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Fiscalité américaine : qu’attendre de la présidence Trump ?

Ce lundi 20 janvier, Donald Trump est officiellement devenu le 47e Président des États-Unis.

Comme lors de son premier mandat, le nouvel occupant du Bureau Ovale a multiplié les promesses et les déclarations choc dans divers domaines[BR1] . En matière de fiscalité, ses promesses se sont principalement concentrées sur les droits de douane applicables aux importations de pays ou de régions ciblés. Bien que les pouvoirs que lui confèrent la Constitution et les lois américaines soient plus larges dans ce domaine qu’en fiscalité directe, une nouvelle réforme d’ampleur similaire au Tax Jobs and Cuts Act (TJCA) de l’automne 2017, moins d’un an après son entrée en fonction, n’est pas non plus à exclure.

En ce premier jour de nouvelle présidence républicaine, que peut-on alors anticiper pour les entreprises étrangères déjà implantées ou envisageant des investissements aux États-Unis ?

Une refonte de la fiscalité du commerce

Le cadre législatif et réglementaire : que peut décider Trump ?

En droit américain, il existe deux types de droits douaniers : les droits standards et les droits supplémentaires.

Les droits standards sont prévus par le Harmonized Tariff Schedule of the US (HTSUS), un équivalent de code douanier fondé sur le système mondial harmonisé appliqué par les membres de l’OMC. Les droits applicables en vertu du HTSUS sont en moyenne compris dans une fourchette de 0 à 20 % et sont négociés par l’Administration du Commerce International (International Trade Administration, ou ITA) dépendant du Ministère du Commerce US.

Les droits supplémentaires visent des situations particulières et sont destinés à traiter de dommages ou de menaces préalablement identifiés. Sur la base de pouvoirs spéciaux conférés au Président par le Congrès dans des cas encadrés par les textes américains, diverses augmentations sont permises.

À titre d’exemple, lorsque la Commission du Commerce International (International Trade Commission, ou ITC) conclut que certains biens importés pourraient porter préjudice à un ou plusieurs secteurs US produisant des biens similaires, l’article 201 du Trade Act de 1974 permet au Président de prendre des mesures douanières temporaires destinées à laisser du temps aux secteurs concernés de s’adapter à la concurrence. Ces mesures peuvent comprendre l’augmentation de droits d’entrée des biens visés sur le territoire américain ou la création de barrières non tarifaires sur ces mêmes secteurs. Cet article avait notamment été utilisé en janvier 2018, déjà par Trump, pour viser les importations de panneaux solaires et de cellules photovoltaïques, et renouvelé sous la présidence Biden jusqu’en 2026.

De même, l’article 301 permet au Président de prendre toute mesure, y compris par la rétorsion, pour obtenir le retrait de législations, politiques ou pratiques d’administrations étrangères qui violeraient un traité commercial international, ou qui seraient injustifiées, déraisonnables ou discriminatoires, et qui handicaperaient l’activité US. Cet article avait été mis en œuvre entre juillet 2018 et septembre 2019 sur la plupart des biens d’origine chinoise et, d’ailleurs, alourdi avec entrée en vigueur respectivement en septembre 2024, janvier 2025 et janvier 2026.

D’autres textes permettent également au Président d’imposer des mesures douanières en cas d’atteinte à la sécurité nationale ou en réponse à des mesures discriminatoires contre des biens américains (autorisant, dans ce dernier cas, le Président à imposer des droits à hauteur d’un maximum de 50 % sur les biens en provenance de ce pays).

L’importance de ces mesures réside dans le fait que, sous réserve de convaincre le Congrès des menaces pesant sur l’industrie américaine ou des risques inhérents à un déficit commercial, elles relèvent principalement de la compétence du Président, contrairement aux mesures de fiscalité directe qui relèvent plus du pouvoir du Congrès (i.e. tributaires de la majorité relative du parti présidentiel au sein de chacune des deux Chambres). Ce qui explique, d’une part, la facilité avec laquelle Donald Trump s’exprime sur l’augmentation des droits sur les biens importés de certains pays, à comparer avec l’imprécision du programme fiscal, et, d’autre part, permet d’anticiper une série de décisions rapides après sa prestation de serment.

On notera notamment à ce sujet, que l’article 122 du Trade Act de 1974 instaure des cas de mesures d’urgence, permettant l’augmentation provisoire des droits de douane jusqu’à 15 % ou l’instauration de quotas d’importations, pour une durée maximum de 150 jours, afin de contrer des déficits importants et sérieux de la balance commerciale US, prévenir une dépréciation importante et imminente du taux de change du dollar sur les marchés de devises étrangères, ou afin de coopérer avec des pays tiers en vue d’une correction d’une relation commerciale déséquilibrée.

À quoi s’attendre ?

