A l’issue de la première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014 à l’Assemblée nationale, nous vous signalons l’adoption des mesures fiscales suivantes qui ne sont pas encore définitives, le débat parlementaire n’étant pas encore terminé.
Fiscalité des entreprises
Contribution additionnelle sur l’IS (art. 5)
On sait que les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros sont passibles d’une contribution exceptionnelle additionnelle dont le taux a été porté par la LF 2014 de 5 % à 10,7 % pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013 (CGI, art. 235 ter ZAA).
Cette contribution temporaire qui ne devait s’appliquer qu’aux exercices clos jusqu’au 30 décembre 2015 serait prolongée d’un an. Elle serait ainsi maintenue pour les exercices clos jusqu’au 30 décembre 2016.
Aucune autre mesure de réduction du taux nominal n’étant pour l’instant prévue, ce n’est que pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2016 que le taux global de l’IS redescendrait à 34,43 % (contribution sociale sur les bénéfices de 3,3 % incluse) au lieu de 38 % actuellement, étant précisé que ce taux global ne tient pas compte de la contribution de 3 % sur les distributions.
Nouveaux aménagements de la taxe d’apprentissage (art. 2)
On se souvient que la LFR 2013 a opéré une fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage.
Elle contenait de surcroît des dispositions relatives aux mécanismes d’affectation de la taxe d’apprentissage ainsi qu’à l’encadrement des dépenses libératoires au titre du « hors quota ». Ces dispositions ont toutefois été invalidées par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il n’était pas permis de renvoyer au seul pouvoir réglementaire, sans aucun encadrement législatif, la fixation du montant du « quota » qui devait être affecté aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage.
Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le PLFR 2014 prévoit l’encadrement des modalités d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage ainsi que la fixation du montant des dépenses autorisées au titre des différentes fractions de la taxe d’apprentissage.
Le projet de texte prévoit, de surcroît, que l’aide dite « bonus » versée aux entreprises de plus de 250 salariés (Code du travail, art. L. 6241-8 et 10) respectant le quota d’alternants mentionnés à l’article 1609 quinvivies (ancien article 230 H du CGI) soit remplacée par une réduction d’impôt de même montant, venant en déduction du montant de la taxe d’apprentissage à acquitter au titre du hors quota. Rappelons qu’une mesure similaire avait été adoptée dans le cadre de la LFR 2013, avant d’être censurée, par coordination, par le Conseil constitutionnel.
Extension du régime de l’intégration fiscale aux groupes constitués entre plusieurs établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) (mesure nouvelle, art. 5 octies)
Le régime de l’intégration fiscale prévu à l’article 223 A du code général des impôts serait étendu aux groupes constitués entre plusieurs établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun qui, bien que non liés entre eux par une détention capitalistique, forment un pôle économique coordonné concourant à la production d’un même service public industriel et commercial et dont l’un des EPIC détermine la stratégie du groupe et assure des missions transverses.
Fiscalité des personnes
Réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes (art. 1er
Les contribuables dont le revenu fiscal de référence pour 2013 est inférieur à 27 590 € (13 795 € pour un contribuable seul) bénéficieraient, au titre de l’impôt dû en 2014 (impôt sur les revenus 2013), d’une réduction d’impôt exceptionnelle de 700 € (350 € pour un contribuable seul).
Un mécanisme visant à éviter les effets de seuil viendrait limiter le montant de la réduction d’impôt des contribuables dont le revenu fiscal de référence pour 2013 est compris entre 27 590 € et 28 290 € (entre 13 795 € et 14 145 € pour un contribuable seul). La réduction d’impôt serait ainsi plafonnée à la différence entre 28 290 € (14 145 € pour un contribuable seul) et le montant des revenus perçus.
Cette réduction d’impôt s’imputerait automatiquement sur l’impôt sur le revenu calculé à partir des revenus déclarés cette année et ne serait pas prise en compte pour l’application du plafonnement global des crédits et réductions d’impôt. Elle entrerait en vigueur dès septembre 2014.
