France/Suisse : un nouvel avenant à la convention fiscale internationale

Après plusieurs accords transitoires, la France et la Suisse s’accordent sur des mesures pérennes de télétravail pour les travailleurs frontaliers en signant un avenant à la convention fiscale de 1966

Le 27 juin 2023, la France et la Suisse ont signé à Paris un avenant à la convention fiscale internationale de 1966 pour entériner des règles pérennes de l’imposition des revenus professionnels issus du télétravail.

L’avenant

Rappelons à titre liminaire que la terminologie de travailleur frontalier couvre deux catégories de salariés.

Les cantons signataires de l’accord spécifique d’avril 1983 : pas de changement

Les salariés dont l’employeur est situé dans l’un des 8 cantons signataires de l’accord spécifique d’avril 1983 (Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura). Pour ces derniers, la France et la Suisse ont déjà signé le 22 décembre dernier un accord sur les règles du télétravail et pour lequel aucun terme n’avait été prévu. La situation reste donc inchangée depuis le 1er janvier 2023.

Cet accord rend possible le télétravail, dans la limite de 40 % du temps de travail, sans que cela n’ait d’impact fiscal ni sur le statut de frontalier (qui suppose un aller-retour quotidien entre le domicile situé en France et le lieu de travail situé en Suisse), ni sur les règles d’imposition qui en découlent ( pleine imposition exclusive dans l’Etat de résidence via le prélèvement à la source – acompte contemporain).

Autres cantons : un accord in extremis

Pour les autres salariés dont l’employeur est situé dans tous les autres cantons (dont Genève, Argonie, Fribourg et Zürich) et qui relèvent de la convention fiscale internationale de 1966, la France et la Suisse avaient également signé le 22 décembre 2022 un accord transitoire sur le télétravail. Or, il était précisé qu’« en l’absence de signature, avant le 30 juin 2023, de l’avenant précité, le dispositions du présent accord cessent de s’appliquer à compter du 1er juillet 2023 ».

La signature, in extremis, de cet avenant est donc la bienvenue et permet de formaliser les règles de télétravail applicables aux travailleurs frontaliers en reprenant les règles préétablies dans l’accord de décembre 2022.

Ainsi, l’imposition des revenus professionnels est maintenue dans l’Etat de situation de l’employeur (Suisse pour un résident fiscal de France), si le travail effectué à distance depuis l’État de résidence (France) n’excède pas 40 % du temps de travail, et ce, par année civile.

En contrepartie du maintien du droit d’imposer les revenus d’activité salariée dans l’État de l’employeur, une compensation adéquate est prévue en faveur de l’Etat de résidence de l’employé à concurrence de 40 % des impôts que l’État d’emploi a prélevé sur les rémunérations versées en raison des activités exercées en télétravail.

A noter que si l’employeur est situé dans le canton de Genève, cette compensation est versée pour la seule fraction de télétravail en France comprise entre 15 % et 40 % du temps de travail par année.

Cet avenant prévoit également un échange automatique de renseignements, selon un format prédéterminé (électronique), concernant des données salariales limitativement énumérées pour les travailleurs frontaliers en télétravail : identité, l’année civile de réalisation du revenu, le nombre de jours ou le pourcentage de télétravail ainsi que le montant total des rémunérations versées.

Ce dispositif d’échange d’informations est amené à s’appliquer pour l’ensemble des travailleurs frontaliers, y compris pour ceux relevant de l’accord du 11 avril 1983.

Une clarification sur la notion de télétravail

Par ailleurs, l’avenant apporte une définition précise de l’« activité exercée en télétravail » en précisant qu’il s’agit de « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié dans son État de résidence, à distance et en dehors des locaux de l’employeur, pour le compte de celui-ci, conformément aux dispositions contractuelles liant l’employé et l’employeur, en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Une mesure de tolérance permet aux travailleurs frontaliers d’exercer jusqu’à 10 jours par année civile au sein, ou dans le cadre de voyages d’affaires, dans des États tiers.

Enfin, il n’est pas inutile de préciser qu’avant de rentrer en vigueur, cet avenant doit être ratifié par la France et la Suisse. Dans cet intervalle, les pays signataires ont convenu de maintenir l’application des dispositions de l’accord du 22 décembre 2022, tel que détaillées ci-dessus, jusqu’au 31 décembre 2024.

La mise en conformité au droit international

La signature de cet avenant a également été l’occasion pour la France et la Suisse de mettre la convention fiscale internationale de 1966 en conformité avec les dispositions de l’OCDE sur la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS) ainsi que pour les règles d’imposition minimale (Pilier 2).

La sécurité sociale : point d’incertitude persistant

Au niveau de l’Union Européenne un accord-cadre vient d’être instauré et prévoit que depuis le 1er juillet 2023 un salarié qui télétravaille depuis chez lui moins de 50 % du temps total travaillé pourra demander le maintien au régime de sécurité social de l’Etat où les locaux de son employeur sont situés.

A ce jour :

Magda Yasumoto

Magda Yasumoto, Avocat Associée, au sein de la ligne de service Global Employer Services (GES). Elle a rejoint Deloitte en 2003 et compte un peu plus de 14 années d’expérience […]

Romain Ressiguier

Romain travaille depuis plus de 10 ans dans le domaine de la mobilité internationale, accompagnant les particuliers ainsi que les multinationales cessionnaires (entreprises étrangères et françaises) avec leurs obligations fiscales […]