La clause anti-abus prévue à l’ancien article 119 ter 3 du CGI est contraire à la Directive mère-fille ainsi qu’à la liberté d’établissement (arrêt Holcim).
La CJUE vient de rendre sa décision dans l’affaire Holcim et juge que la clause anti-abus prévue à l’ancien article 119 ter 3 du CGI est contraire à la Directive mère-fille ainsi qu’à la liberté d’établissement. Cette clause va au-delà de ce qui est nécessaire pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
Au terme de ce dispositif (dividendes pré-2016), le bénéfice de l’exonération de la retenue à la source était refusé aux dividendes distribués par une filiale française à sa société mère résidente d’un autre État membre lorsque la société bénéficiaire était directement ou indirectement contrôlée par un résident d’État tiers. Une clause de sauvegarde était néanmoins prévue lorsque la société bénéficiaire justifiait que la chaîne de participations n’avait pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage de l’exonération.
Dans cette affaire, la CJUE a été saisie par le Conseil d’Etat de la question de savoir si lorsque la France fait application des dispositions antérieures de la Directive mère-filiales laissant aux Etats membres toute latitude pour appliquer leurs règles anti-abus de droit interne (en posant la présomption de l’article 119 ter 3 ancien), celles-ci peuvent faire obstacle, pour autant, à un examen au regard des libertés fondamentales (théorie de la Directive-écran). En cas de réponse négative, la conformité de l’article 119 ter 3 à ces libertés fondamentales était également posée, ainsi que le cas échéant, celle de la conformité à la clause anti-abus de la Directive elle-même.
La CJUE confirme que le contrôle de la conformité de la clause anti-abus de l’article 119 ter 3 s’effectue au regard de la DMF (dans son ancienne rédaction) comme à celui du droit primaire de l’UE. En l’espèce, la France invoquait comme justification, dans les deux cas, l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce dernier ayant la même portée dans les deux hypothèses, il est examiné selon la même grille de lecture par la Cour.
Ainsi, sur le fond, la CJUE considère que tant la liberté d’établissement, que la clause anti-abus prévue par la Directive elle-même, s’opposent à ce que soit instaurée une présomption générale de fraude et d’abus pour écarter l’application de la retenue à la source, lorsque la société mère est contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’États tiers.
Elle précise que la France ne peut se contenter d’appliquer des critères généraux prédéterminés mais qu’il doit être procédé à un examen individuel de l’ensemble de l’opération concernée. Exclure automatiquement une catégorie de contribuables de l’avantage fiscal sans que l’administration fiscale ne soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve ou d’indice de fraude fiscale excède ce qui est nécessaire pour lutter contre les abus de la DMF.
Si cette décision n’a plus qu’un intérêt contentieux, elle s’avérera néanmoins fort utile pour la défense des litiges en cours. Toutefois, sa portée ne doit pas être surestimée, les autres arguments invoqués par les services vérificateurs n’étant pas remis en cause par cet arrêt.
Par ailleurs, la France a procédé à une transposition littérale de la clause anti-abus générale prévue par la Directive mère-filiales, telle que modifiée par la Directive 2015/121/UE du 27 janvier 2015. Ainsi, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, sont exclus de l’exonération communautaire de retenue à la source les dividendes distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du régime, n’est pas authentique, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents.