Libertés fondamentales, flux de capitaux et fonds européens : une équation en voie de résolution ?

La question de l’imposition des flux de capitaux, en particulier dividendes et intérêts, versés depuis un Etat membre (ci-après EM) à des fonds établis dans un autre EM de la Communauté fait l’objet d’une surveillance toute particulière par la Commission européenne. Ainsi, en 2007 cette dernière a initié des procédures d’infractions contre neuf EM pour traitement discriminatoire des dividendes sortants payés à des fonds de pension étrangers par rapport à ceux payés à des fonds nationaux (voir IP/07/616 du 7 mai 2007). A cette discrimination, s’ajoute les difficultés que peuvent subir les entreprises de ces EM dans la collecte de capitaux provenant des fonds étrangers. La Commission appuie son raisonnement sur l’arrêt Denkavit du 14 décembre 2006 (aff. C-170/05) pour affirmer que l’imposition des flux sortants de capitaux ne doit pas être plus élevée que celle pratiquée en interne.

Pourtant, si la Commission s’est penchée en premier lieu sur le cas des fonds de pension, elle a également relevé une entrave similaire avec les libertés fondamentales concernant les fonds d’investissement. Ainsi, depuis le 26 juin 2008 la Commission a entamé des procédures d’infraction dont la première a été dirigée à l’encontre du Danemark (voir IP/08/1021). Si cette première procédure a été clôturée à la suite de la réponse de cet Etat membre, d’autres ont été ouvertes. Il est ainsi possible de citer la procédure contre la Pologne (voir IP/09/780 du 14 mai 2009 pour discrimination à l’encontre des fonds de pension, fonds d’investissement et établissements financiers étrangers) ; contre la Belgique (voir IP/10/94 du 28 janvier 2010, qui vise les fonds d’investissements étrangers percevant des dividendes et intérêts de source belge) mais aussi celle contre la France (voir IP/10/300 du 18 mars 2010, qui vise les flux de capitaux de source française perçus par des fonds de pension et des fonds d’investissement étrangers).

La Commission reproche ainsi à la France d’exempter les dividendes versés à des fonds français de toute retenue à la source et de ne pas imposer non plus ces dividendes au niveau des fonds, tandis que dans le même temps les fonds étrangers sont soumis à une retenue à la source de 25% (en vertu des dispositions des articles 119 bis 2 et 187 du CGI) ou inférieure dans le cadre de certaines conventions fiscales (le plus souvent 15%).

Cette dernière procédure apparaît à la fois normale au regard de l’action menée depuis mai 2007 par la Commission, et encore plus depuis l’arrêt Aberdeen (CJCE 18 juin 2009, aff. C-303-07 – voir notre article sur le sujet) mais, en même temps, elle peut surprendre en ce qu’elle concerne les fonds de pension.

Fonds de pension français et européens, vers l’égalité de traitement ?

La loi de finances pour 2010 prévoit que les dividendes perçus par les fonds de pension français seront soumis à une imposition au taux de 15% pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2009. La mise en conformité avec le droit communautaire se fait a minima par l’instruction 4 H-2-10 du 29 décembre 2009 (BOI n°8 du 15 janvier 2010), qui prévoit les conditions permettant d’étendre ce régime aux fonds européens. De plus, l’instruction précise ne pas porter préjudice à l’application des dispositions conventionnelles qui seraient plus favorables. En effet, les conventions fiscales signées par la France avec les EM de l’Union Européenne (UE) et de l’Espace Economique Européen (EEE) prévoient, au pire des cas, un taux d’imposition de 15% des dividendes (trois prévoient 10% au plus).

Cependant, ce recours aux conventions s’avère en réalité impossible, et quand bien même il le serait son concours est en fait inutile dès lors que la discrimination est supprimée par l’instruction. Néanmoins, il apparaît que ce sont plutôt les conditions imposées qui conduisent à conclure au maintien d’une discrimination à l’encontre des fonds pensions européens.

L’inutile recours aux conventions pour neutraliser la différence de traitement

Les conventions conclues par la France s’inspirent généralement du Modèle OCDE. Ce dernier prévoit que la convention ne s’applique qu’aux résidents de l’un des Etats contractants et l’article 4 du Modèle énonce que le terme « résident d’un État contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État ». L’Administration tire de cette rédaction que les personnes, et notamment les fonds de pension, qui investissent en France et qui ne sont pas effectivement soumises à l’impôt dans leur Etat de résidence ne peuvent pas être considérées comme résidentes au sens conventionnel et se verront donc appliquer le taux prévu par les articles 119 bis et 187 du CGI, soit 25%.

