequel est particulièrement défavorable aux PME.
Mais la TVA à l’importation est surtout restée un sujet national
A la suite de la mise en place du Marché Unique en 1993, la France a choisi une gestion hybride de la TVA à l’importation impliquant deux administrations, la DGFIP et la DGDDI. Face à la suppression des frontières européennes et afin de ne pas mécontenter l’administration douanière, la France a fait le choix de maintenir la procédure douanière pour la perception de la TVA à l’importation. Ce choix n’est pas sans incidence pour les opérateurs et a créé des distorsions de concurrence au sein du Marché Unique.
Dans ce contexte, la question de la réforme de la TVA à l’importation a été, à nouveau, au cœur des débats lors des dernières discussions budgétaires, notamment à l’occasion du Projet de Loi de Finances rectificative pour 2012 et de la Loi de Finances pour 2013 puisqu’un amendement par la mise en œuvre du mécanisme de l’auto-liquidation de la TVA d’importation a été déposé les membres du groupe socialiste et apparentés. Ce sujet n’est pas nouveau puisque notre cabinet a déjà proposé le mécanisme de l’auto-liquidation pour la TVA à l’importation lors des précédents rapports Warsmann sur la simplification du droit.
En France, la règle de principe est que la TVA à l’importation est, dans un premier temps, acquittée puis dans un second temps déduite par les opérateurs importateurs ce qui induit un décaissement de la somme correspondant à la TVA d’importation réduisant ainsi, la trésorerie des importateurs.
Néanmoins, afin de limiter l’inconvénient que représente le décaissement de la TVA, la douane a progressivement mis en place plusieurs mesures :
- Le report du paiement de la TVA à l’importation (sous couvert de la mise en place d’une caution) : la TVA pouvait être acquitté au plus tard 30 jours suivant l’importation ;
- L’échéance unique de paiement le 25 du mois suivant le dépôt de la déclaration d’importation (sous couvert de la mise en place d’une caution) ;
- La dispense de caution du report du paiement de la TVA à l’importation;
- Le décautionnement du différé de paiement pour les entreprises le demandant mais sous réserve de disposer d’un crédit d’enlèvement ;
- Le décautionnement automatique y compris pour les taxes assimilées à la TVA pour les entreprises disposant d’un crédit d’enlèvement.
Ces mesures présentent toutefois quelques inconvénients :
- la TVA est toujours décaissée quelle que soit la simplification choisie ;
- toutes les entreprises ne possèdent pas de crédit d’enlèvement ;
- et enfin, 5% des demandes de dispense de caution afin de bénéficier du report de paiement faisaient l’objet d’un refus jusqu’au 31 décembre 2012.
Les aménagements successifs permettent aujourd’hui aux importateurs de déduire la TVA d’importation sur leurs déclarations fiscales «CA3» déposées entre le 19 et le 24 du mois suivant l’importation avant de l’avoir effectivement acquittée, le plus souvent le 25 du mois suivant l’importation, auprès de la DGDDI. Mais en dépit de cet avantage, les modalités s’avèrent toujours pénalisantes, notamment pour les PME qui n’ont ni la connaissance ni la pratique leur permettant de bénéficier de ces simplifications, ainsi que de façon générale pour les entreprises qui ne disposent pas de crédit d’enlèvement.
Le système français d’acquittement de la TVA à l’importation est alors perçu comme une véritable contrainte obligeant les opérateurs à mobiliser une trésorerie correspondant au portage de la TVA sur les importations en raison de ce décaissement.
Jusqu’à récemment, comme peuvent le laisser penser les propos du Ministre du Budget lors de la 3e lecture du Projet de Loi de finances Rectificative pour 2012, le fait que seulement deux Etats-membres (Belgique et Pays-Bas) aient mis en place le mécanisme de l’auto-liquidation était l’argument utilisé pour écarter tout projet de modification du système de la perception de la TVA d’importation en France. Or, comme on l’a indiqué ci-dessus, 16 Etats-membres ont en réalité déjà opté pour la mise en place du mécanisme de l’auto-liquidation de la TVA d’importation. Cette option s’ajoute au régime normal du décaissement mais environ 90 % des opérateurs utilisent cette facilitation. Par exemple aux Pays-Bas, le régime optionnel dit «Licence Article 23», en référence à la disposition de l’ancienne 6e directive TVA de 1977, doit être demandé par l’opérateur mais en réalité les commissionnaires en douane hollandais se sont appropriés la gestion de la TVA de leurs clients non établis aux Pays-Bas; ce sont donc eux qui le plus souvent demandent le bénéfice de la «Licence Article 23», pour le compte de leurs clients en tant que mandataire (ou représentant) général ou limité, selon le cas.
