Le projet de loi de finances pour 2016 a été présenté le 30 septembre 2015 en Conseil des Ministres et devrait être discuté à l’Assemblée nationale à partir du 13 octobre. Voici notre première analyse des mesures proposées par le Gouvernement.
Fiscalité des entreprises
Disparition de la contribution additionnelle sur l’IS
Les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions € sont passibles d’une contribution additionnelle dont le taux a été porté par la LF 2014 de 5 % à 10,7 % pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013 (CGI, art. 235 ter ZAA).
Cette contribution temporaire qui ne devait s’appliquer qu’aux exercices clos jusqu’au 30 décembre 2015 a été prolongée d’un an par la première loi de finances rectificative pour 2014 n° 2014-891 du 8 août 2014. Elle a ainsi été maintenue pour les exercices clos jusqu’au 30 décembre 2016.
Le projet de loi de finances pour 2016 ne prévoyant pas une nouvelle prorogation, il est permis de penser qu’elle prendra effectivement fin pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2016 alors surtout que la disparition de cette contribution est présentée comme un engagement tenu par le Gouvernement dans le cadre de la deuxième étape du pacte de responsabilité et de solidarité.
Pour les grandes entreprises, le taux global d’imposition des bénéfices redescendrait ainsi à 34,43 % au lieu de 38 % actuellement, étant précisé que ce taux global ne tient pas compte de la contribution de 3 % sur les distributions.
Obligation déclarative en matière de prix de transfert (art. 37)
Pour rappel, les entreprises qui sont concernées par l’obligation de présentation d’une documentation sur les prix de transfert en cas de contrôle fiscal (LPF art. L. 13 AA), sont tenues de transmettre les principaux éléments de leur documentation à l’Administration dans un délai de six mois suivant la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice (CGI, art. 223 quinquies B).
Sont ainsi plus particulièrement visées les entreprises qui :
- réalisent un chiffre d’affaires annuel hors taxes ou ont un actif brut supérieur ou égal à 400 millions €
- ou qui détiennent à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique qui satisfait aux mêmes critères financiers ou qui sont détenues de la même manière par une telle entité
- ou qui font partie du périmètre d’un groupe intégré fiscalement (CGI art. 223 A) si ce groupe comprend au moins une personne morale qui satisfait à l’une des deux conditions précédentes
Pour les déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2016, cette version allégée de la documentation prix de transfert devrait obligatoirement être transmise par voie électronique.
Il serait par ailleurs précisé que la déclaration de chaque société membre d’un groupe intégré devrait être souscrite par la société mère du groupe.
Enfin, les entreprises seraient tenues d’identifier les Etats et territoires d’implantation des entreprises du groupe qui sont propriétaires d’actifs incorporels ou avec lesquelles des transactions intra-groupe sont réalisées.
Amortissements accélérés des robots acquis par des PME (art. 6)
Les PME au sens communautaire qui emploient moins de 250 personnes, et dont le chiffre d’affaires ou le bilan n’excèdent pas respectivement 50 ou 43 millions d’euros, peuvent, si elles créent ou acquièrent des robots industriels entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015, les amortir sur une durée de 24 mois (CGI, art. 39 AH).
La définition des robots qui ouvrent droit à cet amortissement exceptionnel est, selon l’exposé des motifs de la mesure, celle retenue par l’Organisation internationale de normalisation (norme ISO 8373). Il s’agit plus précisément des manipulateurs multi-applications reprogrammables commandés automatiquement, programmables dans trois axes ou plus, qui sont fixés ou mobiles et destinés à une utilisation dans des applications industrielles d’automation (voir BOFiP BOI-BIC-AMT-20-30-110).
Ce dispositif serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2016.
Par ailleurs, la référence à laquelle renvoie la définition des PME concernées serait actualisée sans modification du champ des entreprises effectivement concernées.
