Deloitte Société d’Avocats a envoyé à la Commission européenne ses recommandations sur l’avenir du système communautaire de TVA, en réponse à la consultation lancée par celle-ci par le biais du Livre vert.
Deloitte Société d’Avocats a souhaité, par la synthèse des réponses, contribuer au débat et se prononcer en faveur de certaines propositions concrètes afin d’améliorer le système actuel.
Deloitte Société d’Avocats ayant entrepris une série de rencontres avec certaines grandes organisations professionnelles françaises (secteurs financier, de l’assurance, du bâtiment, de la restauration, etc.) mais également avec ses clients ; la réponse se base sur un retour concret des souhaits et préoccupations des entreprises ainsi que sur des réflexions innovantes destinées à encourager un débat approfondi.
Le traitement TVA des opérations transfrontalières au sein du marché unique
Pensez-vous que le régime de TVA actuellement applicable aux échanges intra-UE est suffisamment adapté au Marché Unique ou constitue-t-il pour vous un obstacle à la maximalisation des avantages de ce marché ?
Le système actuellement en place pose de nombreux problèmes et comporte des obstacles coûteux pour les opérations intracommunautaires au point que certains opérateurs trouvent le régime export/import moins contraignant. Si possible il doit être radicalement modifié afin d’éliminer ces obstacles et les risques accrus de fraude qu’il induit. Sinon il faut au moins viser à simplifier les procédures pour les entreprises, mieux informer celles-ci des règles à respecter dans les différents pays de l’Union et mieux les protéger, particulièrement s’agissant du risque d’implication dans un circuit de fraude organisé.
En effet, les entreprises considèrent généralement que le système actuel comporte trop de différences de traitement et que celles-ci se traduisent par trop d’obligations supplémentaires à la charge des opérateurs engagés dans des transactions intracommunautaires, en totale contradiction avec l’idée de marché unique. Elles dénoncent tout particulièrement le fait que pour parvenir à imposer dans le pays de destination, le régime transitoire oblige à distinguer les opérations intracommunautaires des opérations domestiques avec en particulier l’obligation de prouver le transport des biens en dehors de l’Etat membre de la livraison afin d’assurer l’exonération de celle-ci. Par ailleurs, les obligations de listing des acheteurs identifiés à la TVA dans les autres Etats membres (DEB en France) sont lourdes et comme elles ne correspondent pas aux pratiques commerciales usuelles, elles impliquent un traitement spécifique donc un coût supplémentaire.
Enfin, en tant que collectrices de l’impôt pour le Trésor, les entreprises ont un impérieux besoin de sécurité juridique ce que le système actuel ne leur apporte pas étant régulièrement confrontées à 27 possibles interprétations d’un même texte et exposées qu’elles sont à leur insu à des opérations de fraude. Ceci n’est pas acceptable.
En cas de réponse affirmative à la deuxième partie de la question précédente, quel serait selon vous le régime de TVA le plus approprié pour lesdites opérations? En particulier, pensez-vous que l’imposition dans l’État membre d’origine reste un objectif opportun et réalisable?
La mise en place d’un mécanisme généralisé d’autoliquidation ne nous semble pas constituer une bonne solution s’agissant du traitement des opérations intracommunautaires. Cela conduirait à priver le système TVA de ce qui en fait la force : l’opposition d’intérêt entre acheteurs et vendeurs et les paiements fractionnés. Parmi les nombreuses solutions qui ont été avancées jusqu’à présent, celle qui répond le mieux à l’idée de marché unique et qui n’implique pas de preuve particulière liée au passage d’une frontière consiste à taxer toutes les ventes sans exonération à un taux unique pour les ventes entre assujettis tandis que les ventes au consommateur final sont soumises à l’application du régime de taux prévu par le pays dans lequel la livraison a lieu.
Ce système, appelé VIVAT par ses auteurs, permet de supprimer tout besoin de prouver le transport et la seule différence qu’il implique qui consiste à distinguer les ventes entre assujettis des ventes à des consommateurs finals repose sur l’identification à la TVA des assujettis qui constitue déjà un élément pivot de la directive actuelle.
Pour bien faire, ce système, qui n’implique pas d’autre révision fondamentale de la directive, devrait être combiné avec un changement du mode d’administration de la TVA qui reposerait sur l’utilisation systématique de la facturation électronique entre assujettis, tant pour renforcer la sécurité du système que pour en réduire le coût administratif (et de façon plus générale le « compliance cost« ) pour les opérateurs.
