Les retenues à la source pratiquées par les Etats membres de l’UE sur les paiements d’intérêts et de dividendes ont été depuis fort longtemps identifiées comme des obstacles importants à l’intégration économique et au marché unique.
S’agissant des relations entre sociétés associées, la Directive Mères-filiales en 1990 (amendée en 2003) puis la Directive Intérêts et redevances en 2003 ont apporté des remèdes dans la grande majorité des cas. En revanche, les autres situations, qu’il s’agisse d’investissements de portefeuille ou que pour d’autres raisons elles n’entrent pas dans le champ de ces directives, continuent le plus souvent de poser de sérieux problèmes et de rendre caduques les efforts d’intégration, notamment dans le domaine des services financiers. La Commission européenne avait à plusieurs reprises indiqué dans son programme de travail son intention de présenter une Communication générale sur les retenues à la source.
En fait, face au nombre croissant de situations où des opérateurs se plaignaient de dispositions nationales discriminatoires, la Commission a initié depuis 2005 34 procédures d’infractions contre des Etats membres en raison du traitement qu’ils appliquent aux dividendes et intérêts, aussi bien sortants qu’entrants. Bon nombre des décisions récentes de la Cour de Justice des Communautés Européennes découlent soit directement de ces procédures ou encore s’y rattachent. Citons des arrêts tels que Denkavit Internationaal et Denkavit France (C-170/05 du 14 décembre 2006), Amurta (C-379/05 du 8 novembre 2007) CFC and Dividend Group Litigation (C-201/05 du 23 avril 2008), Commission contre Grèce (C-406/07 du 23 avril 2009), Commission contre Pays-Bas (C-521/07 du 11 juin 2009) ou encore Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy (C-303/07 du 18 juin 2009). Dans leur grande majorité, les décisions de la Cour ont confirmé le caractère discriminatoire et amené les Etats membres à modifier leurs pratiques, soit qu’ils aient été directement concernés soit qu’ils aient choisi de se mettre en conformité. Toutefois la séquence des décisions a parfois laissé un sentiment de confusion parmi les experts (voir notamment la décision Truck Center (C-282/07 du 22 décembre 2008), en témoignent les récents débats lors Congrès de l’Association fiscale internationale : The death of withholding taxes?
Si le besoin de clarification persiste, jusqu’à présent aucun texte général sur les retenues à la source n’a encore été présenté par la Commission. Différent scenarios ont parfois été mentionnés tels la suppression pure et simple des retenues à la source pour les paiements de revenus au sein de l’UE ou encore la mise en place obligatoire d’un crédit d’impôt total dans le pays de résidence.
En revanche, une Recommandation vient d’être adoptée portant sur les procédures de réduction de la retenue à la source. Quoiqu’il ne s’agisse que d’une Recommandation elle pourrait avoir un effet important pour le marché européen des services financiers. En effet, il faut savoir que, selon les chiffres du FMI, les détentions transfrontières de titres dans l’Union européenne ont représenté en 2006 un total de 16700 milliards de $, dont 6400 en actions et 10300 en obligations, soit plus de 50% du total mondial !
Actuellement, la plupart des Etats membres appliquent des retenues à la source sur les paiements d’intérêts et de dividendes, le prélèvement en étant effectué soit directement par l’émetteur soit par l’intermédiaire financier impliqué dans le paiement de ce revenu. La retenue à la source étant une façon de partager le droit d’imposition entre le pays de la source et le pays de la résidence, des taux réduits sont généralement consentis par les pays dans leurs conventions bilatérales ou dans leur législation nationale sous certaines conditions. Malheureusement les procédures pour obtenir la réduction de taux diffèrent considérablement d’un Etat membre à l’autre et sont le plus souvent très complexes. De fait bon nombre d’épargnants (et notamment les moins fortunés) renoncent à se prévaloir de ce bénéfice. En outre les intermédiaires financiers ne peuvent le plus souvent pas y porter remède car seuls ceux qui sont établis dans le pays sont autorisés à agir en tant qu’agents chargés de la retenue. Une estimation fournie par le groupe d’experts en charge de ce dossier (FISCO) montre qu’au sein de l’UE, les investisseurs d’autres Etats membres auraient ainsi droit dans l’UE à un remboursement des retenues de l’ordre de 87 milliards de dollars en 2006.
La Recommandation repose sur l’idée que l’octroi de réductions dès l’origine pour les retenues à la source à la place d’une procédure de remboursement ex-post constituerait un pas important vers la simplification des procédures de retenue à la source. Ce n’est que dans des cas exceptionnels, lorsque la réduction des retenues à la source n’est pas possible que les États membres de la source sont invités à améliorer la situation actuelle en mettant en place un mode de remboursement rapide. Par ailleurs, il est demandé aux Etats membres d’autoriser les intermédiaires financiers entre l’émetteur des titres et le bénéficiaire effectif, établis dans un État membre autre que l’État membre de la source, à intervenir dans les procédures de retenue à la source au titre d’agents d’information ou d’agents chargés de la retenue afin tant de faciliter le remboursement que d’éviter toute distorsion de concurrence. Cette possibilité est étendue aux intermédiaires des pays de l’AELE (Norvège, Islande, Liechtenstein, Suisse) mais seulement dans la mesure où ces pays offrent une assistance administrative équivalente à celle visée par les Directives communautaires en la matière (condition qui devra encore être vérifiée) !
D’autres simplifications sont également souhaitées telles la simple transmission de données agrégées sur le taux de retenue à la source à l’intermédiaire suivant dans la chaîne de garde des titres ou la possibilité de confirmer la résidence du bénéficiaire par d’autres moyens que le certificat de résidence (en faisant usage des données résultant des directives anti-blanchiment).
Il s’agit d’une initiative pragmatique visant à résoudre des problèmes pratiques dans un cadre non-législatif. Déjà un bon nombre d’Etats membres ont pris des mesures dans les directions mentionnées et on peut donc en espérer une réelle amélioration de la situation tant pour l’épargnant européen que pour la qualité du marché européen des services financiers et sa productivité.
Il n’en reste pas moins que dans d’autres situations, les retenues à la source continueront de faire couler de l’encre, y compris celle des greffiers de la CJCE !