Cette position de l’Administration est cependant critiquable. En effet, le paragraphe 8.5 des Commentaires sur l’article 4 du Modèle OCDE énonce qu’une « personne est considérée comme étant assujettie à l’obligation fiscale illimitée même si l’État contractant ne lui applique pas en fait d’impôt. Par exemple, les organismes de retraite, les organismes caritatifs et d’autres organismes peuvent être exonérés d’impôt, à condition qu’ils remplissent toutes les conditions prévues dans la législation fiscale pour cette exonération. Ils sont donc soumis à la législation fiscale d’un État contractant. De plus, s’ils ne remplissent pas les conditions fixées, ils sont tenus d’acquitter l’impôt ». Le paragraphe 8.6 précise néanmoins que « dans certains États ces organismes ne sont pas considérés comme assujettis à l’impôt s’ils sont exonérés d’impôt en vertu de la législation fiscale nationale. Ces États peuvent ne pas considérer ces organismes comme des résidents aux fins de leurs conventions à moins que ces organismes ne soient expressément couverts par celles-ci ». Cependant, la France n’a émis aucune réserve sur le paragraphe 8.5 et n’a pas non plus précisé qu’elle adoptait l’interprétation du paragraphe 8.6 (comme le faisait la Grèce jusqu’au 17 juillet 2008).

Ainsi, les fonds de pension étrangers, devraient être considérés comme des résidents au sens conventionnel. Mais quand bien même ce serait le cas, en raison de l’exonération dont ils bénéficient à leur résidence, la retenue à la source ne pourrait s’imputer. La convention ne permettrait donc pas d’effacer la différence de traitement. Une telle situation constituerait toujours une entrave au droit communautaire, ce que l’arrêt Denkavit a confirmé (v. infra).

Il faut néanmoins préciser que certains fonds de pension européens bénéficient des dispositions conventionnelles en matière de dividendes, il s’agit de ceux établis en Autriche, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, toutes trois prévoyant un taux de 15% (s’ajoutent les fonds de pension japonais et certains fonds américains, v. instruction 4 J-1-05 du 25 février 2005). Il y a donc différence de traitement entre deux non-résidents de France (ce qui peut sembler logique dans un contexte conventionnel bilatéral). Cependant, cette situation ne semble pas non plus être de nature à constituer une violation du droit communautaire (voir notamment CJCE 5 juillet 2005, D., aff. C-376-03).

En réalité, la situation est in fine la même quand le fonds étranger n’est pas considéré comme un résident conventionnel. En effet, en étant exonéré de toute imposition à sa résidence, la retenue à la source française constitue encore une fois une charge définitive dès lors qu’elle ne peut être imputée. Il s’agit, là encore, d’une situation de type Denkavit mais à laquelle les instructions publiées par la France à la suite de cette affaire (4 C-7-07 du 10 mai 2007 et 4 C-8-07 du 12 juillet 2007) ne peuvent s’appliquer puisque l’entité étrangère n’est pas soumise à l’impôt dans son Etat de résidence (condition d’application du mécanisme prévu par les instructions). Pour mémoire, dans l’affaire Denkavit la CJCE avait établi l’existence d’une discrimination à l’encontre d’une société-mère étrangère par rapport à une française, dès lors que la première subissait une retenue à la source sur les dividendes de source française qu’elle percevait. Cette retenue, bien que réduite par la convention fiscale, ne pouvait être imputée par la voie du crédit d’impôt prévu par la convention car à la résidence de la société-mère étrangère les dividendes étaient exonérés. La retenue à la source française devenait donc une charge définitive pesant sur la société-mère étrangère alors que les sociétés françaises sont exonérées.

Ainsi, la situation des fonds telle qu’elle résulte au final de cet enchevêtrement de textes, et notamment de l’instruction 4 H-2-10, est assez différente de celle ayant donné lieu à l’affaire Denkavit. En effet, le taux d’imposition est rigoureusement le même dans les deux situations (15%) et conduit à une charge finale pour les deux catégories de fonds. Dès lors, il n’y a pas de différence de traitement entre un fonds de pension français et un européen qui perçoit des dividendes de source française. Depuis la loi de finances pour 2010, ils sont aussi « mal » traités l’un que l’autre. Cependant, l’égalité de traitement n’existe que si l’organisme de pension étranger satisfait aux conditions de l’instruction.

