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Conditions de déductibilité des fonds détournés par un salarié

Bordeaux, France

Au cas d’espèce, la Cour refuse la déductibilité des fonds détournés en raison de la carence manifeste des dirigeants dans l’organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle ayant permis les détournements de fonds réalisés par un salarié conformément à la jurisprudence Société Alcatel CIT du Conseil d’État.

Par principe, toute entreprise est libre de sa gestion. Les dépenses engagées par une société constituent normalement des charges déductibles pour la détermination de son résultat fiscal dès lors qu’elles satisfont aux conditions générales de déduction prévues par les dispositions de l’article 39 du CGI et qu’elles ne sont pas exclues par une disposition particulière (BOI-BIC-CHG-10-10-20190123).

Les dispositions combinées des articles 38 et 209 du CGI excluent du bénéfice imposable à l’IS les dépenses étrangères à une gestion commerciale normale de la société, à raison de leur objet ou de leurs modalités. Celles-ci doivent être regardées comme des charges non déductibles. À ce titre, l’examen des opérations en cause doit se faire en considération de l’intérêt propre de l’entreprise, sans qu’il y ait lieu d’apprécier l’opportunité des choix de gestion faits par l’entreprise et notamment l’ampleur des risques pris par cette dernière pour améliorer ses résultats (CE, 13 juillet 2016 n°375801, SA Monte Paschi Banque : abandon de la jurisprudence antérieure relative à la « théorie du risque manifestement excessif »).

Au cours des dernières années, le Conseil d’État est ensuite venu apporter des précisions sur l’application de ces principes dans le contexte des détournements de fonds :

Dans l’affaire en cause, une société constate en 2012 que les factures de ses fournisseurs correspondent à des fournitures qui ne lui ont pas été livrées ou ont été surfacturées. Elle porte donc plainte contre l’un de ses salariés, le responsable des achats, qu’elle considère comme étant à l’origine du détournement de fonds.

À l’issue d’une vérification de comptabilité durant laquelle le détournement de fonds est relevé, l’Administration réintègre au résultat imposable de la société les charges déduites correspondant à ces achats fictifs, considérant que ces détournements de fonds avaient été rendus possibles en raison de l’existence de carences dans l’organisation et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle de la société. Elle rectifie en conséquence le montant de la valeur ajoutée retenue pour le calcul de la CVAE et remet en cause le droit à déduction de la TVA afférente à ces achats fictifs.

La CAA de Bordeaux confirme la position du TA de Bordeaux.

Selon la Cour, eu égard à l’importance, la durée et la répétition des anomalies relevées, le préjudice de la société révèle une carence manifeste dans son organisation et dans la mise en œuvre des dispositifs de contrôle. Elle se fonde sur de nombreux éléments de faits notamment extraits du « compte-rendu de contrôle interne sur les procédures achats/fournisseurs » datant de 2012 et établi par le commissaire aux comptes qui mentionnait :

La Cour refuse en conséquence la déductibilité des charges constatées en raison de ces actes.

Au cas présent, il faut insister sur l’importance des éléments de fait qui sont mis en avant par la Cour – en balance avec les arguments du contribuable, non repris dans ces développements. Elle fait à ce titre une scrupuleuse application de la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle les pertes constatées dans le cadre d’un détournement de fonds par un salarié à raison de carences manifestes des dirigeants dans l’organisation de l’entreprise et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle ne doivent pas être considérées comme déductibles (CE, 5 octobre 2007, n°291049, Société Alcatel CIT : à l’inverse, le CE avait cependant estimé, en l’espèce, qu’en considération des éléments de faits, les détournements de fonds constituaient des charges déductibles, et CE, 12 avril 2019, n°410042, SDSM).

Le caractère fictif des achats n’étant pas contesté, la Cour considère que ces achats ne peuvent réduire la valeur ajoutée pour le calcul de la CVAE ni donner lieu à une TVA déductible.

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