Ainsi, selon le schéma illustratif ci-après, l’assujetti vendeur aurait l’obligation de transmettre, au moment de son émission en direction de son acheteur, une copie de la facture électronique à son administration fiscale dans un compte électronique ouvert à cette fin. De même l’acquéreur aurait l’obligation, sous peine de ne pouvoir déduire la taxe d’amont, de transmettre dès réception copie de sa facture d’achat à son administration fiscale dans un compte ouvert à cette fin. Les deux administrations pourraient en permanence et spontanément échanger des informations sur ces factures et les montants de TVA concernés. Un compte provisoire de TVA serait automatiquement établi à la fin de chaque mois pour chaque assujetti établissant la TVA nette due (sous forme d’acompte), à régler selon les procédures nationales en vigueur (ainsi une TVA qui ne serait pas enregistrée par le dépôt d’une facture électronique d’achat ne pourrait pas être automatiquement déduite). Une déclaration périodique normale serait ensuite établie (selon une périodicité à définir mais qui n’aurait plus la même importance), dans le but de procéder aux éventuelles régularisations qui ne peuvent être prises en compte par la procédure administrative automatisée indiquée ci-dessus.
Etant donné qu’un tel système exige un système de compensation des recettes entre Etats membres (« clearing« ), il serait par cet échange de factures électronique un élément de la gestion même du système plutôt que de devoir rajouter des obligations supplémentaires à cette fin.
En couplant la taxation des livraisons intracommunautaires à un taux unique et la facturation et gestion électronique de l’impôt, cette solution améliorerait considérablement l’efficacité du système et réduirait d’autant les possibilités de fraude. Elle permettrait également de supprimer les actuelles obligations de listing des livraisons intracommunautaires de biens devenues superflues. Enfin, les livraisons à des assujettis partiellement ou totalement exonérés et à des personnes morales non assujetties pourraient faire l’objet de l’application d’un taux complémentaire (par acquisition pour la différence entre le taux unique et le taux national comme indiqué ci-dessus) afin d’être sur un pied d’égalité avec les mêmes achats en régime domestique (cette décision pourrait être laissée à la discrétion des Etats membres puisqu’elle ne concernerait que l’Etat membre de consommation). La Commission a d’ailleurs évoqué ce type de solution dans certains documents de travail.
Il convient de souligner que l’usage généralisé de la facturation électronique, s’il est bien conduit et bénéficie notamment pour les petites entreprises d’un soutien approprié, serait une innovation propre à constituer une avancée très importante pour les économies européennes. Cela permettrait une simplification générale de la conduite des opérations imposables et réduirait considérablement les coûts administratifs, une fois passé le temps de la mise en place.
Comment assurer la neutralité du système de TVA ?
Pensez-vous que les règles de TVA actuellement applicables aux autorités publiques et aux holdings sont acceptables, notamment au regard de la neutralité fiscale, et si non, pourquoi ?
L’exclusion du champ d’application de la TVA des autorités publiques conduit d’une part à une incertitude au niveau communautaire dans la mesure où chaque Etat membre décide de ce qui relève ou non du champ de la taxe, et d’autre part à ne pas soumettre à la TVA en pratique des activités qui pour certaines sont néanmoins exercées dans des conditions de pleine concurrence.
Cette situation entraîne des discriminations entre les opérateurs des différents Etats membres ainsi qu’entre les entreprises privées et les autorités publiques alors même qu’elles exercent une activité similaire voire identique.
Enfin cette mise hors champ, dans la mesure où elle ne permet plus la neutralité du système TVA, se traduit par des charges administratives plus lourdes pour l’ensemble du système et par des rémanences de taxes pour toute la chaîne des entreprises clientes de ces autorités publiques.
En conséquence, nous nous prononçons en faveur d’une application aussi large que possible de la TVA à toutes les activités ayant le caractère d’activité économique. Il serait souhaitable dans un tel contexte d’adopter une définition au niveau communautaire des activités d’autorités publiques soumises par nature à TVA, afin que l’ensemble des Etats membres applique les mêmes règles.
Cette liste, qui devrait être aussi réduite que possible, devrait notamment prendre en compte le caractère concurrentiel ou non des activités pour déterminer si elles doivent être incluses dans le champ d’application de la TVA.
S’agissant des sociétés holdings, la différence de traitement qui est faite actuellement selon qu’elles exercent ou non une activité patrimoniale ne nous semble plus soutenable. Une holding pure agit en effet pour les besoins d’une activité taxable réalisée par ses filiales opérationnelles et elle devrait pouvoir également profiter du statut d’assujetti afin de lui permettre de déduire la TVA grevant ses frais et de neutraliser ainsi toute TVA rémanente.
