Le Conseil d’État a rendu une décision importante le 15 mai 2025 (n° 494887) concernant l’appréciation des délais accordés aux entreprises pour réaliser des traitements informatiques lors d’un contrôle fiscal. Cette décision illustre le pouvoir souverain des juges du fond dans l’évaluation de la suffisance du délai imparti par l’administration.
Contexte juridique
L’article L. 47 A II du Livre des Procédures Fiscales (LPF) prévoit trois options pour les contribuables face à une demande de traitements informatiques :
- Réalisation des travaux par l’administration sur le matériel de l’entreprise
- Réalisation par l’entreprise elle-même des extractions de fichiers et des traitements
- Transmission des extractions de fichiers au service vérificateur pour qu’il réalise les traitements du bureau
Les délais laissés à l’entreprise sont variables selon l’option choisie. L’option a) n’a pas de délai défini puisque c’est le vérificateur qui fait les extractions et les traitements sur le matériel de l’entreprise, l’administration ne se fixant pas ainsi des délais à elle-même. L’option c) est la plus contraignante puisque le délai pour remettre les données est un délai strict de 15 jours. L’option b) est ainsi la plus souple puisqu’aucun délai n’est fixé dans la loi, le temps laissé à l’entreprise pour la réalisation des traitements étant fixé par l’administration après qu’elle ait précisé par écrit les travaux à réaliser, au cas par cas, en fonction du dialogue avec l’entreprise et de la difficulté des traitements.
Enseignements de la décision
Dans cette affaire, une société avait choisi le 20 avril de réaliser elle-même les traitements. Le 27 avril, l’administration lui notifiait :
- Des résultats attendus pour le 17 mai (soit trois petites semaines)
- L’obligation de signaler rapidement toute difficulté
Si le détail et la complexité des traitements demandés n’est pas connu, le délai de trois semaines peut être considéré comme assez court.
La société remit ses résultats le 9 juin, soit trois semaines après l’échéance. Le Conseil d’État a validé la décision des juges du fond qui avaient estimé que :
- L’administration avait pris en compte les résultats transmis tardivement
- La société n’avait signalé aucune difficulté pendant la réalisation
- Le vérificateur avait demandé des compléments le 22 juin
Portée pratique et recommandations pour les contribuables
Cette décision confirme un principe essentiel, le pouvoir souverain des juges. En effet, l’appréciation de la suffisance du délai relève de l’examen concret des circonstances par les juges du fond lorsque ce délai n’est pas fixé par la loi.
Ainsi, il est fortement recommandé aux contribuables dans cette situation de maintenir le dialogue avec l’administration. La demande de traitements doit être discutée en amont, les difficultés et délais prévisionnels partagés avec les vérificateurs, et toute difficulté ou incompréhension dans la réalisation des traitements demandés doit être signalée immédiatement pour permettre un réajustement des délais.
Ces discussions seront de préférence confirmées par écrit pour en garder la trace.
En outre, le contribuable conserve la possibilité de changer d’option jusqu’à l’expiration du délai initialement fixé.
S’il est le plus souvent préférable de choisir l’option b comme une décision stratégique pour garder la main sur les traitements, il est cependant essentiel d’évaluer de manière réaliste les capacités techniques internes et les délais nécessaires pour extraire les données et réaliser les traitements. La réactivité des équipes en interne, l’assistance d’un prestataire, la disponibilité et la qualité des données, la complexité des traitements demandés, tous ces paramètres doivent être pris en compte.
Et surtout, cette décision renforce l’importance d’un dialogue constructif avec l’administration fiscale, où la formalisation écrite des difficultés et des demandes d’ajustement devient un élément clé de la défense du contribuable.