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TVA et relations Siège–succursales : première application française de la jurisprudence Skandia

Dans une décision du 4 novembre 2020 (n° 435295, « BNP Paribas Securities Services »), le Conseil d’Etat fait application de la jurisprudence communautaire « Skandia » (CJUE, C-7/13, 17 septembre 2014) relative au traitement TVA des flux entre un siège et sa succursale lorsque cette dernière est membre d’un groupe TVA.

Pour mémoire, la CJUE a jugé dans cette affaire que les prestations de services rendues à partir d’un siège étranger (américain au cas particulier) à sa succursale faisant partie d’un groupe TVA dans un État membre de l’UE (Suède en l’occurrence), sont soumises à la TVA, le redevable de cette TVA étant le groupe TVA selon le mécanisme d’autoliquidation. Cet arrêt n’avait pas été commenté par l’administration française.

Dans l’affaire BNP Paribas Securities Services, l’administration fiscale avait considéré que la TVA grevant les dépenses exclusivement utilisées pour les opérations internes (réallocations de coûts) réalisées par le siège français avec ses succursales établies dans d’autres Etats membres de l’UE ne pouvait être déduite au motif que ces opérations étaient situées hors du champ d’application de la TVA, mais elle avait toutefois admis, par mesure de tempérament, la déduction d’une fraction de la taxe en tenant compte des proratas de TVA des succursales. Un raisonnement assez similaire à celui tenu par l’administration fiscale dans l’affaire Morgan Stanley qui concernait le cas inverse d’une succursale française et d’un siège étranger.

Pour rappel, la CJUE avait notamment jugé dans l’affaire Morgan Stanley (24 janvier 2019, C-165/17) que la TVA grevant les dépenses encourues par la succursale française et exclusivement utilisées pour les besoins des opérations du siège britannique ne pouvait être déduite qu’à la condition que lesdites opérations ouvrent droit à déduction à la fois dans l’Etat membre du siège (Royaume-Uni) et en France. Ni la CJUE ni le Conseil d’Etat n’avaient toutefois été amenés à se prononcer sur les conséquences de l’appartenance du siège britannique à un groupe TVA local.


A lire également : Analyse de la décision Morgan Stanley (C-165/17) – 24 janvier 2019


Dans cette nouvelle affaire, le Conseil d’Etat considère, pour la première fois, sur le fondement de la jurisprudence Skandia « que les prestations de services fournies par un établissement principal à sa succursale établie dans un autre État membre constituent des opérations imposables quand cette dernière est membre d’un groupement de TVA ».

Dans ce cadre, les réallocations de coûts vers les succursales européennes membres de groupes TVA locaux ne sont pas considérées comme des opérations internes non soumises à TVA mais comme des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA et pouvant le cas échéant ouvrir droit à déduction. Ainsi, pour le Conseil d’Etat, « le caractère déductible de la taxe grevant les dépenses réalisées par la société mère dépendait de l’opération de refacturation aux groupements auxquels appartiennent ces succursales et non pas des opérations ultérieures réalisées par ces groupements ».

Rappelons enfin que la CJUE devrait être amenée, dans l’affaire Danske Bank A/S (C-812/19), à se prononcer sur le cas inverse de coûts alloués par un siège membre d’un groupe TVA dans son Etat membre à sa succursale située un autre Etat membre et n’appartenant à aucun groupe TVA local (« reverse Skandia »).

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