L’exigeante comparabilité imposée par la France entre fonds de pension nationaux et fonds de pension européens

Ainsi, il semblerait que la loi de finances pour 2010 et l’instruction 4 H-2-10 aient supprimé la différence dans le traitement fiscal des dividendes perçus par des fonds de pension étrangers par rapport à celui des fonds français. Pour autant, la France ne serait-elle pas allée trop loin dans les conditions posées pour bénéficier de cette imposition au taux de 15% ?

En effet, l’instruction précise que les fonds de pension européens doivent justifier qu’ils satisferaient « aux conditions requises pour bénéficier des dispositions du 5 de l’article 206 du code général des impôts (CGI) si leur siège était situé en France ». Cela implique de démontrer qu’ils répondent à la définition française d’organisme sans but lucratif (OSBL) telle que précisée par l’instruction 4 H-5-06 du 18 décembre 2006.

Pour mémoire, la détermination du caractère lucratif ou non des activités se fait selon la démarche suivante :

  • Examen de la gestion : est-elle ou non désintéressée ?
  • L’organisme concurrence-t-il les entreprises du secteur lucratif ?
  • Dans quelles conditions est exercée l’activité ?

En synthèse, l’instruction du 18 décembre 2006 propose le schéma de réflexion suivant : si la gestion est intéressée, l’organisme est à but lucratif donc imposable. Dans le cas contraire, il convient de passer à la deuxième question : concurrence-t-il une entreprise ? Si la réponse est négative alors, l’organisme est bien un OSBL et est exonéré des impôts commerciaux. Si la réponse est positive, l’activité n’est pas systématiquement lucrative et il convient alors d’examiner les conditions d’exercice de l’activité. Il s’agit de déterminer si l’activité est conduite de la même manière que le ferait une entreprise du secteur lucratif. Pour parvenir à cette détermination, il convient d’appliquer un faisceau d’indices symbolisé par la règle des « 4 P », qui sont des critères classés par ordre d’importance : le Produit proposé par l’organisme, le Public visé par l’organisme, le Prix pratiqué et la Publicité réalisée par l’organisme. Au terme de cette dernière étape, seuls les organismes exerçant leur activité dans des conditions similaires à celles des entreprises lucratives sont soumis aux impôts commerciaux dès lors qu’ils sont regardés comme des concurrents de ces entreprises.

La grande rigueur des conditions posées par la France est particulièrement frappante s’agissant de l’exigence d’une gestion désintéressée.

En effet, l’instruction 4 H-5-06 énonce que le montant mensuel de l’ensemble des rémunérations versées à chaque dirigeant, de droit ou de fait, ne doit pas dépasser trois fois le plafond de la sécurité sociale visé à l’article L241-3 du Code de sécurité sociale (soit 8655 euros, le plafond mensuel 2010 étant de 2885 euros). Doivent être inclus les rémunérations et avantages perçus en tant que dirigeant de l’organisme mais également celles versées à raison de toute autre fonction (de direction ou en tant que simple salarié) exercée dans le même organisme ou dans d’autres sans but lucratif.

Etant précisé que constituent des dirigeants de droit les membres du conseil d’administration ou de l’organe qui en tient lieu, quelle qu’en soit la dénomination. De plus, la notion de rémunération doit s’interpréter largement et vise toutes sommes d’argent ou l’octroi de tout autre avantage consenti par l’organisme ou l’une de ses filiales. Sont notamment visés les salaires, honoraires et avantages en nature, et autres cadeaux, de même que tout remboursement de frais dont il ne peut être justifié qu’ils ont été utilisés conformément à leur objet.

Il est également exigé :

  • la transparence financière :
    • possibilité du versement de rémunérations prévue par les statuts,
    • délibération et vote à la majorité des deux tiers de l’instance délibérative statutairement compétente ou de l’ensemble des membres quand ladite instance n’est pas l’assemblée générale,
    • indication en annexe des comptes des montants versés,
    • rapport à l’organe délibérant sur les conventions prévoyant une telle rémunération,
    • certification des comptes par un commissaire aux comptes,
  • un fonctionnement démocratique :
    • élection démocratique régulière et périodique des dirigeants,
    • contrôle effectif sur la gestion de l’organisme par les membres de l’association,
  • l’adéquation de la rémunération aux sujétions des dirigeants :
    • la rémunération est la contrepartie de l’exercice effectif du mandat du dirigeant,
    • la rémunération est proportionnée aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés,
    • la rémunération est comparable à celles couramment versées pour des responsabilités de nature similaire et de niveau équivalent,
    • des règles encadrent le cumul des rémunérations.

