Cameroun : les principales mesures importantes de la loi de Finances pour 2025

La Loi n° 2024/013 du 23 décembre 2024 portant budget de l’État pour l’année 2025, apporte diverses modifications au Code Général des Impôts (CGI) camerounais. Nous vous proposons une analyse des mesures fiscales les plus significatives intéressant les personnes morales.

A lire également, les actualités fiscales des autres pays de l’Afrique francophone

Déductibilité des charges

Exclusion et limitation de la déduction de certaines dépenses

En principe, sous réserve des conventions internationales, sont admises comme charges déductibles, à condition qu’elles ne soient pas exagérées, les frais généraux de siège pour la part incombant aux opérations faites au Cameroun et les rémunérations de certains services effectifs (études, assistance technique, financière ou comptable) rendus aux entreprises camerounaises par les personnes physiques ou morales étrangères ou camerounaises.

La Loi de Finances pour 2025 exclut désormais de la déduction, les rémunérations versées hors de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) au titre des prestations de services comptables et fiscaux.

Par ailleurs, les commissions ou les courtages portant sur les marchandises achetées à l’étranger pour le compte des entreprises situées au Cameroun sont désormais déductibles dans la limite de 1 % (contre 5 % en 2024) du montant des achats.

Enfin, la Loi de Finances pour 2025 exclut de la déduction les charges justifiées par des factures qui ne comprennent pas les mentions obligatoires prévues à l’article 150 (5) du CGI, à l’exception des factures des fournisseurs étrangers.

Précision sur la non-déductibilité des charges liées aux transactions avec des personnes domiciliées ou établies dans un paradis fiscal

En principe, les charges et rémunérations de toutes natures, comptabilisées par une personne physique ou morale domiciliée ou établie au Cameroun et liées aux transactions avec des personnes physiques, ou morales, domiciliées, ou établies, dans un territoire, ou un État, considéré comme un paradis fiscal ne sont pas déductibles pour la détermination de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au Cameroun.

La Loi de Finances pour 2025 est venue préciser que les débours sont compris dans ces charges et ces rémunérations de toutes natures.

Règles de déduction des pertes liées aux créances irrécouvrables pour les établissements de crédit

En principe, sont déductibles du bénéfice les pertes relatives aux créances irrécouvrables ayant fait l’objet d’épuisement de l’ensemble des voies et des moyens de recouvrement amiable, ou forcé, prévus par l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’exécution.

La Loi de Finances pour 2025 prévoit que, pour les établissements de crédit, les pertes relatives aux créances douteuses d’un montant inférieur à 3 000 000 FCFA ayant fait l’objet de provisionnement sur une période minimale de 5 ans sont d’office admises en déduction, sans qu’il ne soit nécessaire de justifier de l’épuisement des procédures de recouvrement amiable, ou forcé, prévues par la réglementation en vigueur.

Règles de déduction des provisions liées aux créances et aux engagements douteux pour les établissements de crédit

Ne sont pas déductibles les provisions pour créances et engagements douteux des établissements de crédits et de microfinance lorsque lesdites provisions portent sur des crédits annuels cumulés au moins égal, ou supérieur, à 50 millions FCFA, accordés à une même entreprise, sur la base d’états financiers non certifiés par un commissaire aux comptes, conformément aux dispositions de l’article L. 6 ter du CGI.

Application d’un taux de droit commun d’IS en cas de fraude, pour les entreprises bénéficiant d’un taux réduit d’IS

La Loi de Finances pour 2025 prévoit la soumission aux taux de droit commun de l’IS, tels que définis aux articles 17 et 17 bis pour les redressements fiscaux effectués lors des contrôles dans les entreprises bénéficiant de taux réduits d’impôt en vertu d’un régime fiscal dérogatoire, ou spécifique, en cas de fraude, telle que visée aux article L. 107 et suivants du Livres des Procédures Fiscales (LPF), ou d’usage non conforme des facilités fiscales accordées dans le cadre de ces régimes.

La fraude, ou le manquement, aux obligations prévues par le régime fiscal dérogatoire, ou spécifique, en cause est obligatoirement constaté par un procès-verbal dressé et signé par les deux parties. Mention de l’éventuel refus de signer est faite sur ledit procès-verbal.

Nouvelle possibilité de bénéficier du régime réel sans considération du chiffre d’affaires

Sur dérogation expresse accordée par le Directeur Général des Impôts, les nouveaux contribuables justifiant d’un programme d’investissement dûment validé par l’administration fiscale, ou d’une commande dont le montant est supérieur à 100 millions FCFA, peuvent bénéficier du régime réel sans considération de leur chiffre d’affaires.

Taux d’imposition réduit pour certains dividendes

Les dividendes régulièrement distribués par les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel, hors taxe, est inférieur, ou égal, à 3 mds FCFA sont imposés au taux de 10 % (contre 15 % auparavant).

Date de paiement de la Branch Tax

Les sociétés étrangères disposant d’une succursale ou d’un établissement stable au Cameroun sont réputés mettre à disposition leurs bénéfices au siège dans les 9 mois suivant la clôture de l’exercice.

