Le 21 novembre dernier, les députés ont adopté, en première lecture, la deuxième partie du PLF 2018, en le complétant de plusieurs mesures nouvelles.
Mesures adoptées en l’état ou sans modification sensible
Baisse programmée et progressive du taux de l’IS (art. 41)
CICE : baisse du taux, avant suppression programmée (art. 42)
Suppression du taux supérieur de la taxe sur les salaires (art. 44)
Champ de l’obligation de certification des logiciels de comptabilité ou de gestion ou d’un système de caisse (art. 46)
Mesures modifiées
Déductibilité du supplément de CSG résultant de l’augmentation de son taux de 1,7 point (art. 38)
Serait précisée l’entrée en vigueur de la hausse de la fraction déductible de la CSG, en cohérence avec la hausse de son taux, prévue pour le 1er janvier 2018.
Pour les revenus d’activité et de remplacement, la hausse du taux s’appliquerait à compter du 1er janvier 2018. Par conséquent, lorsque la CSG est précomptée par le débiteur des revenus ayant fait l’objet de la hausse, la contribution serait déductible à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018. Lorsque la CSG est recouvrée par voie de rôle l’année suivant celle de la perception du revenu, selon les mêmes règles que l’IR, elle serait déductible à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019.
La hausse de la CSG s’appliquerait par ailleurs, pour les revenus du patrimoine (CSS, art. L. 136-6), à compter de l’imposition des revenus de l’année 2017. Elle apparaîtrait donc sur les avis d’imposition émis à compter du 1er janvier 2018. La hausse de la fraction de la CSG déductible serait applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018.
Pour les revenus de placement, la hausse de la CSG (qui fait l’objet d’un précompte de l’établissement payeur) concernerait les contributions dont le fait générateur surviendrait postérieurement au 1er janvier 2018 (sauf pour les produits concernés par la clause de sauvegarde). Dans ce cas, la hausse de la fraction de la CSG serait déductible à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018.
Prorogation pour 4 ans et recentrage du dispositif « Pinel » (art. 39)
Un recentrage du dispositif sur les zones A, A bis et B1 du territoire serait prévu.
Toutefois, à titre transitoire, les acquisitions de logements situés dans des communes des zones B2 ou C (qui seraient à l’avenir exclues du dispositif) pourraient continuer à bénéficier du dispositif, à la double condition d’avoir fait l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2017 et de réalisation de l’acquisition au plus tard le 31 décembre 2018.
Prorogation et aménagement du CITE (art. 39 nonies)
Comme annoncé, les mesures relatives au Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ont retrouvé leur place dans la seconde partie du PLF, l’idée étant de reporter les modifications du champ et des modalités d’application du CITE, initialement prévues au 27 septembre 2017 (date de la présentation du PLF), à l’année 2018. Le dispositif s’appliquerait donc jusqu’au 31 décembre 2017 dans les conditions actuellement en vigueur. Ensuite, la période d’application du CITE serait prorogée jusqu’au 31 décembre 2018. Certains équipements, parmi les moins performants seraient toutefois (sous réserve de dispositions transitoires), exclus à compter du 1er janvier 2018 du bénéfice du CITE.
Le champ d’application du CITE serait par ailleurs étendu à la part représentative du coût des équipements de raccordement à des réseaux de chaleur ou de froid comprise dans les droits et frais de raccordement à ces mêmes réseaux, et à la réalisation d’un audit énergétique.
Mesures nouvelles
Alignement de l’obligation documentaire en matière de prix de transfert sur le standard BEPS Action 13 (art. 46 ter)
Les entreprises qui ont un chiffre d’affaires annuel HT ou un actif brut au bilan au moins égal à 400 M€ (ou qui détiennent ou sont détenues par une telle entité, ou appartiennent à un groupe intégré dont l’une des personnes répond à l’une des conditions précédentes) ont l’obligation de tenir à la disposition de l’Administration, à la date de l’engagement d’une vérification de comptabilité, une documentation permettant de justifier de la politique prix de transfert pratiquée et composée d’un master file et d’un local file (LPF, art. L. 13 AA).
