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Spécial Projet de Loi de Finances 2017

Photo de l'Assemblée Nationale

L’Assemblée Nationale vient de voter, en 1re lecture, les dispositions fiscales de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2017. Si certaines mesures annoncées dans le projet initial ont été adoptées en l’état ou avec quelques modifications, nous retiendrons que les députés en ont prévu de nouvelles, souvent contre l’avis du Gouvernement.

Mesures adoptées sans modifications sensibles

Mesures modifiées

Prélèvement à la source de l’IR (art. 38)

Le texte visant à instaurer le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a finalement été adopté par les députés, après que le Gouvernement a demandé une seconde délibération (Amdt N° II-1). Cette dernière a permis de revenir sur l’amendement que l’opposition avait réussi à faire adopter, en lieu et place du projet du Gouvernement, prévoyant la mise en place d’un prélèvement mensuel obligatoire contemporain des revenus.

Le projet initial du Gouvernement a donc été adopté avec les quelques modifications suivantes relatives notamment à la détermination du champ des revenus exceptionnels :

En cas de modulation excessive à la baisse du prélèvement, une majoration de 10 % est prévue. Tel ne serait pas le cas, toutefois, lorsque le contribuable justifie que l’estimation erronée de sa situation ou de ses revenus a été, en tout ou partie, réalisée de bonne foi à la date de sa demande de modulation et provient d’éléments difficilement prévisibles à cette date.

Ces deux conditions initialement cumulatives seraient finalement alternatives, ce qui élargit le champ de la disposition dérogatoire permettant au contribuable d’éviter d’être sanctionné.

Universalisation du crédit d’impôt en faveur des services à la personne (art. 47)

Un acompte de 30 % des avantages fiscaux accordés au titre de l’emploi d’un salarié à domicile et la garde de jeunes enfants serait mis en place, à compter du mois de février de l’année de liquidation de l’impôt afférent à ces avantages.

Cet acompte serait versé à compter de 2018, concomitamment à la première année du bénéfice effectif, lors de la liquidation de l’impôt sur les revenus 2017, de la transformation de la réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile en crédit d’impôt et à la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Il permettrait d’éviter les décalages de trésorerie engendrés par cette réforme, et l’avance en trésorerie qu’il induit concernerait tant les foyers imposables que les foyers non imposables.

Incitation au verdissement des véhicules de sociétés (art. 42)

Le plafond de déductibilité majoré à 30 000 € pour les véhicules émettant moins de 60 grammes de CO2 par kilomètre, proposé pour favoriser l’acquisition de véhicules plus propres serait finalement réservé aux véhicules 100 % électriques (moins de 20 grammes de CO2 par kilomètre). Pour les véhicules hybrides rechargeables, une majoration, plus faible, du plafond de déductibilité serait néanmoins fixée à 20 300 €.

Ainsi, en 2017, les plafonds de déductibilité applicables seraient les suivants :

Mesures nouvelles

Système de déclaration électronique obligatoire de certains achats dans les 24 h par les personnes assujetties à la TVA (art. 51 ter)

L’amendement adopté par les députés impose aux clients déducteurs de la TVA de signaler en temps réel par télédéclaration leurs achats de biens dont le montant excède un certain seuil. Le signalement demandé serait réduit au montant de l’opération et au numéro d’enregistrement du fournisseur, et sa mise en oeuvre serait totalement intégrée dans le système de gestion informatisé des opérateurs concernés.

L’obligation se bornerait aux transactions dont le montant excède 863 000 € en une seule fois ou avec un même vendeur sur une période de trois mois. L’exposé des motifs précise qu’elle viserait en pratique moins de 50 000 assujettis à la TVA. Par ailleurs, un délai serait laissé aux entreprises concernées jusqu’au 1er janvier 2018 pour tenir compte de leurs contraintes informatiques.

Cet amendement a été adopté contre l’avis du Gouvernement qui a annoncé qu’il « ferait tout pour que cet amendement ne puisse entrer en vigueur et perturber le fonctionnement des entreprises ». Le Gouvernement proposera donc de revenir sur cette mesure en 2e lecture. Le Ministre, Christian Eckert, estime que cette mesure introduirait beaucoup de complexité pour un certain nombre de grandes entreprises.

Instauration d’une « Diverted profit tax » à la française (dite « Google tax ») (art. 46 quinquies)

Après un long débat avec le Ministre qui souhaitait son retrait, l’amendement relatif à l’instauration d’une « diverted profit tax » à la française a finalement été adopté par les députés en 1re lecture (légèrement rectifié).

Le Ministre a souligné que ce dispositif ne pourrait être amené à jouer que dans de très rares cas. Le député Yann Galut, quant à lui, souhaitait qu’un message politique fort soit adressé aux entreprises multinationales type GAFA. Il a notamment pris l’exemple de la société AirBnb qui réalise 65 millions de chiffre d’affaires en France pour 68 000 € d’impôt sur les sociétés.