Par conséquent, nous nous prononçons en faveur d’une soumission pleine et entière à la TVA de toutes les sociétés holdings quelle que soit leur activité effective, dès lors que leurs filiales exercent elles-mêmes une activité soumise à TVA.
Quels autres problèmes avez-vous rencontrés en ce qui concerne le champ d’application de la TVA ?
La définition du moment à partir duquel une opération patrimoniale entre dans le champ d’application de l’impôt est toujours source de conflit.
Comment remédier à ces problèmes ?
Il est impératif de clarifier la situation. Le cas échéant, pour remédier à ces situations sources d’insécurité il serait possible d’organiser une présomption simple de hors champ : l’opérateur est mis hors champ sauf option expresse de l’intéressé ou encore par le biais d’une déclaration qui serait demandée à la personne (qui soit opte pour « le hors champ » ou pour le « dans le champ »).
Exonérations de la TVA
Quelles sont les exonérations actuelles de la TVA qui ne devraient pas être maintenues? Veuillez expliquer pourquoi, selon vous, elles posent un problème. Certaines exonérations devraient-elles être maintenues et, si oui, pourquoi ?
Les exonérations doivent être revues et l’impact économique de l’exonération mesurée. On s’apercevra alors que l’application de la TVA avec un taux modéré pourrait être un facteur de dynamisation des secteurs concernés.
Face aux besoins d’équipements et à leur coût de plus en plus élevé, l’exonération est une aberration et est un frein au regroupement des moyens. Ainsi, la formation, l’éducation, la santé et de façon générale toutes les prestations à la personne devraient être assujetties à la TVA à un taux modéré, à déterminer en fonction des impacts économiques souhaités.
S’agissant du traitement TVA des opérations financières et d’assurances, idéalement, leur assujettissement complet à la TVA serait le seul moyen d’assurer une neutralité du système et d’éliminer ainsi toute rémanence de taxe. Bien sûr le système doit assurer que le capital n’est pas imposable, seules les prestations de services ne comportant aucun risque en capital doivent être soumises à la TVA. Des solutions existent en ce sens qui sont compatibles avec une application de la TVA transaction par transaction mais elles soulèvent de nombreux problèmes, notamment pratiques, aussi une approche pragmatique et progressive doit-elle être envisagée.
Dans un premier temps, il est indispensable et urgent de finaliser les définitions et la portée des termes techniques employés pour délimiter les exonérations. Par la suite, si on devait aller vers une application complète de la TVA, il serait intéressant de voir si on peut étaler la montée en puissance du taux dans le temps sur une longue période.
Dans un autre domaine d’exonération, le périmètre de l’exonération des organismes sans but lucratif doit être réexaminé pour assurer une plus grande sécurité juridique et la neutralité. Le cas échéant, la possibilité d’appliquer un taux réduit assurant une imposition finale équivalente à l’exonération actuelle devrait être envisagée. Dans tous les cas il conviendrait que les biens donnés par les entreprises à ces organismes pour être distribués à des fins charitables puissent donner lieu à déduction (banques alimentaires, vêtements donnés gratuitement, nourriture donnée par les supermarchés…). Il serait probablement nécessaire de poser des conditions précises afin d’éviter des abus et fraudes éventuelles.
Enfin, de nombreux opérateurs ont insisté sur l’importance de conserver le dispositif relatif au groupement de moyens. Toutefois, ses modalités de mise en œuvre devraient être améliorées, il devrait être rendu opérationnel dans les opérations transfrontalières, son champ d’application devrait être étendu en modifiant le critère d’exonération totale des activités des membres et en le remplaçant par celui « d’exonération à titre principal ».
Pensez-vous que le régime actuel d’imposition des transports de passagers crée des problèmes en ce qui concerne la neutralité de la taxe ou pour toute autre raison? La TVA devrait-elle s’appliquer aux transports de passagers quel que soit le moyen de transport utilisé ?
Ici encore, le système de TVA pour être neutre doit être universel et par conséquent tous les transports de passagers devraient être soumis aux mêmes principes généraux d’imposition à la TVA, quitte à prévoir des modalités pratiques particulières lorsque c’est indispensable. Toutefois c’est encore loin d’être le cas et des problèmes immédiats doivent encore être résolus dans le cadre actuel.
Comment remédier à ces problèmes ?
L’exonération prévue par l’Article 148 de la Directive 2006/112/CE en faveur des compagnies de navigation aérienne pratiquant essentiellement un trafic international nous paraît également trop restrictive dans la mesure où s’est récemment développée la pratique du crédit-bail d’aéronefs, au détriment de l’achat en propre de ces matériels directement par les compagnies aériennes.