L’article L. 13 AA du LPF serait intégralement refondu et viserait, pour les contrôles portant sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, l’intégralité des informations prévues par l’Action 13 du projet BEPS. Les conditions d’application seraient toutefois ultérieurement fixées par décret.
Par ailleurs, le Gouvernement serait tenu de remettre au Parlement, avant le dépôt du PLF 2021, un rapport sur la mise en œuvre de l’article L. 13 AA du LPF (indications statistiques relatives aux documentations sur les prix de transfert satisfaisant aux conditions prévues aux mêmes articles, ainsi qu’un examen de la pertinence des informations produites dans le cadre de cette documentation pour le contrôle des prix de transfert).
CIR – Etat devant être fourni par les entreprises engageant plus de 100 M€ de dépenses de recherche (art. 44 sexies)
Les entreprises qui veulent bénéficier du CIR doivent souscrire une déclaration spéciale n° 2069-A-SD (CERFA n° 11081) et l’adresser au service des impôts des entreprises (SIE) et à la direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Cette déclaration formelle est actuellement complétée, pour les entreprises qui engagent plus de 100 M€ de dépenses de recherche, par un état décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens. Cette information complémentaire est prévue par le III bis de l’article 244 quater B du CGI.
En complément de cet état l’entreprise devrait fournir des informations sur la part de titulaires d’un doctorat financés par ces dépenses ou recrutés sur leur base, le nombre d’équivalents temps-plein correspondants et leur rémunération moyenne.
A défaut d’entrée en vigueur spécifique, la mesure devrait s’appliquer à compter du 1er janvier 2018.
Notion d’immobilisation industrielle en matière de taxe foncière (art. 45 quinquies)
Pour l’établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (et par conséquent celui de la CFE), le calcul de la valeur locative des immobilisations industrielles est déterminé selon des modalités spécifiques prévues par la loi fiscale (CGI, art. 1499) sans qu’il ne soit donné de ces immobilisations de définition légale.
L’Administration, se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat (27 juillet 2005, n° 261899), considère que revêtent un caractère industriel les établissements dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels, outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d’une autre activité, est prépondérant (BOI-IF-TFB-20-10-50-10, n° 20).
Certains services vérificateurs, s’appuyant sur le flou de cette notion, multiplient les requalifications, en immobilisations industrielles, d’entrepôts ou de bâtiments de stockage de produits agricoles ou manufacturés, au seul motif qu’y sont utilisés chariots élévateurs, monte-charges et autres outils destinés à faciliter le travail des salariés et en limiter la pénibilité, alors même qu’aucune transformation n’est apportée aux marchandises.
L’an dernier, des amendements avaient été présentés puis rejetés ou supprimés durant l’examen du PLF 2017 et du PLFR 2016, aux fins de prévoir une définition légale des immobilisations industrielles ciblant les seuls terrains, ouvrages et bâtiments ayant effectivement une activité industrielle de « fabrication et de transformation de produits ou matière ».
L’amendement adopté, sans proposer à ce stade de définition de la notion d’immobilisation industrielle, tend toutefois à :
- exclure des immobilisations industrielles tous les locaux des artisans en faisant référence à la loi de 1996 relative à l’artisanat (à compter du 1er janvier 2019),
- prévoir la remise d’un rapport par le Gouvernement, au cours du premier semestre 2018, au Parlement, portant notamment sur les modalités d’évaluation des immobilisations industrielles et, pour les trois dernières années, les requalifications réalisées, ainsi que les réclamations administratives et les demandes contentieuses dirigées contre ces requalifications et les montants sur lesquels elles portent. Ce rapport devrait également préciser les conséquences des requalifications en immobilisations industrielles de certains locaux (entrepôts de stockage et de services logistiques notamment), ainsi que les effets qu’aurait un dispositif excluant ces locaux d’une telle qualification sur les recettes des collectivités territoriales.