En première analyse, ce dispositif dont l’entrée en vigueur serait fixée au 1re janvier 2018, et qui ne trouverait pas à s’appliquer dans l’UE (sauf exclusivisme fiscal), ne pourrait être mis en oeuvre, en tout état de cause, seulement sous réserve des conventions fiscales applicables. Aussi, il nous semble avoir une portée effective relativement limitée. En outre, sa complexité, les termes utilisés, et la difficulté de cerner les cas visés, pourraient être critiqués devant le Conseil constitutionnel.

Le dispositif nouveau prévoit que la fraction des bénéfices ou revenus d’une société établie hors de France, liée à l’exercice d’une activité de vente ou de fourniture de biens ou de services par un établissement stable (au sens de la mesure nouvelle) en France, ou par le biais de toute personne morale ou physique constituée dans le but d’éviter de déclarer un établissement stable en France, y serait désormais soumise à l’impôt sur les bénéfices détournés.

Ainsi, une société étrangère serait réputée disposer d’un établissement stable en France lorsque qu’elle détient directement ou indirectement à plus de 50 %, ou contrôle au sens des dispositions de l’article L. 233-3 du Code de commerce, une entreprise ou entité juridique, établie ou non en France, et que celle-ci y conduit une activité de vente ou de fourniture de produits ou de services lui appartenant ou qu’elle a le droit d’utiliser.

Par ailleurs, seraient soumis à ce mécanisme d’imposition les bénéfices réalisés par l’intermédiaire d’une personne morale ou physique, domiciliée ou non en France, « lorsque l’on peut raisonnablement considérer que son activité a pour objectif d’éluder ou d’atténuer l’impôt qui serait dû en France en évitant d’y déclarer un établissement stable ».
Les revenus réputés imposables correspondraient au bénéfice qui aurait résulté des activités réalisées en France « en l’absence de montage artificiel destiné à détourner des bénéfices dans des pays étrangers aux fins de contourner la législation fiscale ».

Ils seraient imposés à l’IS au taux de droit commun (et non, comme le prévoyait l’amendement initial, au taux de droit commun majoré de cinq points), et l’impôt acquitté à l’étranger pourrait dans certaines conditions et dans une certaine mesure être imputable sur l’impôt français.

Certaines clauses de sauvegarde sont toutefois prévues, notamment en cas d’établissement de la personne morale étrangère dans un Etat membre de l’UE, ainsi qu’en faveur des PME au sens du droit de l’UE.

Par ailleurs, le dispositif nouveau est également adapté au cas spécifique des plateformes de mise en relation par voie électronique (CGI, art. 242 bis).

La mesure proposée n’entrerait toutefois en vigueur que pour les exercices ouverts à compter du 1re janvier 2018.

Abaissement du montant minimum de dépenses éligibles au crédit d’impôt cinéma international (art. 46 octies)

Les députés ont adopté un amendement tendant à abaisser le montant minimum de dépenses éligibles de 1 million € à 250 000 € ou, lorsqu’il est fonction du budget de production de l’oeuvre, à fixer ce budget à 500 000 € (au lieu de 2 millions €). Cette mesure s’appliquerait aux crédits d’impôt calculés au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017.

Adoption du CITS (art. 49 bis)

Les députés ont adopté plusieurs amendements visant à créer un crédit d’impôt de taxe sur les salaires au bénéfice des associations, des fondations reconnues d’utilité publique, des centres de lutte contre le cancer, ainsi qu’au bénéfice des syndicats professionnels et des mutuelles (y compris lorsqu’elles relèvent du livre III du Code de la mutualité et emploient plus de trente salariés), mentionnés à l’article 1679 A du CGI, ceux-ci ne bénéficiant pas au CICE.

Ce crédit d’impôt serait égal à 4 % des rémunérations comprises dans l’assiette de la taxe sur les salaires, n’excédant pas 2,5 fois le SMIC. Il serait imputable sur la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1re janvier 2017.

Extension du champ d’application de la provision pour investissement des entreprises de presse aux services de presse en ligne de la connaissance et du savoir (art. 46 bis)

Les entreprises de presse imprimée et en ligne d’information politique et générale peuvent constituer une provision déductible pour financer les développements et acquisitions pour innover et s’adapter à un univers numérique en constante mutation (CGI, art. 39 bis A). Ce régime serait étendu aux entreprises éditant des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir. A défaut d’entrée en vigueur spécifique, la mesure s’appliquerait aux exercices clos le 31 décembre 2016.

Lutte contre la fraude fiscale (art. 51 sexies)

Avec un avis de sagesse du Gouvernement, a été adopté un amendement portant de 10 000 € à 50 000 € le montant total des amendes sanctionnant le fait pour un contribuable de s’opposer à la prise de copie de documents par les agents de l’Administration dans le cadre des procédures de contrôle.

Rémunération, à titre expérimental, des « aviseurs » fournissant des informations une fraude fiscale (art. 51 septies)

L’administration fiscale serait autorisée, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu’elle lui a fourni des renseignements ayant amené la découverte d’un manquement à une obligation fiscale.

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