Liquidation et perception de la TVA applicable aux opérations portuaires

La TVA applicable aux opérations portuaires est automatiquement liquidée et reversée selon les modalités suivantes :

  • La TVA relative aux frais d’agence des consignataires et des agents maritimes, ainsi qu’aux frais portuaires, facturée par les intermédiaires, est liquidée par les autorités portuaires à travers leur système informatique lors du paiement des factures correspondantes et reversée auprès de leur centre des impôts de rattachement.
  • La TVA applicable aux honoraires des Commissionnaires Agréés en douane, ainsi qu’aux frais d’acconage, de manutention, de scanning, d’inspection, et de contrôle, est liquidée et reversée à travers le système informatique de l’administration des douanes lors de la validation de la déclaration en douane.

L’administration fiscale s’assure, conjointement avec les administrations et structures concernées, de l’effectivité de reversement de la TVA liquidée selon les modalités énoncées, conformément aux dispositions légales.

Les modalités d’application de la présente disposition sont précisées par un texte du Ministre en charge des finances.

Rationalisation du régime fiscal des marchés publics à financement extérieur ou conjoint

Les marchés publics à financement extérieur, ou conjoint, sont évalués et conclus TTC.

Les droits et les taxes sur les marchés à financement extérieur, ou conjoint, sont à la charge de l’adjudicataire à l’exception de la TVA qui est à la charge du maître d’ouvrage.

Toutefois, lorsque, pour un marché public à financement extérieur, ou conjoint, la convention de financement ne prévoit pas la prise en charge de la TVA, celle-ci est prise en charge par les fonds de contrepartie prévu dans le budget du maître d’ouvrage.

L’adjudicataire est tenu d’acquitter la TVA sur tous les biens et services intermédiaires nécessaires à la réalisation du projet.

La TVA acquittée par l’adjudicataire pour l’exécution des marchés à financement extérieur, ou conjoint, ouvre droit à récupération soit par imputation, soit par compensation ou par restitution.

La Loi de Finances pour 2025 prévoit l’application de ce nouveau régime fiscal à toutes les conventions de financement conclues à partir du 1er janvier 2025. En outre, les modalités de mise en œuvre seront précisées par une circulaire particulière.

Détermination de la base d’imposition de la Taxe Spéciale sur le Revenu (TSR) pour les opérations mixtes

Lorsque l’acquisition d’un bien implique l’intervention directe, ou indirecte, du fournisseur pour son installation, sa mise en service ou toute autre prestation nécessaire à son opérationnalisation (opération mixte), l’acquéreur est tenu de produire toute documentation probante – notamment le contrat, les factures d’achat, la documentation technique- permettant de distinguer le prix du bien de celui des prestations de services y afférentes.

En l’absence de cette précision le prix des prestations de services est réputé correspondre à 25 % de la valeur du bien, et la TSR y afférente est liquidée sur cette base.

Obligations déclaratives

Nouveau système de déclaration préremplie

La Loi de Finances pour 2025 étend le champ d’application de la déclaration préremplie. La déclaration préremplie notifiée par l’Administration au contribuable ne pouvait intervenir qu’en cas d’absence, d’insuffisance ou d’omissions manifeste dans les déclarations de ce dernier. Désormais, au moins 15 jours avant l’échéance du paiement d’un impôt, droit ou taxe l’administration fiscale peut, sur la base des informations en sa possession, transmettre par voie électronique une déclaration préremplie aux contribuables. Ce délai est porté à 30 jours pour les déclarations annuelles.

Ce dernier est tenu de la retourner à l’administration fiscale, via le système d’information dédié, dans les délais de déclaration fixés, après l’avoir, le cas échéant, validé, corrigé ou complété. L’administration fiscale conserve son droit de procéder à des contrôles et à des ajustements.

Sanction en cas de défaillance déclarative

La Loi de Finances pour 2025 prévoit la radiation d’office du fichier des contribuables de l’administration fiscale en cas de défaillance déclarative d’un contribuable sur une période de 3 années consécutives.

La radiation n’emporte pas extinction des dettes fiscales antérieures, ni des sanctions encourues pour les manquements constatés au cours de la période d’inactivité.

La radiation d’office du fichier des contribuables fait l’objet d’une notification au tribunal territorialement compétent aux fins de procéder la radiation du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM).

Mise en demeure de déclarer

Lorsqu’un contribuable s’abstient de souscrire sa déclaration dans les délais, il doit régulariser sa situation dans un délai de 7 jours suivant la mise en demeure de déclarer, envoyée par l’Administration.

La Loi de Finances pour 2025 précise que cette mise en demeure de déclarer peut-être notifiée par tout moyen de communication publique jugé approprié par l’administration fiscale notamment par voie de presse d’affichage public ou de diffusion sur un site internet dédié.

La Loi de Finances pour 2025 prévoit également qu’à défaut de régularisation et sans préjudice des sanctions susceptibles de s’appliquer, les bases d’imposition peuvent être déterminées d’office par l’administration fiscale.