En conséquence, les entreprises de crédit-bail procédant à l’acquisition d’un aéronef ne peuvent disposer d’une exonération de TVA sur cette opération, alors même que ce bien est destiné à être loué à long terme à des compagnies de navigation aérienne qui l’utilisent pour réaliser majoritairement une activité de transport international.
Cette différence de traitement nous paraît discriminatoire, dans la mesure où le traitement TVA sera fonction, non de l’activité à laquelle est destiné l’aéronef, mais de l’opérateur juridiquement propriétaire, selon qu’il s’agisse d’une entreprise de crédit-bail ou d’une compagnie de navigation aérienne.
Nous préconisons en conséquence un alignement de leur régime, afin d’adapter le droit à la pratique récente des affaires dans le domaine de l’aviation et de manière à assurer une égalité de traitement entre les opérateurs du secteur.
Déductions
Quels sont pour vous les principaux problèmes liés au droit à déduction ?
Il serait aussi possible d’accorder des droits à déduction élargis en fonction de considérations énergétiques (possibilité de déduire la TVA sur les « véhicules verts » ainsi que sur les « carburants verts »…).
Ce sujet n’a plus été exploré par la Commission depuis l’abandon de la 12e Directive TVA, il est donc urgent de relancer la réflexion et d’arriver à une harmonisation en cette matière.
Les règles actuelles en matière de coefficient de déduction sont particulièrement difficiles à appliquer pour les assujettis n’exerçant pas des activités intégralement soumises à TVA. Une simplification et une harmonisation de ces règles nous paraissent également fortement souhaitables.
Quelles modifications seraient selon vous souhaitables pour renforcer la neutralité et l’équité des règles en matière de déduction de la TVA en amont ?
Nous sommes favorables à un système basé sur une exigibilité et une déduction corrélative de la TVA lors de l’encaissement du prix pour l’ensemble des opérations soumises à TVA, afin de mettre un terme à la confusion induite par l’application de règles différentes selon le type d’opérations et la qualité des opérateurs.
La diversité des règles applicables conduit à une incertitude des opérateurs quant au moment où ils sont en droit de déduire la taxe.
De surcroit, la règle d’exigibilité lors de l’encaissement permettrait d’éviter au fournisseur de verser une TVA qu’il n’a jamais perçue de la part de son client défaillant, supportant ainsi la taxe sur la valeur totale du bien ou service.
Prévoir une date d’exigibilité de la taxe au moment de l’encaissement du prix au niveau communautaire permettrait également d’harmoniser les règles en la matière, qui diffèrent actuellement d’un Etat membre à l’autre.
Services internationaux
Quels sont les principaux problèmes liés aux règles en matière de TVA actuellement applicables aux services internationaux, que ce soit au niveau de la concurrence et de la neutralité fiscale ou à tout autre égard ?
L’ensemble des formalités exigées des petites et moyennes entreprises quand elles effectuent des services en dehors de leurs pays d’établissement sont considérables et aujourd’hui les découragent, les conduisant même à préférer travailler en dehors de l’Union Européenne pour éviter ces tracasseries.
Par ailleurs, il est indispensable dans les relations transfrontalières de clarifier la situation des succursales vis-à-vis de leur siège et vice versa (attractivité, droit à déduction, prorata mondial etc.), ainsi que les relations succursales/succursales. De même, le droit communautaire doit donner une définition claire et simple de la notion d’établissement stable pour les besoins de la TVA.
Comment remédier à ces problèmes ? Pensez-vous que davantage de coordination soit nécessaire au niveau international ?
Le processus juridique
Quelles sont, s’il y en a, les dispositions de la législation de l’Union en matière de TVA qui devraient être fixées dans un règlement du Conseil plutôt que dans une directive ?
Les règles communautaires en matière de TVA sont actuellement presque exclusivement définies dans le cadre de Directives, même lorsqu’il s’agit techniquement de mesures d’application particulièrement précises.
Nous estimons qu’un retour aux principes définis dans les traités, c’est-à-dire en fixant les lignes directrices dans les Directives et en prévoyant les mesures d’application dans les règlements, permettrait une réelle hiérarchisation des normes facilitant ainsi l’interprétation des mesures précises d’application par rapport aux grandes règles générales régissant le domaine de la TVA.
De plus, cela permettrait une harmonisation plus poussée. En effet, les règlements d’application limiteraient substantiellement les interprétations divergentes qui existent actuellement.
