L’Ordonnance 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a été publiée au JO du 26 mars.
En résumé
Afin de préserver les droits de tous (administrations/justiciables/contribuables) pendant la période du confinement, cette ordonnance :
- reporte un certain nombre de démarches, quelle que soit leur forme (acte, formalité, inscription, etc.), lorsqu’elles sont prescrites à peine notamment de nullité, caducité ou sanction et, concrètement, ouvre ainsi un nouveau délai.
Toutefois, aucun report de délai n’est accordé en ce qui concerne les déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes.
- suspend les délais de l’action administrative et, pour les contrôles fiscaux et les rescrits notamment, certains délais, à la fois pour l’Administration et les contribuables.
Quelques clés pour décrypter la terminologie de l’Ordonnance
Report, prorogation ou suspension
La suspension d’un délai pendant une durée déterminée consiste à arrêter de décompter le délai pendant la période de suspension. Par exemple, si un délai de 60 jours est suspendu au bout du 17e jour, pendant un mois, au terme de ce mois, il restera (60 – 17 jours) soit 43 jours à courir.
La prorogation du délai fait quant à elle naître un nouveau délai. Elle permet un report jusqu’à une nouvelle échéance.
Délimitation de la période pendant laquelle les délais sont suspendus ou reportés
L’Ordonnance prévoit de reporter un certain nombre de délais lorsqu’ils étaient censés expirer entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020.
L’état d’urgence sanitaire s’applique à compter du 24 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de la loi d’urgence, reprise sur le site service-public.gouv.fr) et devrait s’appliquer 2 mois (sauf prorogation législative ou interruption anticipée par décret), soit jusqu’au 24 mai 2020.
Ainsi, sous réserve d’une modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, sont donc concernés les délais qui viendraient à expirer entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (période que nous prenons la liberté de nommer « période de gel »).
Un report à titre général … mais pas pour le dépôt des principales déclarations en matière fiscale
Un report est prévu à titre général.
Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant cette « période de gel » sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois (article 2 de l’Ordonnance). A ce jour, le délai maximum serait donc le 24 août 2020.
L’Ordonnance ne prévoit donc pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la « période de gel », elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.
Ces dispositions concernent notamment les délais pour déposer des mémoires introductifs d’instance devant les juridictions.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit (même article).
Les dispositions de l’article 2 de l’Ordonnance font référence aux prescriptions « par la loi ou le règlement » et excluent donc de leur champ d’application les stipulations contractuelles.
Ce report n’est toutefois pas applicable aux principales déclarations en matière fiscale.
Ce report n’est pas applicable aux déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes (article 10, II de l’Ordonnance).
Cela concerne notamment les déclarations de TVA, les « liasses fiscales » en matière de BIC, BNC et IS, et les déclarations en matière d’impôt sur le revenu.
Le rapport au Président de la république relatif à cette Ordonnance précise que cette mesure vise à préserver le recouvrement des recettes publiques nécessaires au fonctionnement des services publics et au soutien de l’économie.
Une suspension des délais de l’action administrative
Les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’Administration, entendue au sens large (article 6 de l’Ordonnance), peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement, et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit a priori le 24 juin 2020 (article 7 de l’Ordonnance).
A titre d’exemple, on rappellera qu’en matière fiscale, une réclamation liée à l’assiette est implicitement rejetée au bout de six mois et peut alors être soumise au tribunal administratif ou judiciaire selon l’impôt concerné. Compte tenu des dispositions de l’Ordonnance, pour les réclamations en cours qui n’étaient implicitement rejetées au 12 mars 2020, le décompte du délai de six mois sera suspendu, et la possibilité de saisir les tribunaux sera différée en conséquence.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette « période de gel » interviendra à l’achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis à l’Administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande.
Une suspension des délais en matière de contrôle fiscal et douanier
Pour les délais en cours au 12 mars 2020
L’Ordonnance prévoit une suspension, pour une durée égale à celle de la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juin 2020 a priori, des délais suivants :
- Pour les administrations fiscale et douanière, les délais de prescription du droit de reprise qui arrivaient à terme le 31 décembre 2020 (article 10, I, 1° de l’Ordonnance).
- Pour les administrations fiscale et douanière comme pour les contribuables, pendant la même période, l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale, sans qu’une décision en ce sens de l’autorité administrative ne soit nécessaire (article 10, I, 2° de l’Ordonnance). Ces dispositions concernent également les délais applicables en matière de rescrit.
- Les délais prévus à l’article 32 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, relatif à l’expérimentation de la limitation de la durée des contrôles administratifs pour les entreprises de moins de 250 salariés et dont le CA annuel n’excède pas 50 M€ dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes (article 10, I, 3° de l’Ordonnance).
Pour les délais qui auraient dû commencer à courir à partir d’une période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit le 24 juin 2020 a priori) : ces délais ne commenceront à courir qu’à compter de l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit le 24 juin 2020 a priori).
Une suspension des délais de recouvrement des créances incombant aux comptables publics
L’article 11 de l’Ordonnance précise que les délais applicables en matière de recouvrement et de contestation des créances publiques prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action sont suspendus pendant la durée de la période de gel augmentée de 2 mois (soit à ce jour jusqu’au 24 août 2020).
Ces dispositions concernent l’ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics (cela concerne donc notamment les matières fiscale et douanière).