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WB Ambassador : la CAA de Paris refuse la comparaison par rapport aux marchés financiers obligataires

Marteau - Cour de Justice

Le 31 décembre 2018, la CAA de Paris a rendu un arrêt attendu concernant la société WB Ambassador (CA Paris, 31 décembre 2018, 17PA03018), et la manière de justifier le niveau de rémunération de prêts intragroupe.

On se souvient qu’en première instance, le Tribunal Administratif de Paris avait validé le redressement effectué par l’administration fiscale qui contestait le taux d’intérêt de 7 % appliqué à la société dans le cadre d’un prêt consenti par une société liée. L’administration fiscale s’était placée sous le visa de l’article 39-1 du CGI, et surtout du 212-I. De ce fait, aucune référence aux prix de transfert et à l’article 57 du CGI, et, via le 212-I, l’administration fiscale opère un renversement de la charge de la preuve qui s’avère fatal au contribuable.

Et pourtant, la société n’avait pas lésiné sur les éléments justificatifs : une étude de comparables utilisant 3 approches différentes (comparaison par rapport à une opération de financement interne, comparaison par rapport à des taux d’intérêts obligataires moyens, comparaison des conditions de financement avec celles obtenues par un panel de sociétés du secteur hôtelier) doublées de deux expertises judiciaires indépendantes validant le résultat obtenu.

Or, la Cour a considéré que la comparaison était non pertinente, car se fondant « sur des comparables de taux issus de marchés financiers obligataires ». Or, d’après la Cour, pour « apprécier la pertinence du taux appliqué au prêt consenti par une entreprise liée, l’emprunteur doit démontrer que ce taux est conforme à celui qu’il aurait pu obtenir non sur les marchés financiers mais auprès d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ». A notre sens, cet argument est éminemment discutable, et il y a un lien évident entre des conditions de financement sur un marché de dette et un marché obligataire. Mais cette différence apparente a pu instiller un doute suffisant dans l’esprit de la Cour.

Et, du fait du 201-I, la charge de la preuve reposant sur le contribuable, celui-ci n’a pu obtenir de décision en sa faveur. Ainsi, pour la Cour, « la société requérante, qui ne propose aucune autre méthode fondée exclusivement sur une comparaison avec des taux d’intérêts obtenus auprès d’établissements ou d’organismes financiers indépendants, n’est donc pas fondée à soutenir que l’administration fiscale ne pouvait réintégrer à ses bénéfices imposables la fraction excédentaire des intérêts déductibles régulièrement calculés par les services fiscaux ».

Cet arrêt pose la question cruciale de preuve sur les taux d’intérêts intragroupe, et abonde dans la position de l’administration fiscale de la preuve impossible, puisque la preuve parfaite serait une offre ferme de banque. Cet arrêt est surtout en contradiction avec les réflexions de l’OCDE en la matière publiées en juillet 2018, qui mettaient en avant les méthodes de comparaison avec des marchés obligataires. Cela veut probablement dire qu’il faut, en plus des analyses traditionnelles sur les marchés obligataires, rajouter aux analyses des éléments de comparaison portant sur des prêts bancaires (avec les difficultés d’accès à l’information) et des éléments de preuve de la proximité de résultats entre les marchés de dette et les marchés obligataires.

Une alternative pourrait être pour les groupes de développer le financement intragroupe obligataire, mais cette solution est sans doute un peu lourde à manier dans la pratique. Dans ce cas-là cependant, plus de souci de base de comparaison.

Il serait en définitive salutaire que l’administration fiscale française, à l’instar d’autres administrations fiscales, clarifie ses attentes en matière de preuve, pour donner un peu plus de certitudes aux contribuables sur la manière de remplir ses obligations fiscales.

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