Les règles se complexifient encore en cas de pluralité de dirigeants rémunérés (voir instruction 4 H-5-06 § 29 à 39), sauf à ce que chaque dirigeant de droit ou de fait perçoive une rémunération mensuelle brute totale qui n’excède pas les trois quart du SMIC. Dans ces conditions, l’organisme est considéré comme étant un OSBL.

L’ensemble des conditions prévues par la réglementation française pour caractériser un OSBL sont d’ailleurs intégralement reprises et détaillées dans le questionnaire annexé à l’instruction 4 H-2-10.

Ainsi, ces conditions (et leur caractère parfois hautement subjectif), semblent difficilement pouvoir être satisfaites par des non-résidents, d’autant qu’il n’y a pas d’harmonisation communautaire en ce domaine, et donc leur paraître excessives (y compris pour les résidents de France qui pourront moins facilement lever des fonds dans les autres EM). Ce caractère excessif se trouve également confirmé par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et notamment les affaires Centro di Musicologia Walter Stauffer (14 septembre 2006, aff. C-386/04) et Hein Pershe (27 janvier 2009, aff. C-318/07).

En effet, dans la première affaire, la Cour a énoncé que lorsqu’un organisme est reconnu à but non lucratif dans son Etat membre de résidence et qu’il « a comme objectif la promotion d’intérêts de la collectivité identiques » à ceux établis dans un autre Etat membre alors « les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cette fondation le droit à l’égalité de traitement ». Dès lors que les deux entités, résidentes et non-résidentes, à but non lucratif poursuivent les mêmes intérêts, alors elles doivent être traitées de la même manière (voir respectivement §40 et §47 des arrêts Centro di Musicologia Walter Stauffer et Hein Pershe).

Si, certes, l’organisme étranger doit répondre aux conditions posées par la législation de l’autre Etat membre pour être considéré comme sans but lucratif, il importe que, ce faisant, les conditions imposées ne soient pas d’une exigence telle qu’elles soient très difficilement satisfaites par les entités étrangères. Or, les conditions énoncées dans l’instruction 4 H-5-06 paraissent par trop excessives, notamment en ce qui concerne les modalités d’appréciation du caractère désintéressé de la gestion.

Dès lors que l’organisme européen ne peut bénéficier du régime français pour les paiements de dividendes de source française, ces derniers font l’objet d’une retenue à la source au taux de 25%. Comme indiqué ci-avant, cette retenue est une charge définitive, qui pourrait constituer une violation du droit communautaire si fonds européens et français se révèlent être comparables au sens de la jurisprudence de la CJUE. Si cet obstacle est franchi, il le fut d’ailleurs assez aisément par les juridictions françaises (voir CAA Paris 6 décembre 2007, n°06-3370, Ministre c/ Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress confirmé par CE 27 octobre 2008, n° 313135, 3e s.-s., Ministre c/ Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress), il pourrait cependant être envisagé que l’Etat de résidence de l’organisme de pension européen accepte l’imputation du crédit d’impôt conventionnel sur des revenus qui ne sont pas exonérés, considérant que le fonds de pension établi sur son territoire est un résident au sens conventionnel (cet Etat adopte alors l’interprétation donnée par le paragraphe 8.5 des Commentaires sur l’article 4 du Modèle OCDE). Pour autant, la discrimination n’est pas effacée. En effet, comme l’expliquent parfaitement MM. Stéphane AUSTRY et Daniel GUTMANN, l’arrêt Amurta (8 novembre 2007, Aff. 379/05) interdit de considérer que le « respect par un Etat membre de l’Union européenne [puisse…] dépendre des mesures prises unilatéralement par un autre Etat membre. » (Fonds d’investissement étrangers – Leur traitement fiscal à l’épreuve du droit de l’Union européenne, FR 23/10).

Flux de capitaux à destination des fonds d’investissement européens : une discrimination occultée

La situation des fonds d’investissement s’est aggravée par rapport à celle des fonds de pensions. En effet, en ce qui concerne ces derniers, aucune modification législative n’est intervenue afin de supprimer les incompatibilités avec le droit communautaire. Ainsi, les paiements à destination des fonds d’investissement étrangers restent soumis à une imposition au taux de 25%, alors que les fonds français sont exonérés pour les dividendes de source française qu’ils perçoivent.

