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Apport de participations sous « pacte Dutreil » : une précision administrative inattendue

Pacte Dutreil et engagement collectif réputé acquis

Publiée le 6 avril dernier, la mise à jour tant attendue des Bofip relatifs au pacte Dutreil, conséquente à la réforme du dispositif « Dutreil-transmission » issue de la loi de finance pour 2019 et aux récentes jurisprudences rendues en la matière, peut s’attendre à un grand retentissement.

Une première lecture révèle déjà que les sujets portant à discussion seront nombreux : prise en compte d’une jurisprudence abondante et mise à jour des critères de l’activité mixte désormais étendue à la holding animatrice, régime des engagements de conservation via une société interposée … L’Administration a d’ailleurs bien pris soin d’ouvrir une période de consultation publique jusqu’au 6 juin prochain afin de laisser les praticiens faire remonter leurs remarques.

Parmi les commentaires administratifs, ceux visant l’apport de titres sociaux ayant été transmis sous bénéfice de l’exonération partielle lèvent une incertitude d’interprétation du texte légal codifié à l’article 787 B, f. du CGI, dans un sens inattendu.

Les origines du dispositif d’apport de titres sous « Pacte Dutreil » et une nécessaire réforme

La situation visée est celle d’un donataire qui souhaite apporter à une holding personnelle la participation dans une société opérationnelle qu’il a reçue sous le bénéfice du pacte Dutreil.

Le cadre légal, initialement restrictif, prévoyait notamment que la société holding bénéficiaire de l’apport devait avoir pour objet exclusif la gestion des participations détenues dans la société cible et, dans les sociétés du même groupe ayant une activité soit similaire, soit connexe ou complémentaire.

En outre l’apport ne pouvait être effectué qu’au cours de l’engagement individuel de conservation, alors que l’apport sous engagement collectif remettait en cause l’exonération partielle appliquée lors de la transmission des titres ensuite apportés.

Face à une telle complexité, le législateur est venu assouplir ces règles à compter du 1er janvier 2019.

Depuis cette date, l’apport d’une participation directe ou indirecte dans une société éligible peut être effectué dès la période d’engagement collectif.

En outre, le critère lié à l’objet social « exclusif » de la société holding a été simplement abandonné au profit d’un critère, qui se voulait initialement plus souple, relatif à la composition de son actif.

Ainsi, afin de permettre à cette holding de diversifier son actif, la valeur réelle de celui-ci doit désormais être, a minima, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation, « composée à plus de 50 % de participations dans la société soumises à ces engagements » et non plus exclusivement dans des sociétés du même groupe ayant une activité soit similaire, soit connexe ou complémentaire.

Une maladresse rédactionnelle ?

C’est ici que nait la controverse. Elle est d’abord passée inaperçue dans les mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de la réforme.

Pour l’appréciation du ratio de 50%, la nouvelle rédaction, dans une lecture littérale, semble viser les participations qui sont soumises aux engagements collectifs et individuels de conservation, à savoir, les seuls titres transmis sous pacte Dutreil, excluant ainsi les titres de la même société n’ayant pas fait l’objet de la transmission visée.

Cette lecture littérale apparait être en contradiction avec l’objectif de simplification du législateur mis en évidence dans les rapports parlementaires du projet de Loi de Finances pour 2019, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, lesquels n’évoquent qu’un seuil de 50% établi en fonction de l’ensemble des titres de la société opérationnelle et non seulement ceux qui sont transmis.

En septembre 2020, les praticiens ont rappelé cette ambigüité rédactionnelle en invitant à une certaine prudence puisque l’administration fiscale dans la réponse ministérielle Patriat (RM Sénat n°6410) reprenait littéralement la formulation du texte légal ne laissant présager aucune lecture positive de sa part. Cette interprétation est confirmée à la lecture du nouveau Bofip …

Une doctrine sujette à discussion

Aussi, par ces nouveaux commentaires, l’administration fiscale prend expressément position pour une lecture littérale, indépendamment des objectifs du législateur, en précisant désormais que « pour apprécier ce seuil de 50 %, il y a lieu de prendre en compte la valeur vénale des seules parts ou actions de la société soumises à ces engagements, à l’exclusion des éventuels titres de cette société qui n’y sont pas soumis. »

Cette position conduirait à proscrire les opérations d’apport à d’une société holding ayant pour objet exclusif de détenir l’intégralité des titres d’une société filiale, lorsque les titres ayant pour origine la transmission représenteraient à l’issue de l’apport moins de 50 % de l’actif de cette société, quand bien même l’actif de la société holding est composé de 100 % des titres de cette filiale.

Cette approche aboutit à une solution moins favorable pour le contribuable que celle prévue dans la rédaction antérieure à la réforme, qui validait ces opérations d’apport dès lors que la holding avait bien pour objet exclusif la détention de la société opérationnelle, quelle que soit l’origine des titres apportés.  

A titre d’exemple, le donataire, qui par hypothèse aurait déjà constituée une holding avec 100 actions d’une société opérationnelle acquises soit par cession soit par donation antérieure, ne peut apporter à cette même holding les 50 actions de la même société opérationnelle qu’il vient de recevoir sous engagements Dutreil sans remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle.

Inversement, la holding constituée par l’apport des 50 actions transmises ne pourrait acquérir le solde de la participation au cours de la période Dutreil alors même que cette opération n’aurait pour effet que d’accentuer le contrôle de la holding sur la société cible.

Il est indéniable que cette position s’expose à de nombreux commentaires des praticiens dans le cadre de la consultation publique ouverte jusqu’au 6 juin, tant elle s’inscrit en contradiction avec l’objectif du législateur rappelé ci-dessus.

Néanmoins, la pratique doit déjà s’adapter à cette doctrine. Puisque la voie de l’apport postérieur à la donation sous Dutreil semble obstruée, l’apport effectué préalablement à la transmission pourra être envisagé… Même si là encore, en l’état actuel des commentaires administratifs la transmission réalisée par société holding interposée nécessite une grande prudence dans sa mise en œuvre. 


Pour aller plus loin


Pacte Dutreil transmission : Mise en consultation publique des commentaires publiés au BOFIP

   
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