Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 comporte quelques mesures particulièrement attendues, notamment sur la fiscalité des distributions et le dispositif ISF-PME mais également l’instauration d’une taxe d’enregistrement nouvelle.
Fiscalité des distributions
Le projet de loi comprend un certain nombre de mesures tendant, pour l’essentiel, à mettre en conformité le régime des sociétés mères et filiales avec le droit de l’Union Européenne et qui, sauf précision contraire, s’appliqueraient aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.
Flux entrants (régime mère-fille)
Non-transposition de la jurisprudence Stéria en droit interne
Le projet de texte ne contient aucune disposition visant à tenir compte en droit interne de la décision de la CJUE qui a récemment jugé non-conforme au droit de l’UE le mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charges en intégration fiscale (CJUE, arrêt du 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Stéria).
Selon nos informations, le Gouvernement serait encore en train de réfléchir aux solutions envisageables. L’une d’entre elles consisterait, en particulier, à supprimer le mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charges au sein des groupes intégrés et à abaisser, en contrepartie, la quote-part de frais et charges à 1 % en cas de détention de la société distributrice à 95 %, que cette dernière soit ou non intégrée.
Condition relative aux droits de vote non supprimée
On notera également que la mesure attendue concernant l’extension du régime mère-filles aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote ne figure finalement pas dans le projet de texte, ce sujet faisant l’objet d’une question préjudicielle transmise au Conseil constitutionnel le 13 novembre dernier (QPC n° 2015-520).
Condition de propriété des titres
Ouvriraient désormais droit au régime mère-filles les titres de participation détenus en nue-propriété.
Clause de sauvegarde pour les dividendes perçus de sociétés établies dans un ETNC
Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel relative à certaines mesures restrictives applicables aux ETNC quant à leur compatibilité au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et les charges publiques (décision n° 2014-437 QPC du 20 janvier 2015), une clause de sauvegarde serait insérée en faveur des produits des titres d’une société établie dans un ETNC. Ceux-ci pourraient ainsi ouvrir droit au régime mère-filles si la société mère apporte la preuve que les opérations de la société établie hors de France correspondent à des opérations réelles qui n’ont ni pour objet, ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la localisation de bénéfices dans un ETNC.
Rétablissement d’exclusions antérieures
On se souvient que la 2e LFR 2014 prévoyait une restriction générale au régime mère-filles, consistant à refuser son application aux dividendes prélevés sur les bénéfices d’une activité non soumise à l’IS ou à un impôt équivalent. Pour ce faire, le texte prévoyait la substitution d’une règle d’exclusion générale à la liste des exclusions expresses figurant aux articles 145, 208 et 208 C du CGI. Or, le Conseil constitutionnel a censuré la règle d’exclusion générale, sans réinstaurer de manière corrélative les exclusions expresses. L’Administration avait repris, dans ses commentaires au BOFiP, la liste des exclusions expresses telle qu’elles figuraient aux articles 145, 208 et 208 C du CGI dans leur rédaction antérieure à la 2e LFR 2014, et notamment l’exclusion des dividendes versés par les sociétés d’investissement et de développement régional et par les SIIC. Le législateur rétablirait formellement la liste de ces exclusions.
Flux sortants (exonérations de retenue à la source)
Sociétés mères établies dans un Etat de l’EEE
L’exonération de retenue à la source bénéficiant aux dividendes versés par une société française à une société sise dans un Etat membre de l’UE (CGI, art. 119 ter 2) serait étendue aux dividendes versés à des sociétés sises dans un Etat partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
Condition de propriété des titres
L’exonération de retenue à la source bénéficierait désormais aux participations détenues en pleine propriété comme en nue-propriété.
Légalisation de la doctrine Denkavit
La doctrine administrative dite « Denkavit » (BOI 4 C-7-07 du 10 mai 2007) serait légalisée. Ainsi, figurerait désormais dans le CGI l’exonération de retenue à la source applicable aux participations à hauteur de 5 %, lorsque la société bénéficiaire des dividendes détient des participations satisfaisant aux conditions prévues à l’article 145 et se trouve privée de toute possibilité d’imputer la retenue à la source.
Distributions de dividendes à des sociétés déficitaires et en liquidation
Une exonération nouvelle de retenue à la source pour les revenus distribués à des sociétés non-résidentes déficitaires et en liquidation serait prévue à compter du 1er janvier 2016.
Instauration de la clause anti-abus européenne
Le régime mère-fille serait complété d’une exclusion nouvelle, correspondant à la clause anti-abus de minimis prévue par la Directive (UE) 2015/121. Cette exclusion serait applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. Ainsi, l’exonération à 95 % ne bénéficierait pas aux dividendes distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions de l’article 145-1 du CGI, n’est pas authentique compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents.
