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Contribution de 3 % sur les revenus distribués

Photo de la Cour de Justice de l'Union Européenne

Son incompatibilité avec la directive « mères et filiales » en cas de redistribution des bénéfices provenant de filiales européennes en réduit encore sensiblement le champ d’application et la fragilise un peu plus.

Une société française qui procède à une distribution de dividendes qu’elle a elle-même reçus d’une filiale européenne ne peut pas être soumise sur cette redistribution à une charge fiscale supérieure au plafond forfaitaire prévu au § 3 de l’article 4 de la directive « mères et filiales » (DMF), égal à la taxation de 5 % des bénéfices distribués par la filiale. En revanche, la contribution de 3 % ne constitue pas une retenue à la source « déguisée ».

Redistribution par une mère de bénéfices provenant de filiales d’un autre Etat Membre

La CJUE conclut à la contrariété des contributions française et belge à l’article 4 de la DMF, en ce qu’elles ont pour effet de soumettre une société mère qui redistribue des dividendes perçus d’une filiale européenne, à une charge fiscale totale supérieure à une taxation de 5 % des bénéfices distribués par ladite filiale.

Suivant les conclusions de son avocat général Juliane Kokott dans l’affaire de la fairness tax belge, la CJUE confirme d’abord que l’article 4 de la directive vise à éviter que les bénéfices distribués à une société mère résidente par une filiale non-résidente soient imposés, dans un premier temps, dans l’Etat de résidence de la filiale et, dans un second temps, dans celui de la société mère.

Il en résulte que l’Etat membre de la société mère perceptrice doit s’abstenir d’imposer les dividendes reçus (article 4 § 1), sous réserve de la faculté qui lui est offerte de ne pas déduire du bénéfice imposable de la société mère les frais de gestion de la participation pour un montant forfaitaire maximal de 5 % des bénéfices distribués (article 4 § 3).

Or, dans la mesure où l’assiette de la taxe de 3 % est constituée par les dividendes distribués par une société mère, cette assiette peut également comprendre des bénéfices provenant des filiales de cette société mère qui résident dans d’autres Etats membres, ce qui a pour conséquence de soumettre automatiquement ces bénéfices à une imposition dépassant le plafond prévu par la directive (la contribution de 3 % est, de fait, supérieure à l’impôt déjà prélevé par le biais de la quote-part de frais et charges, soit environ 1,72 %), et d’aboutir à une double imposition de ces bénéfices. La Cour retient la même analyse s’agissant de la fairness tax belge (CJUE, 17 mai 2017, C-365/16, AFEP).

LA CONTRIBUTION DE 3 % EST, DE FAIT, SUPÉRIEURE À L’IMPÔT DÉJÀ PRÉLEVÉ PAR LE BIAIS DE LA QUOTE-PART DE FRAIS ET CHARGES .

On notera, à cet égard, que l’argument selon lequel les redistributions de bénéfices par une société mère à ses actionnaires seraient hors du champ de la directive a été écarté. Par ailleurs, sur la nature de l’imposition, la Cour précise que le fait que l’impôt de redistribution soit qualifié d’IS ou non est indifférent. La DMF vise à éviter toute forme de double imposition au niveau de la société mère, quelle que soit la nature de l’imposition en cause.

Non assimilation à une retenue à la source

Si, dans l’affaire française, la CJUE ne se prononce pas sur le point de savoir si la taxe de 3 % doit être regardée comme une retenue à la source prohibée par l’article 5 de la DMF, elle juge que la fairness tax belge n’est pas une retenue à la source déguisée. Cette solution, conforme aux conclusions de Juliane Kokott, n’est pas surprenante, dès lors que la fairness tax ne remplit pas l’un des trois critères cumulatifs permettant, selon la jurisprudence de la CJUE, de caractériser une retenue à la source, à savoir que l’assujetti soit le bénéficiaire de la distribution, c’est-àdire le détenteur des titres. Or, l’assujetti à la fairness tax est la société qui distribue le dividende et non le bénéficiaire de celui-ci. On notera que la même solution est transposable à la contribution de 3 %, également prélevée entre les mains de la distributrice (CJUE, 17 mai 2017, C-68-15, X).

Portée de l’arrêt

Pour l’avenir, la question de la suppression totale de la taxe de 3 % se pose à nouveau, alors surtout que d’autres contentieux restent en cours et que cette suppression était inscrite dans le projet présidentiel d’Emmanuel Macron. En toute hypothèse, depuis le 1er janvier 2017, l’exonération nouvelle prévue par la LFR 2016 (Voir notre article précédent sur le sujet) a, dans les faits, significativement réduit les hypothèses de double imposition en cas de redistribution.

Pour le passé, les contribuables ayant invoqué l’argument fondé sur la contrariété de la taxe de 3 % à la directive pour la fraction de l’assiette composée des redistributions de bénéfices de filiales européennes vont obtenir gain de cause.

Le débat va sans doute à présent se déplacer sur la détermination du quantum qui aurait dû être extourné de l’assiette de la contribution de 3 % et sur les justificatifs à produire sur l’origine et le montant des distributions concernées. Les situations dans lesquelles la production des éléments de preuve s’avérerait pratiquement impossible ou excessivement difficile devront faire l’objet de précisions par l’Administration. Les sociétés mères concernées qui n’auraient pas encore initié de contentieux sur ce terrain vont par ailleurs pouvoir le faire.

L’affaire pourrait également connaître un autre rebondissement, cette fois devant le Conseil constitutionnel, sur le terrain de la discrimination par ricochet, s’agissant des redistributions de bénéfices de filiales françaises ou non européennes. Si elle était reconnue, cette inconstitutionnalité pourrait contaminer les redistributions internes ainsi que les redistributions faites à des sociétés non UE. Une QPC reconventionnelle devrait être déposée très prochainement en ce sens. En attendant la réponse du Conseil constitutionnel, les contribuables concernés devraient déposer des réclamations pour prendre date, sachant que celui-ci peut limiter les effets de sa décision pour le passé.

LE SEUIL DE 750 M€ DOIT PRENDRE EN COMPTE LA TOTALITÉ DU CHIFFRE D’AFFAIRES QUI FIGURE OU FIGURERAIT DANS LES ÉTATS FINANCIERS CONSOLIDÉS.

En revanche, sur l’assimilation de la contribution à une retenue à la source, le débat est désormais clos, l’argument ayant été définitivement écarté par la Cour.

Enfin, les autres motifs de contrariété (notamment la liberté d’établissement dans le cadre européen et les clauses de non-discrimination des conventions fiscales dans le cadre non européen) demeurent en suspens.

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