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Cession de titres à prix minoré : le cas particulier des « Management Package »

Faisant preuve de souplesse, le Conseil d’État adapte sa jurisprudence « Sté Croë Suisse », dans l’hypothèse où la cession de titres à prix minoré découle d’une promesse unilatérale de cession, consentie à l’un des salariés-clés du groupe.

Rappel

On sait que, lorsque l’Administration établit que la cession d’un élément d’actif a été réalisée à un prix manifestement minoré (existence d’un « écart significatif » entre le prix de vente et la valeur vénale), l’intention libérale est présumée. C’est alors au contribuable de justifier que l’appauvrissement en résultant a été effectué dans l’intérêt de l’entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en ait tiré une contrepartie (21 décembre n°402006, Sté Croë Suisse, rapidement confirmée à plusieurs reprises, notamment CE, 6 février 2019, n°410248, SARL Alternance et 15 février 2019, n°407531, SARL Hulia).

L’histoire

Une société exerçant une activité de holding mixte a consenti, en mars 2009, au directeur commercial de l’une de ses filiales, une promesse, valable pour 5 ans, de cession d’un maximum de 234 000 actions de cette filiale (soit 7% de son capital), au prix définitif de 1 € par action.

Le salarié a fait jouer la promesse de cession, et acquis, en février 2011, quelques 100 000 actions de la filiale, au prix fixé de 1 € par action. Il les a revendues le jour même, pour une valeur unitaire de 3,8 €, à une autre filiale contrôlée majoritairement par la société holding.

L’Administration a estimé que la cession consentie par la holding au salarié était constitutive, compte tenu du prix anormalement bas, d’une libéralité, et a réintégré dans les résultats de la holding une somme correspondant au gain d’acquisition réalisé par l’acheteur.

La société a vainement contesté le redressement devant le TA, puis devant la CAA, avant que l’affaire ne soit finalement portée devant le Conseil d’État.

La décision du Conseil d’État 

Le Conseil d’État reprend d’abord le considérant de principe de sa décision S Croë Suisse précitée, avant d’annuler, pour erreur de droit, la décision de la CAA de Nantes.

Il lui reproche, en effet, d’avoir apprécié l’anormalité de l’acte à la date de l’exercice de l’option, et donc de la cession (en 2011) et non à la date à laquelle l’option a été consentie (en 2009).

Jugeant ensuite l’affaire au fond, il se place à la date à laquelle la promesse de cession a été consentie, afin de déterminer si la promesse de vente consentie au profit du salarié comportait des contreparties suffisantes (l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des actions n’étant pas contestée par la société).

Il juge que la société a consenti la promesse de cession dans son propre intérêt, dès lors que celle-ci avait pour but d’inciter le directeur commercial de sa filiale, détenue en quasi-intégralité, à en développer le chiffre d’affaires, ce dont il résulterait une valorisation de sa propre participation.

A cet égard, il écarte comme étant dépourvue de pertinence la circonstance qu’il ne s’agissait pas de l’un de ses propres salariés.

Il relève que les compétences de ce salarié, son expérience commerciale dans la vente de préparations culinaires auprès de restaurants, segment d’activité sur lequel la filiale avait axé son développement, étaient de nature à lui permettre, par son implication particulière, d’obtenir un accroissement important du chiffre d’affaires de cette société, et par suite, de la valeur de ses titres (dans ses conclusions, le rapporteur public souligne, de manière détaillée, que le salarié en cause était « absolument essentiel » au développement de la filiale).

Le Conseil d’État relève également que, même si la promesse de vente permettait au salarié d’exercer son option pendant une période de 5 ans, et n’était pas subordonnée formellement à des engagements de sa part, le prix de 1 € fixé par la promesse pouvait être regardé comme proche de la valeur vénale des titres à la date à laquelle elle a été consentie, et que les perspectives de croissance de l’activité de la société ne présentaient aucun caractère certain, de sorte que la promesse revêtait, pour le salarié, un réel effet incitatif.

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