Cette décision était particulièrement attendue compte tenu des conclusions rendues ces derniers mois par l’avocat général Kokott (DNB BANKA C-326/15 et AVIVA C-605/15) ainsi que par l’avocat général Wathelet (Commission contre RFA C-616/15).
Cette attente était particulièrement forte en France. En effet, lors de la transposition de la sixième directive TVA, cet Etat avait choisi de ne pas transposer le groupe TVA et de retenir, compte tenu de son historique concernant les remboursements de frais, une interprétation large des dispositions d’exonération de la directive TVA transposées à l’article 261 B du CGI.
Sans surprise, la Cour retient une interprétation stricte des dispositions d’exonération. Cette interprétation est toutefois intéressante dans la mesure où, sur certains aspects, celle-ci montre que la France retenait, sous couvert de tolérance, une position restrictive.
En ce qui concerne la notion de groupement, la cour précise que le groupement est un assujetti à la TVA distinct de ses membres. Les prestations rendues par le groupement aux membres entrent donc dans le champ d’application de la TVA. Ces prestations sont ensuite exonérées si les conditions prévues par l’article 132, §1, sous f) de la directive TVA sont remplies (ou si ces services bénéficient d’une autre exonération).
Les services rendus par les membres au groupement, ou encore la refacturation des dépenses engagées par les membres en leur nom mais pour le compte du groupement, entrent également dans le champ d’application de la TVA. Point noir s’agissant de la France, ces services ne sont ni hors champ de la TVA ni exonérées par l’article 132, §1, sous f).
L’analyse selon laquelle le groupement serait une entité au sein de laquelle les membres se rendraient des prestations en dehors du champ de la TVA n’est pas retenue par la Cour. Cette vision avait été encore récemment défendue par l’avocat général Wathelet dans les conclusions rendues dans l’affaire Commission contre RFA C-616/15.
En ce qui concerne les conditions relatives aux membres, la cour précise que les membres peuvent avoir une activité taxée à la TVA. Le texte n’exige pas en effet que les membres doivent exclusivement avoir une activité exonérée ou en dehors du champ de la TVA.
Dans la mesure où le texte ne contient aucun pourcentage s’agissant de la proportion de ces activités taxées, le pourcentage de 20 % retenu par l’administration fiscale s’avère être une restriction et non pas une tolérance. Ce pourcentage avait déjà été, à notre sens, remis en cause par le Conseil d’Etat dans une décision « Caisse Fédérale du Crédit Mutuel d’Anjou » du 8/07/2002.
La cour ne précise pas, en revanche, si les membres peuvent avoir une activité autre que qu’une activité d’intérêt général visée à l’article 132 de la directive TVA. Nous devrons donc attendre une prochaine décision pour savoir si les activités d’assurance et les activités bancaires peuvent bénéficier de ces dispositions d’exonération.
En ce qui concerne les conditions relatives aux services, la cour précise, que pour être exonéré, le service doit être directement nécessaire à l’activité exonérée du membre. Dans le cas où le service serait nécessaire à l’activité taxée, celui-ci ne pourrait pas bénéficier de l’exonération de TVA prévue par l’article 132, §1, sous f). S’agissant des services bénéficiant à la fois à l’activité taxée et à l’activité exonérée, la Cour semble entrevoir une taxation / exonération partielle du service rendue par le groupement. Ceci ne serait pas sans rappeler l’une des analyses retenues par la Commission européenne (en ce sens, voir les WP 856, p.9 et WP 883, p.7) ou encore l’analyse récemment mise en place en Belgique (Circulaire N°31/2016 du 31/12/2016 et notre article sur le sujet).
Point intéressant, les membres peuvent donc avoir une activité largement taxée. L’essentiel est que le service bénéficie aux activités exonérées. Ceci ressemble à une analyse reposant sur l’affectation qui avait commencé à être reconnue en France en matière de secteur distinct d’activité, par l’administration fiscale. La Cour va cependant plus loin, ce qui ouvre de nouvelles possibilités d’exonération.
La Cour tranche également la problématique de la déduction de la TVA par les membres, de la TVA grevant les dépenses encourues par le groupement. Sans surprise, la cour considère que la TVA grevant ces dépenses ne peut être déduite que par le groupement. Il n’existe pas de phénomène de transparence qui permettrait aux membres de récupérer cette TVA. On notera toutefois qu’une partie de cette TVA pourrait être déduite par le groupement si celui-ci rend des prestations taxées à la TVA (e.g. services nécessaires à l’activité taxée des membres), ce qui permettrait, par une voie détournée, de retrouver un phénomène de déduction.
Article écrit avec la participation de Aude Lacroisade.