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Transfert indirect de bénéfices à l’étranger et CIR

La CAA de Versailles confirme que la prise en compte, par une société française, des subventions reçues de l’État (CIR entre autres), pour la détermination du prix de cession du produit de sa recherche à facturer à sa société mère étrangère, ne permet pas, par elle-même, de présumer l’existence d’un transfert de bénéfices à l’étranger.

Mise en œuvre de l’article 57 du CGI

Pour mettre en œuvre l’article 57 du CGI, une fois la condition de dépendance établie, l’Administration a 2 possibilités : soit elle démontre l’existence d’un avantage accordé par une entreprise établie en France à une entreprise associée établie à l’étranger (la première pouvant alors combattre la présomption de transfert de bénéfices par la démonstration d’une contrepartie au moins équivalente à l’avantage consenti) soit, si elle n’y parvient pas, elle doit établir l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu pour démontrer l’existence d’une libéralité consentie par l’entreprise établie en France (CE, 7 novembre 2005, n°266436 et 266438, Cap Gemini, CE, 16 mars 2016, n°372372, Sté Amycel France et CE, 19 septembre 2018, n°405779, Sté Philips France).

L’histoire

Une société française effectuant des prestations de recherche et développement dans le domaine de la téléphonie mobile a conclu un contrat cadre dit « sponsored design contract » avec sa mère établie en Suisse.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013, l’Administration a entendu faire application du dispositif prévu à l’article 57 du CGI.

L’Administration et la société se sont rapidement entendues sur le taux de marge applicable (7 %).

En revanche, l’Administration a constaté que le prix de revient des prestations de R&D facturées par la société française à sa société mère avait été minoré du montant, d’une part, des subventions versées par l’État pour le financement des projets correspondants et, d’autre part, des CIR qui lui ont été accordés, ce qui était constitutif, selon elle, d’un transfert indirect de bénéfices à la société suisse au sens des dispositions de l’article 57 du CGI.

Elle en a déduit que les refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges et, partant, le chiffre d’affaires de la société servant de base au calcul de sa valeur ajoutée, étaient erronés et a également mis à sa charge des suppléments de CVAE.

La décision de la CAA de Versailles

La Cour, reprenant la solution dégagée par le Conseil d’État dans sa décision Philips, juge au contraire que la déduction des subventions pour la détermination du prix de cession du produit de sa recherche à facturer par la société française à sa mère étrangère ne peut être regardée, par elle-même et indépendamment du niveau du prix de cession auquel cette déduction conduit par application du mode de calcul contractuel, comme un avantage permettant de présumer l’existence d’un transfert de bénéfices à l’étranger au sens de l’article 57 du CGI (CE, 19 septembre 2018, n°405779, Sté Philips France).

Elle juge également que le caractère incessible de la créance sur l’État constituée par le CIR ou la circonstance que ce CIR constitue en premier lieu un moyen de paiement de l’impôt ne permettent pas plus de conclure à l’existence d’un avantage en nature accordé à la société étrangère, alors même que la refacturation est calculée selon la méthode cost-plus avec une marge de 7 % appliquée au prix de revient net, calculé après déduction des subventions et CIR, et que l’Administration ne démontre pas que cette marge, même combinée avec la déduction des subventions et des CIR est inférieure à celle pratiquée par des entreprises indépendantes.

L’Administration n’apporte dès lors pas la preuve que les sommes réintégrées dans les résultats de la société requérante constituaient des bénéfices indûment transférés à l’étranger. Il en résulte également que les suppléments de CVAE mis à la charge de la société ne sont pas fondés.

On observera que la CAA de Versailles confirme la solution retenue par le TA de Montreuil dans la même affaire – mais pour des exercices différents (TA Montreuil, 7 juillet 2020, n°1900974, STMicroelectronics). Elle a, par ailleurs, rendu la même solution dans 4 autres arrêts du même jour, concernant des filiales du même groupe.

 

Avis du praticien : Grégoire de Vogüé

Avec ces arrêts, il semble que la porte d’un redressement en matière de refacturation intragroupe de coûts de R&D nets du montant du CIR soit fermée à double tour pour l’administration fiscale. Elle a pourtant tout tenté sur les nombreuses affaires portant sur ce groupe : devant le TA de Montreuil, c’était l’idée que la rentabilité affichée était inférieure à celle de sociétés comparables. Le juge avait invalidé cette position pour des questions de comparabilité (existence ou non d’un agrément en matière de CIR). Ici, le juge met en avant la question de la charge de la preuve, en indiquant bien que la déduction du CIR des coûts de R&D n’est pas en soi suffisante pour démontrer un transfert de bénéfice, d’autant plus que l’administration fiscale ne démontre pas que la marge de la société concernée est inférieure à celle de sociétés comparables indépendantes (tentative justement invalidée par le TA). Etant donné la position du Conseil d’État dans l’affaire Philips, on peut probablement considérer que, sur ce sujet, la messe est dite.