Là encore, tous les fonds d’investissement des Etats européens ne sont pas sur un même pied d’(in)égalité. En effet, l’instruction 4 J-1-05 prévoit l’application des stipulations conventionnelles aux OPCVM ou sociétés d’investissements d’Allemagne, d’Autriche, d’Espagne, d’Estonie, d’Islande, de Lettonie, de Lituanie, de Norvège, des Pays-Bas et de Suède (hors UE et EEE sont aussi visés ceux d’Afrique du Sud, du Canada, de Suisse, d’Israël, du Japon, de Namibie, d’Ouzbékistan, de Trinité et Tobago, d’Ukraine et de certains fonds des Etats-Unis), quand bien même ces fonds ne sont pas sujets à l’impôt à leur résidence. Une sorte de transparence fiscale est en effet organisée car ces fonds jouissent des avantages de la convention à concurrence de leurs membres bénéficiaires effectifs qui sont résidents de l’Etat contractant de situation de l’OPCVM. Ici aussi, la jurisprudence D. empêche d’exciper de cette situation favorable accordée à certains non-résidents de France une restriction aux libertés fondamentales exercée à l’encontre des autres non-résidents européens.

Cependant, même dans l’hypothèse où certains fonds européens peuvent bénéficier de la convention fiscale signée entre la France et leur EM de résidence, ils demeurent dans une situation de différence de traitement par rapport aux fonds français, et ce même s’ils sont moins mal traités que d’autres (15% au lieu de 25%, mais les conventions signées par la France avec les EM de l’UE et de l’EEE qui prévoient une absence de retenue sur les dividendes sont peu nombreuses et les fonds ne satisfont pas forcément aux conditions pour en bénéficier). Ceux ne bénéficiant pas des stipulations conventionnelles restant les plus mal traités par la France.

Comme expliqué ci-avant, si cette exclusion des fonds d’investissement du bénéfice des conventions fiscales au motif qu’ils ne sont pas de résidents au sens des conventions en raison de leur exonération d’impôt à leur résidence, est critiquable ; la situation qu’ils jouissent ou non de la convention est, en pratique, in fine la même en raison de cette exonération. Ainsi, la convention ne vient pas effacer la discrimination dont ils font l’objet dès lors que les OPCVM de France ne subissent aucune retenue à la source sur les dividendes qu’ils perçoivent (l’imposition au taux de 15% prévu par la loi de finances pour 2010 ne vise que les fonds de pension français).

Dans le cas des fonds d’investissement, la discrimination est bien plus évidente que pour les fonds de pension. En effet, l’arrêt Aberdeen a énoncé qu’il fallait examiner l’existence d’une différence de traitement au niveau des fonds d’investissement et dès lors que la directive 85/611/CEE du 20 décembre 1985 a harmonisé les règles juridiques applicables aux organismes d’investissement, la comparabilité de ces organismes entre les différents Etats membres de l’Union est acquise. La retenue à la source française constitue là aussi une charge définitive source de discrimination, car, d’une part, elle ne peut être imputée à la résidence du fonds du fait de son exonération (Denkavit), et que, d’autre part, la violation du droit communautaire par un Etat membre ne peut être effacée par une décision unilatérale d’un autre Etat membre, il ne saurait être tiré de la circonstance que l’Etat de résidence transfère aux porteurs de part le crédit d’impôt conventionnel pour neutraliser la discrimination engendrée par l’Etat de la source (Amurta), c’est-à-dire la France au cas particulier.

Eléments conclusifs

En conclusion, il semblerait que fonds de pension et fonds d’investissement européens doivent faire face à des traitements différents pour les dividendes de source française qu’ils perçoivent. Pour les fonds d’investissement, cette différence semble assez bien établie quand bien même ils bénéficieraient des avantages conventionnels. En ce qui concerne les fonds de pension, et en dépit des aménagements apportés par la loi de finances pour 2010 et l’instruction 4 H-2-10, ces derniers sont toujours susceptibles d’être entravés car les conditions imposées pour qu’ils soient traités comme des organismes de pension français apparaissent particulièrement strictes. Néanmoins, la reconnaissance et la sanction de cette entrave pourraient achopper sur la question de la comparabilité entre fonds européens et fonds français car à la différence des OPCVM, la situation des fonds de pension n’est pas autant harmonisée (voir directive 2003/41/CE du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle) que celle des fonds d’investissement.

Morgan Vail

Collaborateur de septembre 2008 à mars 2012