En pratique, cette mesure concerne tout particulièrement les personnes dont le revenu n’excède pas 1,1 fois le Smic.
Exclusion des gains nets de cession de BSPCE des abattements du régime des plus-values mobilières adoptée en loi de finances pour 2014 (mesure nouvelle, art. 1 bis)
Un amendement adopté confirme que les gains nets de cession de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont bien exclus du champ de l’abattement pour durée de détention applicable pour le calcul des plus-values de cession de titres (CGI, art. 150-0 D) comme de l’abattement fixe prévu en faveur des gains de cession d’actions réalisés par les dirigeants partant à la retraite (CGI, art. 150-0 D ter).
Cet amendement précise également que les gains de levée d’options attribuées avant le 20 juin 2007, déjà exclues du champ d’application des abattements pour durée de détention par le droit en vigueur, le sont également du champ de l’abattement fixe.
TVA et autres mesures
Maintien du taux réduit de TVA (mesure nouvelle, art. 5 quindecies)
Le bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % serait maintenu pour les constructions de logements réalisées dans le cadre d’opérations d’accessions à la propriété situées dans des quartiers « ANRU » pour lesquelles le permis de construire serait déposé en 2015 ou le traité de concession d’aménagement serait signé dans cette même année lorsque la convention ANRU relative à ce quartier vient à échéance en 2014.
Relèvement du taux de la taxe de séjour (mesure nouvelle, art. 5 ter)
La taxe de séjour a pour objet de faire participer les touristes aux dépenses liées à la fréquentation touristique. Elle est perçue auprès des logeurs hôteliers et propriétaires qui hébergent à titre onéreux des personnes non domiciliées sur la commune de perception. Elle peut être instaurée au réel (taxe due par les résidents occasionnels et établie par application d’un tarif par nuitée) ou au forfait (taxe due par les logeurs ou hôteliers et calculée en fonction de la capacité d’accueil et de la durée d’ouverture de l’établissement). Les tarifs sont établis par délibération du conseil municipal dans la limite d’un barème défini aux articles D. 2333‑45 et D. 2333‑60 du code général des collectivités territoriales.
Le plafond des tarifs applicables serait relevé à 8 euros par nuitée et par personne (ou unité de capacité d’accueil) au lieu de 1,5 euros actuellement.
Contrôle fiscal et lutte contre l’optimisation
Suppression de la condition de dépendance prévue pour la mise en œuvre de l’article 57 du CGI en présence d’un ETNC (mesure nouvelle, art. 5 septies)
L’article 57 du CGI permet à l’administration fiscale de réintégrer au résultat imposable en France les transferts indirects de bénéfices entre une entreprise établie en France et une entreprise établie dans un autre État. Son application est toutefois conditionnée à l’existence de liens de dépendance entre les deux entreprises, qu’ils soient de droit ou de fait. La charge de la preuve d’un tel lien incombe à l’administration. Toutefois, la condition de dépendance n’est pas exigée lorsque l’entreprise étrangère est établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, dans lequel l’entreprise est soumise à un impôt inférieur de plus de moitié à l’impôt de droit commun en France. Pourtant, elle reste exigée lorsque l’entreprise est établie dans un État ou territoire non coopératif (ETNC), qui ne se conforme pas aux standards de transparence et de communication des données fiscales.
La mesure nouvelle a pour objectif de corriger cette différence de régime, en supprimant la condition de dépendance lorsque l’entreprise étrangère est établie dans un ETNC (mise en œuvre de la proposition n° 2 du rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, publié en juillet 2013).
Sanction en cas de non présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée (mesure nouvelle, art. 5 undecies)
On se souvient que le Conseil constitutionnel a lors de l’examen de la LF pour 2014 remis en cause l’amende sanctionnant le défaut de présentation de la comptabilité analytique ou des comptes consolidés, qui devait être égale à 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’exercice (pour son montant éventuellement rehaussé après contrôle), avec un minimum de 1 500 € (CGI, art. 1729 E nouveau), pour défaut de lien entre la peine et les infractions réprimées et son caractère manifestement disproportionné. Il a ainsi censuré la majeure partie des dispositions de l’article 1729 D du CGI, relatives à l’amende sanctionnant le défaut de présentation de la comptabilité informatisée sous forme dématérialisée, auxquelles se borne à renvoyer l’article 1729 E nouveau, ne laissant subsister que l’amende de 1 500 €.