Estimez-vous que les modalités d’application devraient être établies par décision de la Commission ?
A notre sens, la Commission pourrait se faire attribuer un pouvoir de décision en matière de mesures d’application, en formulant une proposition de décision, soumise ensuite à un avis obligatoire du Comité TVA au sein duquel tous les Etats Membres sont représentés.
Cependant, nous estimons avant tout que la procédure d’adoption des actes communautaires en matière de TVA n’est plus adaptée à la taille d’une Union Européenne comportant 27 Etats Membres. Le domaine de la TVA est en effet soumis à une procédure spéciale qui impose une prise de décision à l’unanimité des Etats Membres, alors même qu’en droit commun, seule une majorité qualifiée est requise.
Passer à une adoption des actes à la majorité qualifiée (à définir) permettrait selon nous de faciliter et ainsi d’accélérer la prise de décision au sein de l’Union Européenne, rendue difficile en l’état actuel de la procédure.
Par ailleurs, il serait opportun de mettre en place un code de bonne conduite et des meilleures pratiques des administrations vis-à-vis des entreprises.
Il n’est pas acceptable qu’une administration puisse faire des redressements pour le passé à l’encontre d’entreprises de bonne foi qui ont : soit acquitté la TVA dans un autre Etat, soit qui sont intervenues dans des opérations pour lesquelles la TVA a été régulièrement acquittée. Il faut faire émerger le principe de sécurité juridique pour interdire aux Etats de remettre en cause des situations passées.
- Exemple 1 : une entité établie en Europe a acquitté la TVA dans un pays A. Un autre pays B estime qu’elle aurait dû l’acquitter dans ce pays B. Un redressement est fait dans le pays B.
- Exemple 2 : une entité établie dans un pays B achète des biens dans un pays A qui sont directement livrés dans un pays C. Il est procédé à une autoliquidation dans le pays C par le client final. L’administration du pays C considérant que cette entité aurait un établissement stable dans le pays C procède à un redressement de TVA sur les opérations triangulaires. Tout ceci est contraire au principe de sécurité juridique.
Si cette solution n’est pas réalisable, des lignes directrices sur les nouvelles règles législatives de l’Union en matière de TVA pourraient-elles être utiles, même si elles ne sont pas contraignantes pour les États membres ? La publication de lignes directrices de ce type présente-t-elle selon vous des inconvénients ?
L’édition de lignes directrices dont le respect serait soumis au libre arbitre des Etats Membres nous paraît être à double tranchant. En effet, même si un effort de clarification doit être effectué en matière d’interprétation de la norme communautaire, de telles lignes directrices facultatives risquent de créer une confusion lorsque l’interprétation des règles communautaires qu’elles préconisent n’est pas respectée par ces Etats, appliquant chacun le texte à leur manière. Un risque de double imposition et de non-imposition apparaîtrait alors, conduisant à une plus grande incertitude juridique pour les opérateurs.
Nous considérons par conséquent qu’il ne s’agirait là que d’une mesure a minima, à défaut d’accord sur une modification de la procédure actuelle de prise de décision.
De manière plus générale, quelles sont les mesures qui permettraient d’améliorer le processus législatif, d’en renforcer la transparence et d’y associer plus étroitement les parties prenantes, de la phase initiale (rédaction de la proposition) à la phase finale (mise en œuvre nationale) ?
Une implication des entreprises et organisations professionnelles lors de l’adoption des actes communautaires permettrait d’une part une meilleure correspondance des nouvelles mesures aux préoccupations des intervenants du secteur concerné, mais également une meilleure adhésion de leur part à de telles règles. Nous considérons qu’un effort devrait être réalisé sur ce point.
Une procédure permettant l’attribution de « rulings » aux entreprises s’interrogeant sur le traitement TVA de leurs transactions intracommunautaires nous semble constituer une proposition intéressante allant dans le sens d’une meilleure sécurisation de l’activité des opérateurs au regard de la TVA. Cette fonction pourrait par exemple être attribuée au Comité TVA, dont les décisions devraient être systématiquement publiées de manière à éviter que ne soit successivement présentés des cas similaires et à permettre aux opérateurs de se conformer aux préconisations émises.
Nous préconisons la mise en place d’un comité d’arbitrage en matière de double imposition, afin de favoriser un règlement à l’amiable, en accord avec les Etats concernés, lorsqu’une telle situation se présente au détriment d’une entreprise.