La TVA à l’importation n’aurait-elle pas dû toujours être un sujet communautaire ?
Force est de constater que le maintien du système français de perception de la TVA à l’importation constitue une distorsion et un véritable obstacle qui va à l’encontre du développement des ports et aéroports français en impliquant de réelles délocalisations de trafics vers les ports et aéroports européens voisins.
En effet, à l’heure actuelle, plus de 50 % du trafic de containers destiné à la France transite par les ports belges et néerlandais contre 20 % dans les années 1990.
Ce système créé de réelles distorsions de concurrence entre les Etats-membres et c’est pour cette raison, que bon nombre de praticiens jugent que le sujet de la TVA à l’importation aurait dû rester un sujet communautaire. Aujourd’hui, les importations suivies de livraisons nationales sont traitées moins favorablement que les importations suivies de livraison intra-communautaire (régime 42 du nom du code douanier associé à l’exonération de la TVA d’importation lorsqu’elle est immédiatement suivie d’une livraison intra-communautaire). Il conviendrait pour le moins de rétablir l’égalité de traitement de sorte que les opérations nationales ne soient pas moins bien traitées que les opérations intra-communautaires.
En France, on pourrait parfaitement concevoir un régime optionnel géré par la Douane, qui serait ouvert seulement aux entreprises assujetties à la TVA (transactions B to B) et ayant des importations régulières (chaque mois). La Douane se chargerait d’accorder l’option tout comme aujourd’hui elle accorde les AI2 (franchise de TVA qui peut être appliquée à l’importation lorsque les biens sont destinés à faire l’objet d’une livraison intra-communautaire). Le numéro de TVA de l’importateur ayant opté pour l’auto-liquidation serait validé à l’avance par la Douane (base VIES et par tout moyen, copie des factures, etc.) et reporté sur le DAU d’importation. De surcroit, pour éviter toute fraude de type carrousel sur la TVA à l’importation, un lien informatique devrait être établi pour assurer le suivi des transactions entre le DAU d’importation et la CA3 (auto-liquidation).
Il est évident que le système actuel constitue un frein pour l’emploi dans les différents secteurs impliqués dans le dédouanement, la logistique, le transport mais également dans les infrastructures portuaires et aéroportuaires.
En pratique et de façon croissante, les importateurs font le choix de dédouaner leurs marchandises dans un autre Etat de l’UE bénéficiant ainsi soit du «régime 42», soit de l’auto-liquidation, à destination de la France.
La mise en place d’une option permettant l’auto-liquidation en France viendrait s’ajouter à la règle du décaissement, et permettrait d’augmenter notre attractivité du point de vue des échanges commerciaux en évitant le contournement de fret par les ports et aéroports européens voisins. Il est estimé qu’environ un millier d’emplois en France pourraient ainsi être créés.
Demain, la question prendra une importance nouvelle lorsque les entreprises devront faire le choix du lieu de leur guichet unique douanier.
En effet, un système de guichet unique douanier sera mis en place après 2015 (l’on parle parfois d’une échéance 2018). Le lieu du guichet unique va déterminer le lieu du dédouanement et du paiement des droits et taxes dont la TVA à l’importation. Outre le fait que le guichet unique repose sur une simplification des formalités douanières à l’importation comme à l’exportation, il permettra aux opérateurs d’effectuer leurs formalités au bureau douanier de leur choix sur le territoire de l’Union européenne. Le choix de l’Etat-membre dans lequel le bureau douanier sera situé va nécessairement remettre les administrations en concurrence !
Il est à craindre que si aucun changement n’est réalisé en ce qui concerne le mécanisme de la perception de la TVA d‘importation, la France sera fortement pénalisée : les entreprises ayant pour habitude de contourner les ports et aéroports français au profit de leurs concurrents européens n’opteront pas pour un guichet unique français…
Dans un tel contexte, on peut parier que la TVA à l’importation redeviendra d’ici peu un sujet communautaire. On ne peut que souhaiter que le nouveau code des douanes de l’Union qui est actuellement en négociation, uniformise par le haut les procédures ouvertes aux entreprises en prévoyant que les deux mécanismes (décaissement ET auto-liquidation) s’appliquent quel que soit le point d’entrée, et quel que soit le lieu du guichet unique douanier.