Pour tenir compte des observations du Conseil constitutionnel tout en rétablissant un niveau de sanction dissuasif, l’article 1729 D serait modifié en sorte qu’un défaut de présentation de la comptabilité informatisée serait passible d’une amende de 5 000 €, ou si elle est supérieure d’une majoration de 10 % sur les droits rappelés mis à la charge du contribuable en cas de rectification.
Le nouveau dispositif ne serait pas rétroactif, mais s’appliquerait aux contrôles futurs (contrôles pour lesquels un avis de vérification serait adressé à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi).
Sanction de l’obligation de communication de la comptabilité analytique et des comptes consolidés (mesure nouvelle, art. 5 duodecies)
S’agissant des sanctions prévues en cas de défaut de présentation, dans le cadre d’une procédure de vérification, de la comptabilité analytique ou de la comptabilité consolidée, la sanction applicable serait portée de 1 500 € actuellement (voir ci-dessus point 1.) à 20 000 €, par une modification de l’article 1729 E du CGI.
Le gouvernement a précisé qu’il considère qu’une telle sanction est proportionnée puisqu’elle ne serait applicable qu’aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires excédant 152,4 millions d’euros pour celles dont le commerce principal est de vendre des marchandises à consommer ou à emporter sur place et supérieur à 76,2 millions d’euros pour les autres entreprises.
Le nouveau dispositif ne serait pas rétroactif, mais s’appliquerait aux contrôles futurs (contrôles pour lesquels un avis de vérification serait adressé à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi).
Obligation déclarative nouvelle des institutions financières afin de mettre en œuvre les accords d’échange automatique (mesure nouvelle, art. 5 decies)
L’article 1649 AC du CGI serait modifié et une nouvelle obligation déclarative pour les institutions financières au titre de l’échange automatique d’informations serait créée. Cette obligation leur permettrait de disposer d’un fondement légal en vue de réaliser, y compris au moyen de traitements de données à caractère personnel, les diligences nécessaires en matière d’identification et de déclaration des comptes, des paiements et des personnes.
Cette mesure vise à satisfaire aux besoins des accords d’échange d’information que la France a conclus ou conclura avec ses partenaires européens ou non européens dans le cadre de la mise en œuvre du standard d’échange automatique.
En cas d’omission ou d’insuffisance de déclaration, les institutions financières concernées seront passibles d’une amende de 200 € par compte déclarable comportant une ou plusieurs informations omises ou erronées, sauf lorsque ce manquement résulte d’un refus du client, ou de la personne concernée de lui transmettre les informations requises, et que ce manquement aura été signalé à l’administration fiscale.
Création d’un « Observatoire des contreparties » concernant le CICE (mesure nouvelle, art. 5 septdecies)
Le CICE comporte des engagements réciproques et s’accompagne de contreparties précises de la part des entreprises. Le Président de la République a lors d’une conférence de presse, déclaré que « ces contreparties doivent être définies au plan national et déclinées par branches professionnelles. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes, de travail des seniors, de qualité de l’emploi, de formation, d’ouvertures de négociations sur les rémunérations et la modernisation du dialogue social. Un « Observatoire des contreparties » sera mis en place et le Parlement y sera associé. »
Serait ainsi créé à côté du comité de suivi déjà existant, un « Observatoire des contreparties », organisme pérenne, dont la composition serait pluraliste et auquel le Parlement serait associé et dont le rôle serait de suivre l’utilisation par les entreprises des allègements de charges consentis aux entreprises au moyen du crédit d’impôt compétitivité emploi dont l’objectif est poursuivi par le pacte de responsabilité, et d’évaluer précisément ce dispositif d’ensemble.
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la création d’un « Observatoire des contreparties ».