- Amendement n° II-1504
Privation des droits civiques, civils et de famille en cas de fraude fiscale (art. 46 bis)
A ce jour, toute personne condamnée pour fraude fiscale peut, sur décision du juge, être privée de ses droits civiques, civils et de famille (CGI, art. 1741).
Désormais, le prononcé des peines complémentaires d’interdiction des droits civiques, civils et de famille (Code pénal, art. 131-26) serait obligatoire à l’encontre de toute personne condamnée pour des faits commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen des faits suivants :
- comptes ouverts ou contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;
- interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
- usage d’une fausse identité ou de faux documents, au sens de l’article 441-1 du Code pénal, ou de toute autre falsification ;
- domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
- acte fictif ou artificiel ou interposition d’une entité fictive ou artificielle.
Les mêmes sanctions s’appliqueraient à toute personne se rendant coupable de recel ou de blanchiment de fraude fiscale.
Le juge pourrait néanmoins décider, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer ces peines complémentaires. Ces interdictions ne pourraient toutefois pas excéder dix ans à l’encontre d’une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits, et cinq ans pour toute autre personne.
Parallèlement, la sanction serait portée de 2 à 3 M€, lorsque les faits ont été commis dans les circonstances précédemment exposées (CGI, art. 1741, al. 2). A défaut de précision, ces dispositions seraient applicables à compter du 1er janvier 2018.
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2019, l’amende applicable en cas de refus de communication des documents et renseignements demandés par l’administration fiscale dans l’exercice de son droit de communication ou en cas de comportement y faisant obstacle serait doublée. Elle serait donc portée à 10 000 €.
Enfin, l’amende applicable dans le cas où les concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité ou de caisse refusent de communiquer à l’administration fiscale, sur sa demande, les informations (codes, données, traitements ou documentation) qui s’y rattachent, serait portée de 1 500 à 10 000 € par logiciel ou système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation a été réalisée dans l’année. Cette amende serait par ailleurs élargie aux applications.
Extension du délai de prescription décennale applicable aux activités occultes aux appréhensions de sommes ou d’avantages découlant d’une activité occulte exercée sous couvert d’une société (art. 46 quater)
Le délai de reprise décennal applicable aux activités occultes (LPF, art. L. 169, al. 2) serait étendu aux appréhensions de sommes ou d’avantages découlant d’une activité occulte exercée sous couvert d’une société.
En présence d’une entreprise individuelle imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, l’Administration peut imposer la personne physique sur les revenus de son activité professionnelle pour la période concernée par l’activité occulte, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
En revanche, en présence d’une société imposée à l’impôt sur les sociétés exerçant une activité occulte, si la société peut faire l’objet de rectifications dans le cadre du délai de reprise de dix ans, la distribution du produit de l’activité occulte ne peut être redressée au-delà du délai de reprise de trois ans.
Selon l’exposé des motifs, le recouvrement des impositions auprès d’une personne physique bénéficiaire des distributions pourrait s’avérer plus efficace qu’auprès de la société distributrice, notamment dans l’hypothèse où la société distributrice est une société éphémère ou l’établissement stable d’une entité étrangère.
Cet aménagement concernerait les délais de reprise venant à expiration à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Extension du droit de communication de l’Administration (art. 46 quinquies)
L’Administration fiscale pourrait demander à l’ensemble des entités soumises aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (institutions financières, avocats, huissiers, notaires, conseillers en investissements, experts-comptables, casinos et cercles de jeux, conseillers en investissements financiers, etc.) communication des renseignements et documents liés à ces obligations. L’administration fiscale française pourrait ainsi communiquer aux autres administrations européennes les renseignements détenus au titre de la lutte contre le blanchiment d’argent dans la mesure où ces derniers sont pertinents en matière fiscale.
