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Date d’appréciation de l’opposabilité d’une doctrine administrative ultérieurement rapportée

Photo du Conseil d'Etat

Un contribuable peut valablement se prévaloir d’une réponse ministérielle lui étant favorable dès lors qu’elle n’a pas été rapportée à la date du fait générateur de l’imposition considérée. A cet égard, le fait générateur d’une plus-value relevant de l’impôt sur le revenu correspond à la date de l’opération de cession de titres, et non au 31 décembre de l’année en cause (date du fait générateur de l’impôt sur le revenu lui-même).

On sait que les dispositions de l’article L. 80 A du LPF protègent les contribuables des changements de l’interprétation des règles fiscales formellement admises par l’Administration. Elles leur permettent, d’une part, de s’opposer au rehaussement d’une imposition antérieure conforme à l’interprétation formellement admise par l’Administration et en vigueur à la date de mise en recouvrement (premier alinéa) et, d’autre part, à l’établissement d’une imposition primitive ou rectificative, contraire à l’interprétation publiée par l’Administration et appliquée par le contribuable (second alinéa).

Pour pouvoir être valablement invoquée dans le cadre de la garantie offerte par le second alinéa, la doctrine doit être antérieure à l’imposition (condition d’antériorité, appréciée au moment où le contribuable a souscrit sa déclaration ou liquidé son impôt) et ne pas avoir été rapportée ou ne pas être devenue caduque.

Un contribuable revendiquait l’exonération d’impôt sur le revenu de la plus-value réalisée à l’occasion de la cession de son fonds libéral, lequel avait préalablement fait l’objet d’un contrat de location-gérance, en se prévalant des termes d’une réponse ministérielle fugace (Rm Tanguy, JO AN, 31 janvier 2006, p. 989, n° 79401) faisant une interprétation clémente des dispositions applicables (CGI, art. 238 quindecies, VII). Cette doctrine favorable, en vigueur au moment de l’opération de cession (soit le 1er avril 2006) avait été très rapidement rapportée par l’Administration, dans le cadre d’une nouvelle réponse ministérielle, bien plus restrictive, publiée le 24 octobre 2006 (Rm Roques, JO AN, 24 octobre 2006, p. 11063, n° 93895, d’ailleurs reprise au BOFIP, BOI-BIC-PVMV-40-20-50, n° 90 et à laquelle le Conseil d’Etat a fini par se rallier, arrêt du 16 octobre 2013, n° 346043).

L’Administration, comme les juges du fond, ont considéré que, dès lors que cette doctrine avait été rapportée au moment du fait générateur de l’impôt sur le revenu, (soit le 31 décembre de l’année considérée), elle ne pouvait valablement être opposée par le contribuable.

Le Conseil d’Etat a en effet, déjà été amené à juger que la date à laquelle il convient d’apprécier si la doctrine invoquée a été ou non rapportée correspond à celle du fait générateur de l’impôt considéré, 31 décembre ou clôture de l’exercice, selon les cas (décision de plénière du 18 mars 1988, n° 73693). Dans cette affaire, le litige portait également sur une plus-value de cession de stocks (de cognac), mais le contribuable, qui exploitait un domaine agricole, relevait du régime du forfait légal.

Le Conseil d’Etat vient de préciser cette jurisprudence, en l’affinant quelque peu. Il confirme que c’est bien au moment du fait générateur de l’imposition contestée qu’il convient de se placer pour apprécier l’opposabilité d’une doctrine administrative rapportée. Toutefois, s’agissant d’une plus-value de cession relevant de l’impôt sur le revenu, il indique que c’est la date du fait générateur de la plus-value elle-même qu’il convient de retenir, c’est-à-dire la date à laquelle est intervenue la cession.

On notera que la solution ici dégagée par le Conseil d’Etat est conforme à la lettre même du second alinéa de l’article L. 80 A du LPF, qui invite à se placer à « la date des opérations en cause ».

L’avis de l’expert : Marie-Pierre Hôo, Directeur

Cette solution nous semble pouvoir être étendue aux plus-values de cessions de titres relevant de l’impôt sur les sociétés.

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