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Comment anticiper les nouvelles règles de déductibilité des charges financières ? (Chronique 2/3)

La France s’apprête comme la plupart des pays européens à réformer en profondeur les règles de déduction des charges financières des entreprises.
 
Alors que le vote définitif du projet de loi doit intervenir jeudi 20 décembre, nous vous proposons une série de trois chroniques pour comprendre et anticiper les principaux enjeux de la réforme. Nous vous présenterons ainsi notre grille de lecture du nouveau dispositif pour illustrer ensuite certains enjeux pratiques des nouvelles règles et pistes de remédiation.

Nouvelles règles de déductibilité des charges financières : illustration de certains enjeux pratiques et des pistes de remédiation y afférentes

Allouer la dette au sein du groupe

Tous les pays européens devant se conformer au dispositif minimum défini par la directive ATAD, une analyse similaire à celle décrite dans notre première chronique, tenant compte des spécificités locales, devra être menée dans les pays où le groupe opère. Cette analyse globale permettra de distinguer les filiales dépassant les seuils de déduction de celles ayant au contraire des capacités de déduction additionnelle et ainsi d’identifier les éventuels rééquilibrages nécessaires.

Prenons l’exemple d’un groupe fiscal français dont les charges financières nettes excèdent les plafonds de déduction alors que les charges financières nettes de sa filiale étrangère sont nettement inférieures aux plafonds de déduction. Selon les raisons de ce déséquilibre, des actions de remédiation pourront être envisagées, comme illustré ci-dessous :

Bien évidemment, et même si ces différentes actions de remédiation participent à une mise en conformité par rapport à une règle anti-abus, elles devront être revues à l’aune des règles fiscales applicables dans les juridictions étrangères concernées et en particulier les règles anti-abus en cas d’acquisition de titres de participation ou de distribution financée par de la dette intragroupe. S’agissant de la France, on peut saluer à cet égard la suppression de la règle dite « amendement Carrez », qui vise à lutter contre l’endettement abusif de sociétés françaises pour l’acquisition de titres de participation. On peut en revanche regretter que le mécanisme dit de l’ « amendement Charasse » visant à limiter la déduction des charges financières d’un groupe fiscal en cas d’acquisition de filiales auprès d’entités liées soit maintenu.

Dans l’exemple inverse d’une holding étrangère détenant une filiale française dont les charges financières nettes provenant d’une dette intragroupe excèdent les plafonds de déduction, une recapitalisation de la filiale française pourrait être envisagée afin d’éviter la situation de non-déduction partielle en France/imposition totale au niveau de l’entité du groupe créancière.

Identifier les nouveaux cas de sous-capitalisation et y remédier

Bien que le projet de loi de finances prévoit la suppression des anciennes règles de sous-capitalisation, il en reste encore quelques vestiges dans le cadre du nouveau dispositif. En effet, les charges financières nettes afférentes à des dettes envers des entreprises liées excédant une fois et demie les fonds propres de l’entreprise seraient soumises à des plafonds plus faibles de déduction (10 % de l’EBITDA fiscal ou 1 m€).

Ce nouveau mécanisme de sous-capitalisation (uniquement basé sur un ratio de dette envers des entreprises liées1 sur fonds propres) devrait avoir au moins deux impacts majeurs :

 

Cette nouvelle méthode de calcul pourrait ainsi désavantager les groupes composés de plusieurs niveaux de holdings françaises dans la mesure où les titres de participation entre entités du groupe devraient être éliminés par imputation sur les fonds propres. Il ne serait ainsi pas possible de simplement additionner les fonds propres des sociétés si bien qu’une recapitalisation de la mère intégrante pourrait être nécessaire.

Afin de remédier à une situation de sous-capitalisation, plusieurs actions peuvent être envisagées et notamment :

Là encore, ces différentes actions de remédiation devront être revues à l’aune des règles fiscales applicables dans les juridictions étrangères concernées.

Améliorer l’EBITDA fiscal des entreprises françaises

Le nouveau régime repose principalement sur le niveau de résultat fiscal des entreprises. Plus ce résultat imposable sera élevé, plus le montant de charges financières nettes déductibles sera lui aussi élevé. On peut à cet égard saluer que le texte prévoit de retenir le résultat fiscal aux bornes du groupe d’intégration fiscale. Sans cette mesure, plus aucune holding n’aurait plus été en mesure de déduire les intérêts afférents au financement de ses acquisitions.

En fonction des situations, certaines actions pourront être envisagées afin d’améliorer l’EBITDA fiscal.


1 On notera que le nouveau dispositif ne vise pas les dettes externes qui seraient assimilées à des dettes envers des entreprises liées du fait de garanties intragroupe qui seraient consenties.