Une récente décision de la CAA de Versailles sur les modalités de prise en compte des indemnités de transfert de joueurs perçues par les clubs de football pour la détermination de la CVAE nous invite à faire le point sur la distinction entre résultat courant et résultat exceptionnel, au regard notamment de la situation liée à la Covid 19.
Les principes applicables
Pour mémoire, la valeur ajoutée servant de base à la CVAE est égale à la différence entre le chiffre d’affaires, tel que défini par les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI, et une liste limitative de charges, fixée par le même article.
Le Conseil d’État a jugé, à plusieurs reprises, que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, il convient de se reporter aux normes comptables obligatoires en vigueur lors de l’année d’imposition concernée (CE, 4 août 2006, n° 267150, Sté Foncière Ariane et CE, 9 mai 2018, n° 388209, Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de Pyrénées Gascogne, solution rendue en matière de taxe professionnelle, puis transposée à la CVAE, avant d’être transposée à la CVAE, CE, 29 juin 2018, n° 416346, SAS Compagnie d’exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen). Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration précise également qu’il convient de se reporter au PCG (BOI-CVAE-BASE-20-20180704 n° 1).
Le Conseil d’État a ensuite indiqué, dans un avis du 26 septembre 2018, qu’il en allait de même pour déterminer, le cas échéant, le mode de calcul de ces éléments comptables (avis n° 421182).
L’affaire
Le litige portait sur la question de la prise en compte des indemnités de transfert de joueurs perçues par un club de foot pour la détermination de sa CVAE.
La CAA de Versailles rappelle, en premier lieu, le principe de connexion entre les traitements comptables et fiscaux en matière de CVAE. Selon les prescriptions du PCG applicable aux années d’imposition en litige, le chiffre d’affaires s’entend du montant des produits réalisés par l’entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante (article 512-2).
Elle souligne, en outre, que l’article 1586 sexies du CGI prévoit que les plus-values de cessions d’immobilisations corporelles et incorporelles doivent être prises en compte dans le calcul du chiffre d’affaires, lorsqu’elles se rapportent à une activité normale et courante. À cet égard, la Cour relève que les cessions de contrats de joueurs présentent, pour les clubs de football professionnel, un caractère récurrent et génèrent une part significative voire structurelle des produits qu’ils réalisent.
Dès lors, elle juge que les indemnités litigieuses devaient bien être retenues pour la détermination de la CVAE, peu important à cet égard que les cessions de contrats de joueurs du club de football considérés représentaient en réalité une part modeste de ses effectifs et des produits dégagés par son activité.
On observera qu’elle reprend en tous points les principes dégagés par le Conseil d’État s’agissant de la prise en compte des indemnités de transfert de joueurs en matière de taxe professionnelle (CE, 6 décembre 2017 n° 401533, Sté Paris Saint-Germain Football Club).
Résultat courant, résultat exceptionnel, et Covid-19
Comme on l’a vu, la CVAE est fondée sur le résultat comptable courant. À contrario, les produits et charges présentant un caractère exceptionnel ne sont pas retenus pour la détermination de la CVAE.
Compte-tenu de la crise sanitaire et économique liée au Covid-19, des interrogations ont légitimement pu se poser sur une possible comptabilisation en résultat exceptionnel de ses conséquences (surcoûts liés aux gestes barrières, pertes dues à la fermeture temporaire d’établissements etc.). La question se pose d’autant plus que les entreprises pourraient être tentées de moduler leurs deux premiers acomptes de CVAE 2020 (en principe calculés sur la valeur ajoutée de 2019).
L’ANC, dans une FAQ du 18 mai 2020 s’est prononcée, de façon nuancée, sur la comptabilisation des conséquences liées au Covid-19.
Elle indique ainsi qu’elle « ne recommande pas l’inscription systématique des charges et produits liés à cet événement en résultat exceptionnel ou non courant. Peuvent cependant continuer à être inscrits en résultat exceptionnel ou résultat non courant les produits et charges qui sont inscrits de façon usuelle en résultat exceptionnel dans le cas des comptes annuels ou en résultat non courant dans le cas des comptes consolidés. Il est ainsi recommandé aux entités de poursuivre leurs pratiques antérieures en la matière, ce qui pourra le cas échéant conduire à y inscrire certaines des conséquences de l’événement Covid-19 ».
Cette recommandation, si elle a le mérite de la souplesse, ne s’avère pas sans risque pour les contribuables.
On sait en effet que si le Conseil d’État a consacré le principe d’une connexion fiscalo comptable en matière de CVAE, il s’est néanmoins réservé la faculté de faire prévaloir la comptabilisation la plus cohérente avec la définition fiscale de la valeur ajoutée, lorsque l’inscription comptable est équivoque et que les normes comptables ne s’opposent pas à une inscription alternative (CE 9 mai 2018 no 388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne s’agissant de dépenses de mécénat et CE, 28 novembre 2018 no 413121, SNC Lancôme Parfums et Beauté et cie s’agissant des primes d’assurance versées au titre des indemnités de départ à la retraite).
Dès lors, le juge de l’impôt garderait la faculté de remettre en cause le choix effectué par le contribuable de ne pas retenir en résultat exceptionnel les conséquences liées à la Covid-19.
Ce sujet est d’autant plus à suivre que l’ANC reconnaît que le document recensant ses recommandations et observations est, en raison du caractère évolutif de la crise économique, de ses conséquences et des mesures de soutien apportées aux entreprises, un « document vivant » susceptible de compléments si nécessaire le moment venu.