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Régularisation des impôts des personnes physiques : quel outil juridique adopter ?

Le Ministre de l’Economie et des Finances et le Ministre du Budget ont publié le 21 juin 2013 un communiqué de presse montrant que la régularisation des avoirs à l’étranger par des personnes physiques se ferait dans la transparence et le droit commun. A cet effet, ils publient une circulaire administrative précisant les modalités de cette régularisation.

Ce processus fait suite à l’intervention de nombreux avocats qui demandaient la mise en place d’un tel mécanisme.

Le dispositif mis en place par le précédent Ministre du Budget, M. Woerth, appelé « cellule de régularisation » avait été très critiqué en la forme. Mais les professionnels qui l’avaient utilisé pour plusieurs clients avaient vu s’appliquer un régime commun à tous.

Certes, la démarche de régularisation commençait dans l’anonymat d’un courrier adressé par un avocat pour le compte de son client dans le but de connaître les règles du jeu car le contribuable avait évidemment besoin de les connaitre et redoutait le comportement de l’Administration.

En fait, la réponse adressée par l’Administration reprenait pour chacun des règles semblables de régularisation (atténuation des pénalités et intérêts de retard à un même seuil, démontage de structures, etc).

La démarche avait l’avantage de confier la régularisation à une seule et même cellule qui assurait l’uniformité des décisions.

La circulaire du 21 juin 2013 confie la régularisation des avoirs détenus à l’étranger à la DVNSF (Cellule en charge du contrôle des hauts patrimoines et composée d’experts en fiscalité des particuliers).

La circulaire prévoit clairement les règles d’application des sanctions selon le comportement du contribuable dans le passé. La base juridique de la régularisation est l’ article L 247 du Livre des procédures fiscales qui permet une remise gracieuse des intérêts et pénalités soit par l’Administration soit par le Ministre après avis du Comité du Contentieux fiscal, douanier et des changes pour les montants importants.

Mais l’outil juridique utilisé reste toujours imparfait. En effet, ce devrait être la loi qui fixe les modalités de régularisation spontanée et non l’Administration dans les limites fixées par leurs ministres de tutelle et avec compte-rendu au Parlement.

Les entreprises ont déjà leur texte de loi en la matière. L’article L 62 du Livre des procédures fiscales prévoit un dispositif de régularisation spontanée dans le cadre d’un contrôle fiscal où les entreprises peuvent régulariser leur situation avant d’être notifiées.

Par ailleurs, une expérimentation est en cours avec les entreprises pour améliorer les relations entre elle et l’entreprise. (voir le document)

Le contrat de confiance va ainsi permettre de rapprocher Administration et entreprises et éviter la mise en œuvre de contrôles fiscaux considérés comme trop répressifs.

Alors pourquoi les entreprises peuvent-elles être réputées de bonne foi avec une Administration prête à engager un nouveau dialogue alors que les particuliers n’ont pas cet arsenal de régularisation à leur portée et sont en revanche réputés de mauvaise foi par la circulaire elle-même qui entend appliquer les pénalités pour manquement délibéré.

Cette différence de traitement pourrait être considérée comme une rupture de l’égalité devant l’impôt et soulever un problème constitutionnel.

Il convient donc de réfléchir à la mise en place d’un texte de loi pour permettre aux particuliers de régulariser leur situation dans le futur.

La circulaire du 21 juin 2013 pourrait être alors considérée comme une expérimentation qui donnerait ensuite la possibilité au législateur de bâtir un nouveau dispositif de régularisation spontanée par les particuliers qui ne viserait alors pas seulement les avoirs à l’étranger mais les autres situations qui peuvent être rencontrées en matière patrimoniale (par exemple, régularisation à la suite d’une succession). Seraient bien entendu exclues les contribuables de mauvaise foi comme dans le dispositif de l’article L 62 du LPF. Mais ce dispositif pourrait être mis en œuvre lors d’un contrôle sur pièces (fait du bureau de l’inspecteur) ou un examen de situation fiscale d’ensemble (exclus du dispositif mis en place).

Si la transparence a bien avancé dans le nouveau dispositif, il faut maintenant que le droit y prenne toute sa place.