De même, nous préconisons que ce comité ad hoc puisse être saisi de toute question relative à la qualification des opérations transfrontières, afin de résoudre au plus vite les divergences pouvant exister entre :
- les opérateurs et les administrations : dès lors que l’impôt a été acquitté, et qu’il n’y a pas eu fraude ou évasion fiscales, l’administration qui voudrait qualifier différemment une opération ne devrait pouvoir le faire que pour l’avenir ;
- les administrations entre elles : l’entreprise ne saurait être prise en otage entre les interprétations divergentes des administrations.
Dérogations et capacité de l’Union Européenne à réagir rapidement
Les dérogations octroyées aux États membres vous ont-elles posé des difficultés ? Si oui, veuillez préciser.
Nous n’avons pas eu de retours négatifs de la part de nos clients, ni fait par nous-mêmes l’expérience de telles difficultés. Nous considérons au contraire qu’il s’agit d’une mesure de bonne administration permettant une flexibilité rendue nécessaire dans une Union élargie à 27 pays.
Pensez-vous que la procédure actuelle d’octroi des dérogations individuelles est satisfaisante et, dans la négative, comment pourrait-on l’améliorer ?
La possibilité accordée aux Etats de bénéficier d’une telle dérogation est actuellement limitée à deux objectifs particuliers. Une dérogation peut ainsi être attribuée lorsqu’il s’agit pour l’Etat considéré de simplifier la collecte de la taxe ou encore de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
La procédure actuelle devrait pouvoir être accélérée en cas d’urgence, permettant aux Etats d’adopter une mesure rapide après information préalable des institutions communautaires, et suivie d’une contrôle réalisé a posteriori par la Commission, de manière à ne pas ralentir le processus.
Une dérogation attribuée à un Etat devrait également pouvoir être appliquée par un autre se trouvant dans une situation similaire. A cette fin, une procédure simplifiée devrait être mise en place, de manière à permettre une meilleure réactivité face au problème rencontré sans devoir passer par toutes les étapes de la procédure initiale.
Une mesure utile consisterait à imposer aux Etats bénéficiant d’une telle dérogation d’élaborer au terme de celle-ci un rapport mesurant son impact sur l’environnement économique et permettant d’évaluer ses bienfaits par rapport aux objectifs poursuivis. La publication d’un tel rapport assurerait par ailleurs une transparence bienvenue.
L’ensemble des dérogations devraient être limitées dans le temps et réexaminées à intervalle régulier.
Taux de TVA
Pensez-vous que la structure actuelle des taux entrave fortement le bon fonctionnement du marché unique (distorsion de la concurrence), qu’elle entraîne un traitement inégal de produits comparables, notamment des services en ligne par rapport aux produits et services portant sur un contenu similaire, ou qu’elle engendre des coûts de conformité importants pour les entreprises ? Si oui, dans quelles situations ?
Préféreriez-vous qu’il n’y ait pas de taux réduits (ou qu’il en existe simplement une liste très courte), ce qui pourrait permettre aux États membres d’appliquer un taux normal plus bas, ou seriez-vous favorable à la création d’une liste de taux réduits de TVA obligatoire et uniformément appliquée dans l’Union européenne, notamment pour répondre aux objectifs spécifiques définis en particulier dans la stratégie «Europe 2020» ?
Il n’existe pas d’étude d’impact systématique quant aux conséquences économiques des taux de TVA qui sont appliqués. La Commission pourrait se doter d’un outil performant afin d’éclairer le cheminement de la décision.
L’expérience montre qu’une fiscalité modérée dans certains secteurs favorise l’emploi et le développement économique alors qu’à l’inverse, un taux de TVA plus élevé favorise l’émergence d’une économie non déclarée. On ne sait pas à l’heure actuelle où placer le curseur.
Il est évident que 2015 mettra fin à une situation tout à fait anormale dans les services électroniques et que le droit communautaire doit impérativement éviter le renouvellement de ce type de situation.
S’agissant des prestations de services, nous sommes d’avis que celles qui sont purement locales par nature et qui n’impliquent donc aucun enjeu en matière de concurrence au niveau communautaire, devraient pouvoir faire l’objet d’un taux réduit dont la fixation ressortirait de la compétence des Etats membres, mieux à même d’adapter le taux à la situation locale, sous réserve de notification à la Commission. Cette dernière pourrait le cas échéant émettre des objections lorsque l’étude d’impact évoquée précédemment montre que des enjeux de concurrence existent bel et bien.
Programme de la commission destiné à réduire les charges administratives et à rationaliser les obligations en matière de TVA
Quels sont les principaux problèmes que vous avez rencontrés en ce qui concerne les règles actuelles relatives aux obligations en matière de TVA?
