Spécial Projet de Loi de Finances 2017

L’Assemblée Nationale a adopté, en première lecture, l’ensemble des dispositions fiscales de la première partie du projet de loi de finances pour 2017. Si certaines mesures annoncées dans le projet initial ont été adoptées sans modifications sensibles, nous retiendrons que le législateur en a amendé plusieurs et qu’il en a également ajouté de nouvelles.

Mesures adoptées sans modifications sensibles

  • Renforcement du dernier acompte de l’IS pour les grandes entreprises (art. 7)
  • Suppression de l’amortissement exceptionnel des logiciels (art. 13)
  • Etablissements payeurs : harmonisation du champ d’application de l’acompte de prélèvement forfaitaire (art. 9)
  • Indexation des tranches du barème de l’IR (art. 2)
  • Réduction d’impôt sur le revenu en faveur des classes moyennes (art. 2)
  • Prorogation du CITE (art. 10)

Mesures modifiées

Baisse du taux de l’IS en faveur des PME (art. 6)

Les députés ont adopté l’article prévoyant un abaissement progressif du taux de l’IS à 28 %, agrémenté d’un amendement gouvernemental visant à étendre le champ des entreprises susceptibles de bénéficier de l’actuel taux réduit de 15 %.

Ainsi, les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ pourraient bénéficier du taux de 15 %, dans la limite de 38 120 € de bénéfices imposables, pour leurs exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Création d’un acompte pour le paiement de la TASCOM (art. 8)

L’article a été profondément remanié par les députés. Ainsi, la création d’un acompte de 50 % s’appliquerait en définitive au paiement de la TASCOM elle-même, et non plus seulement, comme le prévoyait le texte initial, au paiement de la majoration de 50 %.

Toutefois, ne seraient concernés par le paiement de cet acompte que les établissements tenus de s’acquitter de la majoration de 50 % (c’est-à-dire ceux dont la surface de vente excède 2 500 m², quelle que soit la nature du commerce exercé).

Mécanisme anti-abus visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l’ISF (art. 4)

Le mécanisme lui-même a été adopté en l’état. Le Gouvernement serait, en outre, désormais tenu de remettre chaque année au Parlement, un rapport détaillant le nombre de contribuables ayant bénéficié du mécanisme de plafonnement de l’ISF, le montant du plafonnement correspondant, la cotisation moyenne d’ISF des foyers plafonnés et le montant moyen restitué à ce titre.

Mesures nouvelles

Aménagements de la taxe sur les transactions financières (art. 11 bis)

La taxe sur les transactions financières (TTF), instaurée en 2012, s’applique à toute acquisition à titre onéreux d’un titre de capital ou assimilé dès lors que ce titre est admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger, que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, et que ce titre est émis par une entreprise française dont la capitalisation boursière excède 1 Md€ au 1er décembre de l’année précédant celle d’imposition (CGI, art. 235 ter ZD).

Remarque

Le débat parlementaire fait écho au projet d’une taxe sur les transactions financières européenne initié en 2011 par la France et l’Allemagne. Depuis cette date, les pays peinent à s’entendre pour sa mise en place via le mécanisme de la coopération renforcée. Le Ministre affirme que les 10 pays européens engagés dans le processus seraient sur le point d’aboutir à un accord et prône le statu quo en droit interne d’ici là.

Actuellement, les opérations d’acquisition d’un titre, qui ne sont pas matérialisées par une inscription en compte et qui sont précédées ou suivies de ventes du même titre au cours d’une même journée (dites « intra-day »), ne sont pas incluses dans le champ d’application de la taxe. Seul le solde net des acquisitions en fin de journée est dans ce cas soumis à la taxe (BOI-TCA-FIN-10-10 § 60).

Deux amendements ont été adoptés, tendant à étendre le champ d’application de la taxe et à rehausser son taux.

Extension aux transactions « intra-day »

À compter du 1er janvier 2017, la taxe s’appliquerait aux transactions « intra-day » intervenant avant le transfert de propriété à l’acquéreur. Le Gouvernement, comme la Commission des finances ont donné un avis défavorable à cet aménagement.