Enfin, le bénéfice de cet amortissement exceptionnel resterait soumis au plafond communautaire de minimis. Ses effets, cumulés à ceux d’autres aides, ne pourraient ainsi excéder 200 000 € sur trois ans.
Plus-values de cession de titres d’une société titulaire d’une autorisation pour l’édition d’un service de télévision (art. 45)
Le régime d’exonération des plus-values à long terme de cessions de titres de participation (CGI, art. 219 I a quinquies) ne s’appliquerait plus aux :
- premières cessions de titres de sociétés titulaires d’une autorisation délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour l’édition d’un service de télévision, dont la valeur provient essentiellement de cette autorisation
- cessions de titres de sociétés contrôlant une société titulaire d’une telle autorisation du CSA, lorsque l’essentiel de la valeur des titres cédés provient des titres de la société titulaire de l’autorisation
Ces plus-values de cessions seraient soumises à compter du 30 septembre 2015 à un taux d’imposition de 19 %. Corrélativement, elles ne donneraient plus lieu à la réintégration de la quote-part de frais et charge de 12 %.
Renforcement du crédit d’impôt cinéma (art. 44)
On sait que les entreprises de production cinématographique qui assument les fonctions d’entreprise de production déléguée et qui localisent principalement sur le territoire français le tournage et la production d’œuvres de longue durée agréées et réalisées avec le concours de techniciens et d’artistes-interprètes français ou européens peuvent, sur agrément du directeur général du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), bénéficier d’un crédit d’impôt spécifique (CGI, art. 220 sexies).
Ce dispositif de crédit d’impôt serait renforcé pour les dépenses de production déléguée d’œuvres cinématographiques.
En premier lieu, la condition liée à la réalisation des œuvres cinématographiques en langue française serait supprimée pour certaines œuvres cinématographiques. Ainsi, pourraient bénéficier désormais du crédit d’impôt des œuvres à forte dimension culturelle impliquant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons artistiques tenant au scénario ainsi que certaines productions cinématographiques ambitieuses d’animation ou à forts effets visuels, qui sont tournées vers le marché international.
Par ailleurs, il serait instauré un taux majoré fixé à 30 % pour :
- les œuvres cinématographiques tournées en langue française
- les œuvres cinématographiques d’animation
- et les fictions dites à forts effets visuels
Enfin, le montant du plafonnement de l’ensemble des crédits d’impôt pour une même œuvre cinématographique serait porté à 30 millions d’euros.Ces mesures seraient applicables aux crédits d’impôt calculés au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016 et ne devraient entrer en vigueur qu’à une date fixée par décret, au plus tard dans les six mois suivant la confirmation par la Commission européenne de son euro-compatibilité au regard des règles relatives aux aides d’Etat.
Suppression de taxes à faible rendement (art. 8)
Les dispositifs suivants à rendement nul ou faible présentant des coûts de gestion élevés seraient abrogés :
- Les composantes de la taxe générale sur les activités polluantes « autorisation » et « exploitation » relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (CGI, art. 266 sexies et septies)
- La taxe sur les premières ventes de produits cosmétiques (CGI, art. 1600-0 P et 1600-0 Q)
- La taxe administrative pesant sur les opérateurs de communication électronique (LFR 1987, art 45-II)
Ces abrogations prendraient effet à compter de 2016 sauf pour la taxe administrative pesant sur les opérateurs de communication électronique, dont la suppression concernerait celle établie au titre de l’année 2015.
Fiscalité des personnes
Impôt sur le revenu des ménages à revenus modestes et moyens (art. 2)
Les limites des tranches du barème de l’IR, ainsi que les seuils et limites qui lui sont associés, seraient revalorisés comme l’évolution de l’indice des prix hors tabac de 2015 par rapport à 2014, soit 0,1 %. Le barème applicable aux revenus de l’année 2015 serait par suite le suivant :
Tranches du barème par part de revenu | Taux |
Jusqu’à 9 700 € | 0 |
De 9 701 € à 26 791 € | 14 % |
De 26 792 € à 71 826 € | 30 % |
De 71 827 € à 152 108 € | 41 % |
A partir de 152 109 € | 45 % |
Par ailleurs, le mécanisme de la décote serait aménagé afin d’alléger la charge d’impôt des ménages à revenus modestes et moyens. Le plafond effectif d’application de la décote serait ainsi relevé, dans les faits, de 1 135 € à 1 553 € pour les célibataires et de 1 870 € à 2 560 € pour les couples.