Comment remédier à ces problèmes au niveau de l’Union européenne?
Plusieurs mesures pourraient être prises, simples à mettre en place à la fois pour les Etats membres et pour les entreprises :
La mise en place d’un modèle de facture unique au niveau communautaire constituerait selon nous une avancée conséquente.
La mise en place d’une déclaration de TVA standard, au niveau communautaire, faciliterait l’accomplissement des obligations déclaratives.
Il serait également possible d’harmoniser les dates de dépôt et les modalités de remboursement en droit interne comme cela a été fait pour la 13e Directive du 17 novembre 1996 et la Directive 2008/9/CE.
Quel est, en particulier, votre avis sur la faisabilité et la pertinence des mesures proposées, notamment dans le plan de réduction des charges administratives en matière de TVA (n° 6 à 15) et dans l’avis du groupe de haut niveau ?
Petites entreprises
Y a-t-il lieu de revoir le régime d’exonération actuel applicable aux petites entreprises, et, si oui, quels devraient être les principaux éléments de cette révision ?
L’existence de seuils d’exonération des petites entreprises conduit à notre sens à une plus grande complexité du système, en multipliant les régimes différents, d’autant plus que la définition et le calcul de ces seuils varient selon les Etats Membres considérés.
En outre, une telle exonération ne favorise pas les entreprises visées, puisque celles-ci se retrouvent privées de l’exercice de leur droit à déduction dès lors qu’elles se retrouvent sous le seuil défini.
Nous nous prononçons en faveur d’une suppression totale de tels seuils d’exonération pour les petites entreprises, avec en contrepartie des modalités déclaratives allégées.
D’autres mesures de simplification devraient-elles être envisagées et, si oui, quelles devraient en être les principales caractéristiques ?
Estimez-vous que les régimes applicables aux petites entreprises permettent de tenir suffisamment compte des besoins des petits agriculteurs ?
Le système du guichet unique
Considérez-vous le Guichet Unique comme une mesure de simplification utile ? Si oui, quelles devraient en être les caractéristiques ?
Le guichet unique est un facteur de sécurité juridique, de simplification, de bonne administration et de solidarité entre les administrations des Etats Membres.
Encore faut-il que les administrations du pays d’établissement et de la déclaration unique soient responsables :
- Du caractère régulier et exhaustif des déclarations
- De la ventilation des TVA dues
- Du recouvrement de toute TVA due
C’est par des actes concrets que l’on crée la solidarité entre les administrations.
L’adaptation du système de TVA aux grandes entreprises et aux entreprises paneuropéennes
Pensez-vous que les règles actuelles en matière de TVA créent des difficultés dans le cadre des opérations transfrontalières intra-entreprises ou intragroupes? Si oui, comment y remédier ?
Une extension de la portée géographique de ces groupements à l’échelle de l’Union Européenne constituerait selon nous une progression notable allant dans le sens d’une amélioration du fonctionnement du marché unique.
Il faut redéfinir le périmètre du groupe TVA pour y intégrer les holdings et favoriser la constitution de groupes transfrontaliers en mettant en place les outils juridiques nécessaires à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
La relation succursale/siège/groupe doit être encadrée dans cette perspective.
Les synergies avec d’autres dispositions législatives
Dans quels domaines de la législation en matière de TVA convient-il de promouvoir les synergies avec d’autres dispositions fiscales ou douanières ?
Il faut faire en sorte que le bon opérateur puisse agir en pleine sécurité fiscale, ce qui devrait conduire à la mise en place d’un {{statut national et européen d’opérateur fiscal agréé.
L’opérateur fiscal agréé en retirerait des avantages :
- les pénalités pourraient être allégées ;
- les livraisons intracommunautaires pourraient ne pas être taxées lorsqu’elles sont effectuées au sein d’un groupe ayant le statut d’opérateur européen fiscal agréé ;
- une présomption de bonne foi pourrait être reconnue au profit d’un tel opérateur fiscal agréé (absence de fraude).
De même, il serait souhaitable de généraliser l’inclusion dans les conventions fiscales internationales des dispositions permettant d’obtenir des informations sur des redevables potentiels de la TVA en Europe et de pouvoir bénéficier d’une assistance au recouvrement.
Revoir le mode de perception de la TVA
Lequel de ces modèles vous paraît-il le plus prometteur et pourquoi ? Auriez-vous d’autres propositions à formuler ?
