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Non application de la directive mère-fille aux sociétés localisées à Gibraltar

Saisie d’une question préjudicielle, la CJUE juge que les sociétés constituées à Gibraltar et assujetties à l’IS sur ce territoire, n’entrent pas dans le champ d’application matériel de la directive mère-fille (Directive 2011/96/UE) dans la mesure où elles ne peuvent être considérées comme des « sociétés constituées conformément au droit du Royaume-Uni » et assujetties à la « corporation tax au Royaume-Uni ».

Sur une période étendue de juillet 2011 à avril 2016, une société bulgare a procédé à une distribution de dividendes au bénéfice de sa société mère localisée à Gibraltar. Estimant que sa société mère de Gibraltar devait être considérée comme une personne morale étrangère ayant son domicile fiscal dans un EM, la société bulgare n’a prélevé aucune retenue à la source en Bulgarie par application de la transposition locale de la directive mère-fille.

L’administration fiscale bulgare ne suit pas cette analyse et considère que la localisation à Gibraltar ne permet pas de considérer que la société mère est résidente fiscale d’un pays membre de l’Union Européenne. Le sujet est porté devant les juridictions bulgares.

Pour mémoire :

La juridiction bulgare estime que l’issue du litige dépend de la question de savoir si Gibraltar relève du champ d’application de la directive mère-fille. Par suite, elle pose les 2 questions préjudicielles suivantes :

1.Les dispositions combinées de l’article 2, sous a), i), de la directive mère-fille selon lesquelles 

« Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par “société d’un État membre” toute société qui revêt une des formes énumérées à l’annexe I, partie A »

Et l’annexe I, partie A, de la directive 2011/96 qui inclut, sous ab), « les sociétés constituées conformément au droit du Royaume‑Uni »

Doivent-elles être interprétées en ce sens que l’on entend également par « sociétés constituées conformément au droit du Royaume-Uni » les sociétés constituées à Gibraltar ?

2. Les dispositions combinées de l’article 2, sous a), iii), de la directive mère-fille selon lesquelles :

« Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par “société d’un État membre” : toute société qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts énumérés à l’annexe I, partie B, ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts. »

Et de son annexe I, partie B, [dernier tiret] qui énumère les impôts visés à l’article 2, sous a), iii), et inclut la « corporation tax au Royaume‑Uni »

Doivent-elles être interprétées en ce sens que l’on entend également par « corporation tax au Royaume-Uni » l’impôt sur les sociétés dû à Gibraltar ?

En réponse, la Cour rappelle tout d’abord que la directive mère-fille n’a pas pour objectif d’instaurer un régime commun pour toutes les sociétés des EM, ni pour tous les types de participations (arrêts du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, point 49, et du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement, C‑247/08, point 36).

Ainsi que l’a relevé l’avocat général dans ses conclusions, la Cour souligne également que, pour des raisons de sécurité juridique, toute possibilité d’étendre le champ d’application matériel de la directive mère-fille par analogie à d’autres sociétés que celles énumérées à son annexe I, partie A est exclue (liste exhaustive de sociétés).

Par ailleurs, elle note que ces dispositions de la directive mère-fille contiennent un renvoi exprès au droit du Royaume-Uni et doivent donc être interprétées conformément au droit national applicable dans cet EM (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Bank Handlowy et Adamiak, C‑116/11, point 50). A cet égard, le Royaume-Uni a précisé que les sociétés constituées conformément à son droit national ne peuvent inclure que des sociétés qui sont considérées comme étant constituées au Royaume-Uni, celles-ci n’incluant pas, en tout état de cause, les sociétés constituées à Gibraltar. De même, le Royaume-Uni a par ailleurs précisé que, selon le droit interne du Royaume-Uni, l’impôt prélevé à Gibraltar ne constitue pas une « corporation tax au Royaume-Uni ».

Par conséquent, la Cour conclut que les sociétés constituées à Gibraltar ne remplissent pas les conditions d’applicabilité prévues par la directive mère-fille.

Enfin, si la juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation des dispositions de la directive mère-fille, la CJUE rappelle l’obligation de l’EM de respecter les articles 49 et 63 du TFUE et de vérifier, éventuellement, si l’imposition des bénéfices distribués par une filiale bulgare à sa société mère établie à Gibraltar constitue, au regard du droit d’établissement ou de la libre circulation des capitaux dont jouissent les sociétés constituées à Gibraltar (ordonnance du 12 octobre 2017, Fisher, C‑192/16, points 26 et 27), une restriction et, dans l’affirmative, si une telle restriction est justifiée.

De son côté, l’avocat général proposait d’aller plus loin et déduisait directement que les articles 49 et 52 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un EM qui exclut de l’exonération des impôts retenus à la source, de manière générale et sur la base d’un critère territorial, les dividendes versés par des filiales constituées dans cet EM à leurs sociétés mères établies à Gibraltar. Nous vous invitons donc à consulter ses conclusions pour plus de détails sur cet argumentaire. En tout état de cause, il faudra attendre une nouvelle occasion pour connaître la position retenue par la CJUE sur ce point.

La période concernée par le litige est également couverte par la directive 90/435, telle que modifié par la directive 2006/98/CE du Conseil, la réponse de la Cour a également vocation à s’appliquer à cette directive mère-fille 90/435, les dispositions en cause étant identiques dans les 2 textes (directives 2011/96 et 90/435).

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