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Retenue à la source sur les dividendes et liberté de circulation des capitaux : analyse de l’affaire College Pension Plan of British Columbia

La CJUE vient de confirmer que la différence de traitement fiscal entre les fonds de pension non‑résidents, qui perçoivent les dividendes faisant l’objet d’une retenue à la source définitive, et les fonds de pension résidents, dont les dividendes perçus font également l’objet de cette retenue mais qui peuvent imputer celle‑ci sur l’impôt sur les sociétés, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux (CJUE, 13 novembre 2019, C-641/17, College Pension Plan of British Columbia).

Retour sur les origines de l’affaire

Le College Pension Plan of British Columbia est un fonds de pension de droit canadien constitué sous la forme d’un trust. Ce fonds de pension contestait l’imputation d’une retenue à la source de 15 % sur les dividendes de sociétés par action allemandes perçus au titre des années 2007 à 2010.

La législation fiscale en cause prévoit l’imposition des dividendes reçus par les fonds de pension en deux étapes :

Dans ce contexte, un litige s’est noué avec l’administration fiscale allemande autour de la question de assujettissement au taux de 15 % des dividendes de source allemande perçus par le College Pension Plan of British Columbia.

La réponse de la CJUE

Répondant à une question préjudicielle adressée par le Tribunal des finances de Munich, la CJUE juge incompatible, au regard de la liberté de circulation des capitaux, l’imposition à la source que subit en Allemagne, un fonds de pension non résident (contrairement à un fonds de pension résident) qui affecte les dividendes perçus au provisionnement des retraites qu’il devra verser dans le futur, dès lors que la retenue à la source subie par un fonds de pension allemand peut être :

La CJUE souligne que, même lorsque la retenue initialement prélevée sur les dividendes versés aux fonds de pension résidents est supérieure à celle prélevée sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, l’application du mécanisme d’imputation, prévu par la légalisation allemande en cause, de la retenue à la source sur l’impôt sur les sociétés dû par le fonds de pension allemand, ainsi que du remboursement de cette retenue à la source impôt, dans le cas où l’impôt sur les sociétés dû est inférieur à la retenue à la source, combinée aux modalités de calcul de la base imposable du fonds de pension, conduit à ce que les dividendes versés aux fonds de pension allemands se trouvent, en définitive, exonérés en totalité ou en partie d’impôt.

Il en résulte que les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents subissent un traitement moins favorable que celui appliqué aux dividendes versés aux fonds de pension résidents, dans la mesure où les premiers sont soumis à une imposition définitive de 15 %, tandis que les seconds sont exonérés d’impôt en totalité ou en partie.

Cette décision de la CJUE bien qu’elle ne traite pas spécifiquement du régime fiscal appliqué aux fonds de pension français constitue une décision très positive pour les fonds de pension étrangers (qu’ils soient établis dans l’Union européenne ou non) qui ont déposé des demandes de restitution de retenues à la source sur le fondement de la comparabilité avec les caisses de retraite françaises qui ne sont soumises à aucune retenue à la source en France et ne paient généralement pas d’impôt sur les sociétés dès lors qu’elles peuvent déduire de leur résultat fiscal les provisions pour engagement de retraite.