Le Conseil d’État confirme, une nouvelle fois, que la cession ou l’acquisition d’un actif immobilisé à prix manifestement minoré ou majoré se rattache à la catégorie des actes de nature si anormale que l’Administration n’a pas besoin de prouver l’intentionnalité de l’entreprise.
Pour mémoire, l’acte anormal de gestion est constitué par l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
Il est de jurisprudence constante depuis une décision « SA Renfort Service » du Conseil d’État (CE, 27 juillet 1984, n° 34588) que la charge de la démonstration de l’acte anormal de gestion repose sur l’Administration. Celle-ci doit établir deux éléments distincts : d’une part l’appauvrissement objectif de l’entreprise et d’autre part l’intention que cette dernière a eu d’agir contre son intérêt.
Cependant, le Conseil d’État avait dégagé deux cas de dispense pour l’Administration de prouver l’intention : lorsque l’acte de gestion consiste en un avantage accordé par l’entreprise à une partie liée (CE, 21 novembre 1980 n°17055) et lorsque l’acte de gestion est d’une nature si anormale que l’entreprise est présumée l’avoir intentionnellement consenti (CE, 26 février 2003, n° 223092, Sté Pierre de Reynal et cie).
Par un arrêt du 21 décembre 2018 (n° 402006, Sté Croë Suisse), le Conseil d’État a apporté les deux précisions importantes suivantes :
- la cession d’un actif immobilisé à prix manifestement minoré doit être rattachée à la catégorie des actes de nature si anormale que l’Administration n’a pas besoin de prouver l’intentionnalité de l’entreprise
- dans ces cas de présomption de l’intention, c’est au contribuable de justifier l’opération
Cette décision a rapidement été confirmée à plusieurs reprises (notamment, CE, 6 février 2019, n° 410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n° 407531, SARL Hulia).
Le Conseil d’État vient, une nouvelle fois, de faire application de ces principes, dans une affaire dans laquelle une société exerçant une activité de marchand immobilier avait cédé un appartement à son gérant, pour un prix inférieur de 40 % à la valeur du marché.
Reprenant à l’identique le considérant de principe de sa décision Sté Croë Suisse, le Conseil d’État rappelle que « s’agissant de la cession d’un élément d’actif immobilisé, lorsque l’Administration (…) soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu’elle a retenue et que le contribuable n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l’acte de cession ».
Pour mémoire, le contribuable peut toutefois se défendre en justifiant que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en ait tiré une contrepartie.
Enfin, le Conseil d’État clarifie les conditions dans lesquelles l’Administration peut reprendre une procédure de rectification après en avoir constaté l’irrégularité.
Il juge ainsi qu’aucune disposition du CGI ne fait obstacle à ce que l’Administration, après avoir reconnu, à la suite notamment d’une réclamation contentieuse du contribuable, l’irrégularité de la procédure de redressement suivie, reprenne cette procédure dans la seule mesure nécessaire à sa régularisation et dans le délai imparti par l’article L. 169 du LPF, afin de parvenir à la fixation de l’imposition dans des conditions régulières, cette faculté ne lui étant cependant ouverte que pour autant qu’elle a expressément constaté l’irrégularité de la première procédure en notifiant le dégrèvement de l’imposition précédente.