À ce stade, Donald Trump a annoncé une augmentation généralisée des droits douaniers sur les biens importés, de 10 à 20 % sur la plupart des biens, à 25 % pour les importations en provenance du Canada et du Mexique, voire de 10 à 60 % pour les produits chinois. Trump a même menacé les pays qui n’utiliseraient plus le dollar comme monnaie d’échange pour leurs affaires commerciales d’un taux de 100 %.

De telles mesures décidées unilatéralement pourraient enfreindre les règles de l’OMC et les traités de libre échange conclus par les États-Unis, entraînant contestations et représailles. Toutefois, au vu des promesses de campagne et des récentes déclarations publiques, un changement rapide de la fiscalité du commerce international n’est pas à exclure.

On relève déjà, en tout état de cause, l’annonce la semaine dernière de la création d’un External Revenue Service, sur le modèle de l’Internal Revenue Service (IRS) en charge des contrôles fiscaux des contribuables américains, pour faire appliquer cette législation douanière.

Que faire ?

Au-delà des simulations d’impact sur la chaîne d’approvisionnement de tous les groupes opérant aux États-Unis, il peut être judicieux d’utiliser cette période pour :

Et en fiscalité directe ?

Le programme concernant la fiscalité des entreprises et des particuliers est encore incertain, notamment parce que la politique fiscale est traditionnellement le fait du Congrès américain plus que du Président. En particulier, les projets sont préparés et soumis par les commissions des Finances respectives des deux chambres : House Ways and Means pour la Chambre des Représentants et le Senate Finance Committee pour le Sénat, sous la houlette du leader désigné de chacune de ces chambres.

Il convient également de garder à l’esprit que, si les lois et budgets de l’État sont évidemment importants pour déterminer l’impact de la fiscalité au cours des années à venir,  les regulations publiées après promulgation et qui viennent expliciter la loi sont tout aussi, voire plus, importantes compte tenu de leur niveau de détail. En ceci, elles se distinguent des instructions administratives françaises qui explicitent la loi mais ne peuvent, sous peine d’excès de pouvoir, y ajouter.

Si l’on s’en tient aux promesses de campagne de Donald Trump, on retiendra notamment :

Sans réelle surprise, la mise en œuvre en droit américain de l’imposition minimum des multinationales (Pilier 2) ne fait pas partie de cette liste.

Pour la plupart, ces annonces n’ont pas été assorties de plus de précisions sur leur champ d’application (notamment la notion de fabrication aux États-Unis pour l’accès au taux bonifié d’IS) et pourraient se heurter à la réalité du budget américain. En effet, si Donald Trump dispose en 2025 d’une double majorité au Congrès qui le place dans une position de force supérieure à celle dont est issu le TJCA, les règles de vote d’un budget sont strictes dès lors qu’il s’agit d’augmenter le déficit et, par extension, potentiellement, le plafond de la dette américaine. On se souviendra en effet que tous les élus Républicains ne sont pas en faveur d’une augmentation de ce déficit, ce qui obligerait le nouveau Président à des concessions pour contrebalancer les mesures favorables aux ménages ou aux investisseurs par le biais, par exemple, d’augmentations d’impôts ou de suppression de dépenses publiques.

En 2017, la majorité Républicaine avait ainsi eu recours à la procédure dite de budget reconciliation, qui, pour simplifier, prévoit que lors de la présentation d’une loi de finances, le parti majoritaire inclut le chiffrage des mesures proposées et la démonstration qu’elles n’aboutissent pas à alourdir le déficit au-delà de sa trajectoire initiale (hors loi de finances, donc) sur une fenêtre budgétaire de 10 ans. À défaut, les règles de majorité sont modifiées et permettent à la minorité de bloquer ou de retarder le texte.

Dans ces conditions, la loi de finances devrait soit faire des impasses sur certaines promesses, soit les rendre moins généreuses (par exemple, en diminuant le taux de certaines déductions), inclure des hausses (par exemple, en diminuant les crédits d’impôts existants, à commencer par ceux issus de l’IRA), ou en imposant une limite dans le temps aux mesures les plus coûteuses. C’est ainsi que le TJCA incluait des mesures provisoires telles que le passage en charges des dépenses de R&D, disparues faute de vote sur leur pérennisation avant 2024.

À ce titre, l’augmentation des recettes douanières pourrait, dans une certaine mesure, entrer dans l’équation budgétaire à résoudre pour les parlementaires américains.

Conclusion

On le voit, les inconnues sont encore nombreuses, aussi bien sur la nature exacte des promesses que leur faisabilité. Il conviendra de suivre au cours des prochaines semaines et des prochains mois les déclarations des leaders des deux chambres, puis les travaux des commissions des finances pour voir se dégager les grandes lignes d’une loi de finances au cours de l’année 2025. En l’état, il semble ainsi peu probable d’aboutir à des événements post-clôture susceptibles d’être reflétés dans les comptes 2024 des opérateurs étrangers présents aux États-Unis, mais le mandat de Donald Trump ne fait que commencer !

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