Le Ministre, Michel Sapin a d’ailleurs précisé qu’ « on peut toujours voter le dispositif « intra-day » au 1er janvier prochain, ça ne donnera pas un sou. Ça ne rapportera rien au 1er janvier prochain, ni même dans les mois qui suivent car personne n’est capable techniquement de le mettre en œuvre en l’espace de quelques semaines ou même de quelques mois ».

Pour mémoire, une mesure similaire avait été adoptée l’an dernier dans le cadre du PLF 2016, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel en raison d’une entrée en vigueur inappropriée.

Hausse du taux

Le taux de la taxe serait porté de 0,2 % à 0,3 %. Cette hausse devrait s’appliquer, faute d’entrée en vigueur spécifique, à compter du 1er janvier 2017.

Modification du régime social et fiscal des AGA (art. 4 bis)

A l’issue d’âpres discussions, les députés ont finalement adopté l’amendement rectifié de la Commission des finances visant à revenir sur l’avantage fiscal et social accordé aux attributions d’actions gratuites dans le cadre de la loi « Macron ».

Remarque

L’article tel qu’adopté ne comportant pas d’entrée en vigueur spécifique pour la modification du régime fiscal des bénéficiaires, celle-ci serait applicable aux cessions réalisées dès 2016 et plus généralement aux cessions ultérieures d’AGA attribuées en régime « Macron ». Cette mesure qui nous semble porter ainsi atteinte à des situations légalement acquises est critiquable sur le terrain constitutionnel.

Il serait ainsi notamment prévu de :

  • fiscaliser le gain d’acquisition dans la catégorie des traitements des salaires, et non plus des plus-values mobilières avec un abattement pour durée de détention puissant. Toutefois, une dérogation spécifique serait instaurée en faveur des AGA attribuées par les PME au sens du droit de l’UE n’ayant jamais distribué de dividendes (visées à l’article L. 137-13 du CSS). Dans ce cas, le régime des plus-values mobilières avec application des abattements pour durée de détention serait maintenu ;
  • en cohérence, appliquer la CSG/CRDS sur les traitements et salaires serait perçue sur le gain d’acquisition lorsqu’il est soumis au régime des traitements et salaires (prélèvement global de 8 % au lieu de 15,5 %) ;
  • rétablir le taux de la contribution patronale à 30 % alors qu’il est actuellement à 20 % (sans revenir sur l’exonération pour les PME au sens du droit de l’UE qui n’ont pas procédé à des distributions de dividendes). Toutefois, cette hausse ne concernerait que les AGA dont l’attribution serait autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi ;
  • maintenir la suppression de la contribution salariale de 10 % opérée en loi « Macron ».

On retiendra que cet amendement a été voté contre l’avis du Gouvernement qui proposait de maintenir le régime fiscal des AGA tel que prévu dans la loi Macron et seulement de modifier le régime social en vue de créer trois situations distinctes :

  • pas de changement dans les entreprises de moins de 250 salariés,
  • rétablissement du taux de 30 % de la contribution patronale dans les entreprises d’au moins 250 salariés sur les actions attribuées aux mandataires sociaux (présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués), et
  • maintien à 20 % pour les actions attribuées aux salariés, et si, dans ces mêmes entreprises, le montant des actions attribuées aux mandataires sociaux excède 10 % de la valeur totale des actions attribuées, la contribution patronale aurait été portée à 30 % sur l’ensemble des actions attribuées, y compris celles attribuées aux salariés.

Aussi, le débat n’est-il pas définitivement clos et pourrait rebondir en deuxième lecture. L’objectif commun des parlementaires et du Gouvernement est de pallier certains « excès » constatés depuis la mise en œuvre de la loi Macron s’agissant d’attributions massives accordées à des dirigeants du CAC 40.

Enfin, le Ministre a précisé que dans le PLFSS pour 2017, le Gouvernement présenterait une mesure afin de revenir sur la date à laquelle la contribution patronale est versée pour la rétablir à la date d’attribution.

Extension du « sur-amortissement » Macron à certains poids lourds (art. 7 bis nouveau)

Le sur-amortissement « Macron » déjà admis pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui fonctionnent exclusivement au moyen de l’énergie gaz naturel et biométhane carburant (CGI, art. 39 decies A, LF 2016), serait étendu aux poids lourds et véhicules utilitaires légers fonctionnant au carburant ED95 composé d’un minimum de 90,0 % d’alcool éthylique d’origine agricole.

