Selon l’Avocat Général, un groupement de moyens exonéré de TVA (au sens de l’article 132-1-f de la Directive) peut rendre des services taxables à des non-membres, sous certaines conditions et limites (Conclusions de l’Avocat Général M. G. PITRUZZELLA, 11 juillet 2019, Affaire C-400/18, Infohos c/ Belgische Staat).
L’affaire d’origine belge concerne un groupement d’informatique hospitalière (Infohos) constitué par plusieurs centres publics d’action sociale (membres du groupement). Infohos fournit des services informatiques à ses membres. Par ailleurs, Infohos a rendu des services à un tiers non membre (NV IHC Group) dans le cadre d’un partenariat conclu avec ce dernier et visant au développement conjoint de logiciels d’application nouveaux ou innovants pour les hôpitaux membres du groupement.
L’administration fiscale belge a considéré que les services qu’Infohos et NV IHC Group se rendaient mutuellement devaient être soumis à la TVA. En outre, selon l’Administration, le fait d’effectuer des opérations taxables pour des non-membres a pour conséquence la perte du bénéfice de l’exonération de TVA pour les services rendus aux membres. La réglementation fiscale belge conditionne en effet l’exonération au fait que « les activités du groupement consistent exclusivement à fournir des prestations de services directement à leurs membres pour eux-mêmes, et que ceux-ci exercent tous une activité exonérée […] ».
Dans cette affaire, la CJUE va ainsi être amenée à se prononcer sur la possibilité pour les Etats membres de prévoir une condition d’exclusivité ayant pour effet qu’un groupement autonome qui fournit aussi des services taxables à des non-membres devrait être intégralement soumis à la TVA, y compris pour les services qu’il effectue pour ses membres. En substance, un groupement de moyens exonéré de TVA peut-il rendre des services à des non-membres ?
Pour l’Avocat Général, le principe est clair. La Directive TVA ne permet pas de prévoir une condition d’exclusivité qui aurait pour effet de strictement réserver l’exonération aux seuls groupements qui ne rendent des services qu’à leurs membres. La règlementation belge ne serait donc pas conforme au droit communautaire sur ce point.
Si la possibilité de rendre des services à des non-membres est admise, l’Avocat Général propose néanmoins de subordonner le maintien du bénéfice de l’exonération de TVA pour les services rendus aux membres à deux conditions supplémentaires et cumulatives :
- condition quantitative : les services offerts aux membres doivent être plus importants quantitativement que ceux fournis à des tiers, de sorte que ces derniers services ne peuvent qu’avoir une nature résiduelle au sein de l’ensemble des activités du groupement (par. 75)
- condition qualitative : il doit pouvoir être démontré que l’activité effectuée en faveur de tiers autres que les membres a pour objet de servir des motivations d’efficacité technique, dont les membres pourront également bénéficier dans le futur (par. 77)
A cet égard, il est rappelé que la Directive TVA (article 132-1-f) subordonne l’exonération des groupements à la condition qu’elle « ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ».
Pour mémoire, en France, cette condition ne figure pas expressément dans le texte de l’article 261 B du CGI. Par ailleurs, la possibilité pour un groupement « 261B » de rendre des services à des non- membres, tout en conservant le bénéfice de l’exonération des services rendus aux membres, est admise tant par la doctrine administrative (dans la limite quantitative de 50 % par service – BOI-TVA-CHAMP-30-10-40, n° 120 et 130) que par la jurisprudence (CE, 8 juillet 2002, n° 212867, Caisse fédérale du Crédit mutuel d’Anjou).
Dans l’hypothèse où la CJUE suivrait intégralement les conclusions de l’Avocat Général, il conviendra de s’interroger sur les contours exacts et la justification du respect des conditions supplémentaires posées, en particulier la condition qualitative.
Rappelons enfin que cette affaire s’inscrit à la suite de récentes décisions communautaires restrictives quant au champ d’application de ce régime d’exonération :
- limitation aux groupements dont les membres exercent des activités d’intérêt général à l’exclusion d’autres secteurs d’activité tels que ceux de la banque et de l’assurance (arrêts « DNB Banka » C-326/15, « Aviva » C-605/15 et « Commission c/ Allemagne » C-616/15)
- exonération applicable uniquement aux services rendus par le groupement aux membres et non l’inverse (arrêt « Commission c/ Luxembourg » C-274/15)
- condition d’utilisation exclusive des services du groupement aux activités exonérées des membres non présumée par un seuil de recettes taxables (« Commission c/ Luxembourg »)