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Ikea Espagne : le juge d’appel espagnol valide un recours général à l’intervalle interquartile

Alors qu’en France, les récents arrêts GE Medical Healthcare sont utilisés par l’administration fiscale pour notifier des redressements assez systématiquement à la médiane, un jugement en appel venu d’Espagne rappelle la position de l’OCDE en matière d’intervalle de pleine concurrence.

L’affaire concerne la rentabilité d’Ikea Espagne, entité de distribution du groupe Ikea en Espagne. L’administration fiscale espagnole a vérifié la société sur 2007, 2008 et 2009. La société a fourni un benchmark, et il s’avérait que, en 2007, la marge d’exploitation de la société était sous le premier quartile, alors que sur 2008 et 2009, la société était dans l’intervalle, mais sous la médiane. Sur les trois années, l’administration fiscale espagnole a effectué un redressement à la médiane du benchmark réalisé par la société.

Le juge d’appel a donné tort à l’administration fiscale espagnole, en développant une analyse poussée des Principes OCDE 1 . Il est d’ailleurs intéressant de voir que le juge espagnol s’est appuyé sur la version 2010 des Principes, alors même que les paragraphes cités n’existaient pas encore sur les années considérées.

Ainsi, sur 2008 et 2009, le juge s’est référé au paragraphe 3.60 des Principes OCDE de 2010, qui indiquent que : « Si la condition de la transaction entre entreprises associées (par exemple, le prix ou la marge) se situe à l’intérieur de l’intervalle de pleine concurrence, il n’y a pas lieu de procéder à un ajustement ». Dès lors, tout point doit être accepté de manière équivalente, et si la société s’est positionnée par un choix de gestion à un ou autre point de l’intervalle, ce choix ne doit pas être remis en cause.

Sur 2007, le juge d’appel a limité le redressement au premier quartile, en analysant le paragraphe 3.62 et la question de la comparabilité des transactions analysées. En effet, l’OCDE indique que « Pour déterminer ce point, lorsque l’intervalle comprend des résultats dont le degré de fiabilité est relativement équivalent et élevé, on pourrait considérer que n’importe quel point de l’intervalle satisfait au principe de pleine concurrence. Lorsque des défauts de comparabilité demeurent […], il peut être approprié d’utiliser des mesures de tendance centrale (par exemple la médiane, la moyenne ou des moyennes pondérées, etc., selon les caractéristiques spécifiques de l’ensemble de données) pour déterminer le point d’ajustement, afin de minimiser le risque d’erreur dû aux défauts de comparabilité non identifiés ou non quantifiables ». Or, l’administration fiscale espagnole avait jugé que le recours à la médiane était justifié par des « défauts de comparabilité » entre les comparables présentés par Ikea et sa situation propre. En particulier le fait qu’Ikea occupe une position de leader sur son secteur en termes de volumes de ventes semblait, pour l’administration fiscale, constituer un grave défaut de comparabilité. Pour le juge, le défaut de comparabilité était cependant insuffisamment démontré. Ainsi, le juge rejette donc le recours à la médiane, et ne retient que le début du paragraphe 3.62, à savoir que tout point de l’intervalle doit être vu comme équivalent.

Cet arrêt rappelle que le recours systématique à la médiane ne doit se faire que dans des circonstances exceptionnelles liées à un grave défaut de comparabilité, et que, en tout état de cause, la preuve du défaut de comparabilité repose sur l’administration fiscale. Ainsi, sauf exceptions, on peut valablement considérer que l’ensemble de l’intervalle interquartile correspond à une situation de pleine concurrence.


1 Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, OCDE 1995, dans l’édition mise à jour en 2010.