Cession et transformation de locaux professionnels en logements (art. 7 septies)

Les plus-values de cession d’un local à usage de bureau ou à usage commercial réalisées par une personne morale soumise à l’IS bénéficient d’un taux réduit de 19 %, à la condition que la société cessionnaire s’engage à transformer le local acquis en local à usage d’habitation dans les trois ans qui suivent la date de clôture de l’exercice au cours duquel l’acquisition est intervenue (CGI, art. 210 F). Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende d’un montant égal à 25 % de la valeur de cession de l’immeuble.

Cet avantage serait étendu, pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2017, aux locaux à usage industriel.

Remarque

Cette mesure est limitée aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2017, aucune prorogation du dispositif lui-même n’étant pour l’heure envisagée par les parlementaires.

Prorogation du « crédit d’impôt cinéma international » (art. 7 nonies)

Le crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles étrangères dit « crédit d’impôt cinéma international » (CGI, art. 220 quaterdecies), qui devait venir à expiration au 31 décembre 2016, serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2019.

Report en avant des déficits et entreprises en difficulté (art. 7 sexies)

On sait que les déficits subis par les sociétés soumises à l’IS peuvent être reportés en avant sans limitation de durée. Toutefois, le déficit subi au cours d’un exercice est déduit du bénéfice réalisé au titre de l’exercice suivant dans la limite d’un montant de 1 M€, majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable de cet exercice qui excède 1 M€ (CGI, art. 209, I, al.3).

Remarque

S’il pouvait être incitatif accroître le plafond d’imputation des déficits de l’entreprise bienfaitrice, il serait contre-productif que l’entreprise bénéficiaire puisse se trouver en situation de payer de l’impôt du seul fait de l’aide qu’elle reçoit.

La part fixe d’imputation des déficits à hauteur de 1 M€ peut, de surcroît, être majorée du montant des abandons de créances consentis dans le cadre de certaines procédures collectives (CGI, art. 209,I, al. 4 ; BOI-IS-DEF-10-30, § 220).

Or, certaines sociétés consentant des abandons de créances à des entreprises en difficulté, se prévalaient, de l’« ambiguïté » du texte, pour réclamer également une augmentation du plafond d’imputation en leur faveur, à proportion des abandons consentis.

L’amendement adopté, présenté comme ayant un caractère interprétatif, a pour objet de clarifier la portée de cette disposition en précisant que cette majoration ne s’applique qu’aux entreprises bénéficiaires d’un abandon de créance et non pas à celles qui les consentent.

Suppression de l’exonération de certaines plus-values immobilières (art. 13)

Serait supprimée l’exonération de plus-value immobilière applicable au titre de la première cession d’un logement, autre que la résidence principale, sous condition de remploi, par le cédant, d’une fraction du prix de cession à l’acquisition ou à la construction d’un logement qu’il affecte à son habitation principale (CGI, art. 150 U II 1° bis).

Remarque

A défaut d’entrée en vigueur spécifique, cette mesure concernerait des plus-values déjà réalisées en 2016, ce qui nous semble critiquable sur le plan constitutionnel.

Mesures évoquées et non adoptées

Taxe de 3 % sur les distributions

Un amendement (rejeté) tendant à la suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués a fourni à Christian Eckert, Secrétaire d’Etat au Budget, l’occasion d’apporter des précisions bienvenues sur les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité de l’exonération intra-groupe intégré.

Il a ainsi indiqué que les aménagements prévus n’auraient pas d’effet rétroactif et que seuls les exercices commençant au 1er janvier 2017 seront concernés. Sur les aménagements eux-mêmes, une solution équilibrée serait actuellement recherchée en concertation avec les grands groupes et plusieurs options sont à l’étude. L’arbitrage sera révélé à l’occasion des discussions du PLFR 2016 (au plus tôt mi-novembre).

Prorogation du sur-amortissement Macron

Ont été rejetés, sur avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, plusieurs amendements visant à proroger jusqu’au 31 décembre 2017 le sur-amortissement de 40 % (CGI, art. 39 decies). Pour mémoire, ce dispositif a tout récemment été prorogé jusqu’au 14 avril 2017 par la loi pour une République numérique.

Photo de Patrick Fumenier
Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]