Par ailleurs, s’agissant de l’exonération de retenue à la source, la clause anti-abus actuellement prévue à l’article 119 ter 3 du CGI, remettant en cause l’exonération communautaire si les dividendes bénéficient à une personne morale, contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’Etats non membres de l’UE, serait réécrite. L’objectif serait là aussi de transposer la clause anti-abus minimum commune prévue par la Directive (UE) 2015/121. Cette réécriture de la clause anti-abus, dont la teneur est identique à celle prévue pour le régime mère-filles, concernerait les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.
Pour ces deux dispositifs nouveaux, la loi préciserait qu’un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties et qu’un montage est considéré comme non authentique dans la mesure où il n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.
Refonte du dispositif de réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME
On sait que les redevables qui investissent dans certaines PME, directement ou par l’intermédiaire de sociétés holdings, ou qui souscrivent des parts de fonds d’investissement (FCPI, FIP) peuvent, sous certaines conditions, imputer une partie de leur investissement sur le montant de leur ISF (réduction « ISF-PME »).
Le montant de la réduction d’impôt est égal à 50 % des versements effectués par le redevable, plafonné à 45 000 € sans pouvoir excéder 18 000 € pour les souscriptions de parts de fonds d’investissement.
La loi nouvelle ne toucherait pas au montant de la réduction d’impôt mais procèderait à une refonte profonde du dispositif qui serait recentré sur certaines entreprises et plus exigeant et contraignant dans ses modalités d’application. Nous retiendrons plus particulièrement les changements suivants applicables aux souscriptions qui seraient effectuées à compter du 1er janvier 2016 :
Recentrage sur les entreprises jeunes et innovantes
Pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, l’investissement devrait être réalisé dans une société qui, au sens du droit communautaire (Règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014) répond à la définition des PME et ne peut pas être qualifiable d’entreprise en difficulté.
De façon plus novatrice, la société devrait exercer son activité depuis moins de 7 ans. Ce délai serait décompté après sa première vente commerciale étant précisé que les investissements réalisés alors que l’entreprise n’exerce son activité sur aucun marché, ce que nous comprenons comme étant la phase d’amorçage, ouvriraient également droit à la réduction d’impôt.
Il serait toutefois possible de ne pas respecter cette condition s’il est établi que la société bénéficiaire des versements a besoin d’un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50 % de son chiffre d’affaires annuel moyen des 5 années précédentes.
Resserrement du champ des souscriptions éligibles
Si, comme dans le passé, les titres souscrits ne doivent pas, en principe, être admis aux négociations sur un marché réglementé, la loi nouvelle préciserait qu’ils ne doivent pas non plus être négociables sur un système multilatéral de négociation sauf si sur ce dernier la majorité des instruments admis à la négociation sont émis par des PME communautaires.
Les souscriptions réalisées par voie d’apports de biens nécessaires à l’exercice de l’activité ne seraient plus admises au dispositif.
Les versements du redevable pourraient être effectués au titre des souscriptions au capital initial de sociétés et aux augmentations de capital des sociétés dont le redevable n’est ni associé ni actionnaire. Lorsqu’il est déjà associé ou actionnaire de la société à l’augmentation de capital de laquelle il entend souscrire, la souscription devrait constituer un investissement de suivi réalisé dans certaines conditions et notamment que de tels investissements de suivi aient été prévus dans le plan d’entreprise de la société.
Limitation du montant total des versements
Le montant total des versements reçus par la société au titre des souscriptions ISF-PME et aides au financement des risques sous la forme d’investissements en fonds propres ou quasi-fonds propres, prêts, garanties ou combinaison de tels instruments, serait limité à 15 millions d’euros.
Durcissement des engagements du souscripteur
Si le bénéfice de l’avantage fiscal reste subordonné à la conservation des titres jusqu’au 31 décembre de la 5e année suivant celle de leur souscription, la condition de non remboursement des apports serait allongée jusqu’au 31 décembre de la 7e année suivant celle de la souscription.
Toutefois, il serait prévu une dérogation à ces deux conditions, en cas de licenciement, invalidité totale, et décès du souscripteur ou de son conjoint. Il en irait de même en cas de donation des titres à une personne physique pourvu que cette dernière reprenne lesdits engagements.
Taxe sur les cessions de locaux professionnels en Île-de-France
L’ancien article 1599 sexies du CGI (abrogé au 31 mars 1999) serait rétabli et instituerait, au profit de la région d’Ile-de-France, une taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière qui serait perçue au taux de 0,60 % sur les mutations à titre onéreux – autres que celles de terrains à bâtir et d’immeubles neufs – de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage.
Elle serait assise, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures que les droits et taxes auxquels elle s’ajoute. Elle s’appliquerait aux actes passés ou mutations conclues à compter du 1er janvier 2016.