Cette mesure qui conduirait à des baisses sensibles d’impôt pour les revenus modestes ne devrait pas alourdir la charge fiscale des revenus plus élevés.
Prélèvement à la source et modernisation de l’impôt sur le revenu (art. 34)
Mise en place du prélèvement à la source
Il serait écrit dans la loi nouvelle que le Gouvernement présentera, au plus tard le 1er octobre 2016, les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à compter de 2018.
Généralisation de la déclaration en ligne
Dès la déclaration des revenus de 2015, les contribuables seraient tenus de souscrire leur déclaration par voie électronique dès lors que leur résidence principale est équipée d’un accès à internet et que leur revenu fiscal de référence de l’année 2014 est supérieur à 40 000 €.
Pour les revenus de 2016 et 2017, la souscription de la déclaration par voie électronique serait obligatoire dès lors que le revenu fiscal de référence de l’année précédente est respectivement de 28 000 € puis 15 000 €. Enfin, à compter de la déclaration des revenus de l’année 2018, la souscription par voie électronique ne serait plus subordonnée à un niveau de revenu.
On retiendra que le non-respect de cette obligation ne serait sanctionné qu’à compter de la deuxième année au cours de laquelle le manquement est constaté, par une amende forfaitaire de 15 €. Par ailleurs, les contribuables qui indiqueraient au fisc qu’ils ne sont pas en mesure de souscrire la déclaration par voie électronique pourraient toujours utiliser les moyens traditionnels.
Abaissement du seuil de paiement dématérialisé
L’obligation de paiement par prélèvement de l’impôt sur le revenu et de ses acomptes, de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, des taxes foncières et des impositions recouvrées selon les mêmes règles serait abaissée à 10 000 € pour les paiements effectués à compter du 1er janvier 2016.
Ce seuil serait abaissé à 2 000 €, puis à 1 000 € et enfin à 300 € pour les paiements effectués respectivement à compter des 1er janvier 2017, 2018 et 2019.
Le non-respect de cette modalité de paiement resterait sanctionné par une majoration de 0,2 % des droits dus mais dont il serait précisé qu’elle ne peut être inférieure à 15 €.
Il serait par ailleurs expressément prévu que l’ISF peut toujours être acquitté par dation.
Crédit d’impôt pour la transition énergétique (art. 40)
On se souvient que la loi de finances pour 2015 avait profondément modifié le crédit d’impôt « développement durable », renommé à cette occasion « crédit d’impôt pour la transition énergétique » ou CITE (CGI, art. 200 quater). Il s’applique depuis au taux unique de 30 % à un certain nombre de dépenses de rénovation énergétique des logements, étant précisé que la condition de réalisation de dépenses dans le cadre d’un « bouquet de travaux » a été supprimée.
Ce crédit d’impôt, qui devait prendre fin en décembre 2015, serait prorogé d’une année et s’appliquerait ainsi aux dépenses payées jusqu’au 31 décembre 2016. Par ailleurs, le champ des dépenses éligibles serait précisé. Cet aménagement du champ d’application concernerait les dépenses payées à compter du 1er janvier 2016, à moins que le contribuable ne puisse justifier de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte avant cette date.
Enfin, une clause anti-abus prévoyant expressément la non-application du CITE aux équipements mixtes, comprenant à la fois un équipement éligible au crédit d’impôt et un équipement de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil (non éligible) serait instaurée. Elle concernerait les dépenses payées dès le 30 septembre 2015, à moins que le contribuable ne justifie de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte avant cette même date.
Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (art. 37)
La charte des droits et obligations du contribuable vérifié est remise au contribuable avant l’engagement d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et ses dispositions sont opposables à l’administration (LPF, art. L. 47).
Jusqu’à présent, cette charte, qui se présente sous forme d’un livret d’une vingtaine de pages, était en pratique jointe aux avis de vérification adressés au contribuable ou remise sur place en cas de contrôle inopiné.
Pour les avis de vérification adressés ou remis à compter du 1er janvier 2016, cette charte serait dématérialisée et le contribuable simplement informé qu’il peut la consulter sur le site internet de l’administration fiscale.
Les garanties du contribuable demeureraient toutefois inchangées. Le quatrième alinéa de l’article L. 10 du LPF prévoirait désormais que les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’Administration.
Cela étant, il serait toujours possible au contribuable d’obtenir la remise de la charte sous forme papier sur simple demande.
Aides fiscales en faveur des investissements en Outre-Mer (art. 43)
Les dispositifs d’aide fiscale en faveur de l’investissement outre-mer feraient l’objet d’un certain nombre d’aménagements.
En premier lieu, l’extinction de certains de ces dispositifs à compter du 31 décembre 2017 serait aménagée par le biais de mesures de transition (dispositifs en faveur des investissements productifs, CGI art. 199 undecies B, 217 undecies et 244 quater W, dispositifs d’aide à l’investissement dans le secteur locatif du logement social, CGI, art. 199 undecies C et 244 quater X notamment).
Par ailleurs, le crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer (CGI, art. 244 quater X) serait étendu aux travaux de réhabilitation de logements âgés depuis plus de vingt ans et situés dans les quartiers du « nouveau programme de rénovation urbaine ». Cette extension bénéficierait aux travaux achevés à compter du 1er janvier 2016, qui ont fait l’objet d’une commande à compter du 30 septembre 2015 et n’ont pas fait l’objet de versement d’acomptes avant cette date.
Enfin, le bénéfice de la réduction d’impôt au titre de la souscription au capital de certaines sociétés ultramarines (CGI, art. 199 undecies A, 2-f) serait subordonné au respect du règlement général d’exemption par catégorie.
TVA
Régime des ventes à distance (art. 3)
Le régime des « ventes à distance » s’applique aux livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte de France vers un autre Etat membre, ou inversement d’un autre Etat membre vers la France, à destination d’un acquéreur qui est une personne physique non assujettie ou une personne bénéficiant d’un régime dérogatoire à la taxation des acquisitions intracommunautaires.
Ces ventes à distance constituent des livraisons taxables au niveau du vendeur mais au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires, le lieu de la livraison est réputé se situer dans l’Etat d’arrivée des biens, ce qui entraîne l’application de la TVA de cet Etat et non de celle de l’Etat de départ (CGI, art. 258 B).
Pour les livraisons dont le fait générateur interviendrait à compter du 1er janvier 2016, le seuil de déclenchement de la taxation à la TVA en France des livraisons en provenance d’autres Etats membres à destination de personnes non assujetties résidentes de France serait abaissé à 35 000 € (au lieu de 100 000 € actuellement).
Mesure de lutte contre la dissimulation de recettes à la TVA (art. 38)
Pour lutter contre la fraude consistant à utiliser des logiciels ou systèmes de caisse permissifs qui permettent d’occulter une partie des recettes, il serait instauré une obligation légale d’utilisation d’un logiciel ou d’un système sécurisé d’ici au 1er janvier 2018. Cette obligation serait formalisée par la présentation d’une attestation d’homologation par un tiers habilité à conduire des audits de certification du haut niveau de sécurité ou la présentation d’une attestation individuelle de l’éditeur selon laquelle le logiciel est sécurisé.
L’entreprise qui ne présenterait pas une telle attestation s’exposerait à une amende de 5 000 € et à l’obligation de se mettre en conformité dans un délai de 60 jours.