Obligation d’annexer une attestation de certification des états financiers

La Loi de Finances pour 2025 prévoit, pour toute entreprise astreinte à l’obligation de certification de ses états financiers en application des dispositions de l’acte uniforme OHADA relatif aux droits des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique, une obligation d’annexer à sa déclaration statistique et fiscale une attestation de certification desdits états dûment délivrée par le commissaire aux comptes habilité.

Le non-respect de cette obligation entraîne l’application d’une amende de 50 millions FCFA, insusceptible de remise, sans préjudice de la responsabilité encourue par le commissaire aux comptes.

Réaménagement de certaines modalités de paiement des impôts

La Loi de Finances pour 2025 précise pour les entreprises relevant d’une unité de gestion spécialisée, notamment les structures en charge de la gestion des moyennes et des grandes entreprises, que les impôts, les droits, les taxes et les redevances dont le montant est supérieur à 100 000 FCFA doivent obligatoirement être acquittés par télépaiement (avant absence de seuil minimal). Ces entreprises pourront ainsi recourir aux autres modes de paiement pour les montants inférieur à 100 000 FCFA.

Contrôle fiscal

Vérification sur place des entreprises bénéficiant d’un régime fiscal dérogatoire

Lorsque les services fiscaux constatent des cas de fraudes ou de manquements aux avantages fiscaux concédés, ou un non-respect des engagements pris dans le cadre de l’agrément à un régime dérogatoire ou spécifique, la Loi de Finances pour 2025 prévoit la suspension immédiate desdits avantages et un rappel des droits sans préjudice des autres sanctions prévues par la réglementation en vigueur.

Suspension du délai d’un contrôle sur place

Le contrôle sur place lors d’une vérification de comptabilité a une durée limitée et déterminée. La Loi de Finances pour 2025 précise que la notification aux contribuables d’une demande de production de documents de ou renseignements suspend ces délais de contrôle à compter de la date de ladite notification. La computation des délais reprend soit à la date de présentation des documents ou des informations requis par l’Administration, soit à la date de constatation de la carence sur procès-verbal signé conjointement par l’Administration et le contribuable.

Assouplissement des conditions de dispense d’un contrôle fiscal

La Loi de Finances pour 2025 abaisse le taux de progression des impôts et des taxes à versement spontané permettant d’être dispensé du contrôle fiscal au titre d’un exercice fiscal à 20 % (au lieu de 25 % auparavant).

Extension de la solidarité de paiement en cas de cessions étrangères

Lorsque la cession des droits – portant sur des ressources naturelles, des actions ou des parts sociales, y compris du fonds de commerce -, d’une entreprise de droit camerounais est réalisée à l’étranger, l’entreprise de droit camerounais est solidaire avec le cédant du paiement des droits dus au titre de la cession.

La Loi de Finances pour 2025 précise que la solidarité de l’entreprise de droit camerounais comprend également ses succursales.

Extension de la solidarité de paiement en cas de fraude sur le NIU

Les impositions non acquittées, à l’occasion de l’usage frauduleux avéré d’un Numéro d’Identifiant Unique (NIU) dans le cadre de la réalisation d’opérations ou de transactions, sont solidairement dues par toutes les parties à cette opération ou à cette transaction.

Élargissement du seuil de compétence des autorités dans le cadre des réclamations contentieuses

La Loi de Finances pour 2025 précise que les compétences des autorités fiscales sont établies, à compter du 1er janvier 2025, selon le montant de la réclamation suivant :

  • le Chef de Centre Régional des Impôts territorialement compétent pour les réclamations d’un montant inférieur ou égal à 75 millions FCFA en principal ;
  • le Directeur en charge des grandes entreprises pour les réclamations n’excédant pas 200 millions FCFA en principal ; ou
  • le Directeur Général des Impôts pour les réclamations de montant supérieur aux seuils prévus pour les Centres Régionaux des impôts et la Direction en charge de la gestion des grandes entreprises.

Mesures sectorielles

Baisse des tarifs de la Taxe spéciale sur les produits pétroliers pour le gaz naturel à usage industriel

Les tarifs de la Taxe Spéciale sur les Produits Pétroliers sont de 50 FCFA par mètre cube pour le gaz naturel à usage industriel (contre 60 FCFA en 2024).

Innovation parafiscale

Introduction de frais de demande de dispense de transformation des succursales camerounaises des personnes physiques et morales étrangère de respectivement 5 millions FCFA (régime de droit commun) et 1 million FCFA (régime particulier) par demande ainsi que de pénalités de 250 000 FCFA de pour toute demande dispense ou de renouvellement introduite hors délais.

Innovation de la Loi sur la fiscalité locale

Institution des Centimes Additionnels Communaux (CAC) aux droits d’accises, à la Taxe Spéciale sur le Revenu et aux Droits d’enregistrement sur la commande publique au taux de 5 %.

Sandrine Soppo Priso

Sandrine est une Associée juridique et fiscale avec plus de 11 ans d’expérience. Elle sert des entreprises internationales et locales dans diverses industries. Sandrine assiste ses clients sur leurs problématiques […]

Desk Afrique Deloitte Société d’Avocats

Sous la responsabilité de Jean Bernardini et Souad El Halfi, le Desk Afrique est un point unique de contact avec tous les pays d’Afrique francophone, mais également anglophone et lusophone, […]