Le refus de communication des renseignements et documents détenus par les entités mentionnées ci-dessus serait sanctionné par l’amende de droit commun applicable dans le cadre des droits de communication de l’administration fiscale et prévue à l’article 1734 du CGI (5 000 € en cas de refus de communication, qui pourrait être portée à 10 000 € dans le cadre du PLF, voir article 46 bis).
Cette mesure a pour objet de transposer la directive n° 2016/2258/UE du 6 décembre 2016 modifiant la directive 2011/16/UE (devant être transposée avant le 31 décembre 2017). Pour mémoire, celle-ci prévoit que les autorités fiscales doivent disposer d’un accès aux informations, procédures, documents et mécanismes relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux, en vue d’un échange entre administrations fiscales.
Provision pour investissement des entreprises de presse (art. 44 bis)
Les entreprises de presse imprimée et en ligne d’information politique et générale peuvent constituer une provision déductible pour financer les développements et acquisitions pour innover et s’adapter à un univers numérique en constante mutation (CGI, art. 39 bis A). Ce mécanisme, qui devait expirer au 31 décembre 2017, serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2020.
En outre, le mécanisme spécifique aux entreprises de presse éditant des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir (CGI, art. 39 bis B, tel qu’issu de la LF 2017) ferait l’objet d’aménagements relatifs notamment à la définition des dépenses éligibles finançant des prises de participations dans des entreprises de presse ayant une activité similaire, du traitement des reprises de provision dans le calcul de la limite de déduction, des obligations déclaratives qui incombent aux entreprises bénéficiaires et des conséquences de la cession ou de la cessation d’entreprise pour cette dernière.
Renforcement temporaire du dispositif « Madelin » (art. 39 sexies)
Les personnes physiques, résidentes, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de certaines sociétés (CGI, art. 199 terdecies-0 A, également dit mécanisme « IR-PME »).
Ce dispositif serait renforcé, de manière temporaire, pour une année seulement. Le taux de la réduction d’impôt serait ainsi porté à 25 % du montant des versements effectués (aujourd’hui égal à 18 %), pour les seuls versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018 et à compter d’une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer cette disposition comme lui ayant été notifiée comme étant conforme au droit de l’Union européenne.
Les versements demeureraient toutefois retenus dans la limite annuelle de 50 000 € pour les contribuables célibataires (100 000 € pour un couple marié ou pacsé). De même, la réduction d’impôt serait toujours prise en compte dans le calcul du plafonnement global des avantages fiscaux.
Les versements effectués par des personnes physiques pour la souscription en numéraire de parts de FCPI peuvent, sous certaines conditions, également ouvrir droit à la réduction d’impôt (CGI, art. 199 terdecies-0 A, VI). Il serait précisé que ces versements seraient désormais retenus, après imputation des droits ou frais d’entrée, seulement à proportion du quota d’investissement de 70 % que le fonds s’engage à atteindre dans des sociétés remplissant les conditions prévues pour l’octroi de la réduction en cas de souscriptions directes (CGI, art. 885-0 V bis, III, 1, c, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017).
- Amendement n° II-1492
- Sous-amendement n° II-1920 (Rect)
- Sous-amendement n° II-1922 (Rect)
- Sous-amendement n° II-1923
Prorogation d’un an du dispositif « Censi-Bouvard » (art. 39 octies)
Les personnes physiques qui acquièrent, jusqu’au 31 décembre 2017, au sein de certaines structures, un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement ou un logement achevé depuis au moins quinze ans ayant fait l’objet de travaux (ou faisant l’objet de travaux) de réhabilitation ou de rénovation, en vue de sa location meublée, bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu.
Ce dispositif serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2018.
Prorogation pour 3 ans de la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions au capital de SOFICA (art. 39 septies)
Les personnes physiques domiciliées en France qui souscrivent, en numéraire, au capital initial ou aux augmentations de capital de SOFICA agréées par le président du CNC peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt (CGI, art. 199 unvicies et 238 bis HE).
Ce dispositif, qui devait prendre fin le 31 décembre 2017, serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2020.