La CAA de Nantes juge – de manière inédite à notre connaissance – que l’Administration peut recourir à la présomption du « maître de l’affaire » pour l’application des dispositions de l’article 111, a du CGI.
Rappel
Pour mémoire, les sommes mises à la disposition des associés à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes sont considérées comme des revenus distribués (CGI, art. 111, a).
Cette présomption ne joue toutefois que si l’Administration est en mesure d’établir que les sommes ont été réellement mises à la disposition de l’associé (BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20, 20 septembre 2012, n°290).
Il s’agit d’une présomption simple, que l’associé peut combattre, en démontrant que les sommes reçues n’ont pas le caractère d’une distribution exceptionnelle ou anticipée de profits sociaux, et que leur versement est exclusif de toute faveur spéciale à son profit.
L’histoire
À l’issue du contrôle des résultats d’une SARL au titre des exercices 2012 à 2014, l’Administration constate que la société a comptabilisé en charge des factures fictives, et que le montant figurant sur ces factures a été inscrit au crédit du compte courant d’associé, lequel ne présentait pas de caractère nominatif.
Elle a donc rejeté la déductibilité des charges et imposé le gérant et associé de la société sur le fondement de l’article 111, a du CGI, en invoquant la théorie du maître de l’affaire, ce que le contribuable a contesté sans succès devant les juges de première instance.
La décision de la CAA de Nantes
La théorie du maître de l’affaire permet à l’Administration d’être regardée comme ayant apporté la preuve de l’appréhension de revenus réputés distribués par la personne dont elle établit qu’elle est, dans la société dont les revenus ont été regardés comme distribués, le seul maître de l’affaire (notamment, CE, 30 décembre 2011, n°332088).
Il est bien établi que l’Administration peut recourir à cette présomption du « maître de l’affaire » lorsqu’elle fonde son redressement sur les dispositions de l’article 109-1, 1° du CGI (présomption légale de distribution à l’égard de tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital) ou sur les dispositions de l’article 111, c (rémunérations et distributions occultes, voir notamment CE, 13 juin 2016, n°391240).
En revanche, le Conseil d’État a récemment jugé que, pour l’application des dispositions de l’article 109-1, 2° du CGI (qui réputent distribué l’ensemble des sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, bénéficiaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices), la qualité de maître de l’affaire ne permet pas de présumer que ce dernier a effectivement appréhendé les revenus (CE, 29 juin 2020, n°433827 et 432815).
Le Conseil d’État avait, à cette occasion, suivi son rapporteur public, lequel indiquait, dans ses conclusions, que « le déclenchement de la présomption d’appréhension par le maître de l’affaire n’est légitimé que par l’ignorance dans laquelle l’administration se trouve des bénéficiaires réels des distributions ». Il ajoutait à cet égard, que « de la même manière, il ne nous viendrait pas à l’esprit de recourir à la présomption du maître de l’affaire pour l’application des dispositions du 111, a du CGI ».
La CAA de Nantes indique, à titre liminaire, qu’en principe, la qualité de maître de l’affaire est sans incidence sur la détermination du bénéficiaire des revenus distribués lorsque l’Administration fait usage des dispositions de l’article 111, a du CGI.
En revanche, elle juge, de manière nous semble-t-il inédite, que tel n’est pas le cas lorsque le compte courant d’associés ne présente pas un caractère nominatif ; dans cette hypothèse, la qualité de seul maître de l’affaire permet de regarder le contribuable comme le seul bénéficiaire des revenus réputés distribués.
En l’espèce, le gérant et associé de la société était bien à même de disposer sans contre-pouvoir des biens de la société, comme s’il s’agissait de ses biens propres (associé principal, et gérant unique, détenant seul la signature sur les comptes bancaires de la société, etc.).
La Cour considère de plus que l’Administration a apporté la preuve du manquement délibéré justifiant la pénalité de 40% (prélèvements importants, constants, masqués en comptabilité par des paiements fictifs correspondant à des factures fictives).