En tout état de cause, il ne nous paraît pas judicieux d’introduire un nouvel intermédiaire dans la chaîne de paiement de la TVA. Cependant nous renvoyons ici à nos réponses aux questions relatives au traitement des opérations intracommunautaires qui prévoient notamment avec la généralisation de la facturation électronique un système de gestion et de perception de la TVA nouveau, moderne et cohérent.
Sinon, la mise en place d’une base de données ou d’un entrepôt de données paraît prometteuse pour l’avenir mais doit être étudiée, évaluée en termes de coûts par rapport aux avantages pour les entreprises. Tout système de certification des opérateurs doit être favorisé car porteur de sécurité fiscale renforcée.
Protéger les opérateurs de bonne foi contre une éventuelle implication dans la fraude à la TVA
Quelle est votre opinion quant à la faisabilité et à la pertinence d’un système facultatif de paiement scindé ?
Un système de paiement scindé généralisé ne nous paraît pas constituer la solution la plus simple et la plus efficace pour remédier à la fraude organisée en matière de TVA.
Ici encore nous renvoyons à nos réponses aux questions relatives au traitement des opérations intracommunautaires qui prévoient notamment avec la généralisation de la facturation électronique un système de gestion et de perception de la TVA nouveau, moderne et cohérent. Celui-ci nous paraît en soi le meilleur moyen d’éviter le développement de la fraude carrousel en supprimant de fait l’intérêt des fraudeurs à exploiter la différence entre les livraisons domestiques taxées et les livraisons intracommunautaires exonérées.
Dans l’immédiat, nous considérons que la lutte contre la fraude organisée, et notamment de la fraude dite carrousel, doit constituer un objectif essentiel en termes de politique fiscale, la bonne foi des redevables n’étant actuellement pas suffisamment reconnue. Il devient de plus en plus difficile pour les opérateurs impliqués malgré eux dans un circuit de fraude organisée de démontrer qu’ils n’en avaient pas connaissance.
Les autorités fiscales deviennent sans cesse de plus en plus exigeantes en imposant aux entreprises une obligation de renseignement sur leurs partenaires commerciaux qu’il est parfois impossible de respecter complètement. La charge de la preuve devient souvent trop lourde, entrainant la condamnation de redevables obligés de supporter les conséquences financières de comportements fautifs imputables aux autres. C’est pourquoi nous estimons qu’une solution globale, qui supprime l’intérêt même de la fraude doit être mise en œuvre.
Une gestion efficace et moderne du système de TVA
Soutenez-vous ces propositions destinées à améliorer la relation entre les opérateurs et les autorités fiscales ? Avez-vous d’autres suggestions ?
Nous soutenons les propositions de la Commission dans sa communication de décembre 2008 et nous souhaitons la mise en place d’un code de bonne conduite des administrations, de l’opérateur fiscal agréé etc.
Autres questions
Quelles questions autres que celles déjà abordées devraient être examinées dans le cadre de la réflexion sur l’avenir du système de TVA de l’Union européenne ? Quelles solutions recommanderiez-vous ?
Il est indispensable que dans le cadre du futur régime de TVA émerge une véritable communauté d’intérêts dans la gestion de l’impôt. On ne doit plus avoir une juxtaposition d’administrations fiscales dans leur périmètre de souveraineté, mais on doit voir apparaître une solidarité entre les administrations tendant à collecter l’impôt dû en respectant des règles protectrices de l’entreprise et en concentrant leurs efforts de lutte contre la fraude à l’encontre des fraudeurs.
Dans cet esprit, la mise en place d’équipes de vérification à compétence fiscale et policière transnationale paraît souhaitable.
Dans le cadre de la mise en place du principe de bonne administration au niveau communautaire, il serait avisé qu’existe un code de conduite appliquant le principe de subsidiarité. Par exemple les opérations de fraude transfrontalière sont par nature de la seule compétence des autorités communautaires qui doivent pouvoir agir en cette matière par voie de règlement autonome. Il s’agit dans le domaine de la TVA de définir ce qui relève de la compétence partagée. L’élaboration de règles de conduite serait par conséquent un facteur de simplification.
Il s’agit de mieux cerner ce qui relève de la compétence des Institutions communautaires, de ce qui relève de la seule compétence des Etats, de ce qui relève de la compétence partagée.
Par exemple :
- Tout ce qui touche aux opérations transfrontalières est par nature de la seule compétence des institutions communautaires. Il leur appartient de prendre les « règlements » utiles à la lutte contre la fraude transfrontalière ;
- Les taux : compétence partagée ;
- Les taux réduits locaux : appliqués aux prestations locales : compétence des Etats Membres.
Une telle approche donnerait plus de visibilité au système et plus de cohérence.