Conseil d’État n° 470513, 4e-1re chambres réunies, 2 décembre 2024
Rappel des faits
Une salariée, embauchée en 2005, a été élue déléguée du personnel en 2006 puis représentante de section syndicale (RSS) en 2011. À la suite d’un arrêt de travail pour maladie de plusieurs mois, elle a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail le 3 juillet 2012.
L’employeur a donc demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de la licencier pour inaptitude, mais sa demande a été refusée le 30 octobre 2012, car il n’avait pas rempli son obligation de reclassement.
Il a alors formulé une nouvelle demande, également rejetée par l’inspecteur du travail le 8 novembre 2013 pour la même raison. Ce refus est confirmé le 7 mai 2014 par le ministre du travail saisi d’un recours hiérarchique. Mais le tribunal administratif a annulé, le 27 octobre 2016, les décisions de refus et a demandé à l’inspection du travail de réexaminer la demande d’autorisation de licencier la salariée, désormais dépourvue de son mandat syndical, mais toujours protégée au titre de ses nouvelles fonctions de conseillère du salarié exercées depuis 2015.
Le 23 décembre 2016, le réexamen de la demande a abouti à un nouveau refus, toujours pour le même motif.
Le 22 décembre 2017, l’inspecteur du travail autorise finalement le licenciement.
Mais le ministre du travail, saisi d’un recours hiérarchique, a annulé cette décision le 18 octobre 2018 et refusé d’accorder à l’employeur l’autorisation de licencier la salariée, au motif que l’inaptitude de celle-ci résultait d’une dégradation de son état de santé en lien direct avec les obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses mandats entre 2007 et 2011.
Néanmoins, le tribunal administratif a annulé cette la décision du ministre en indiquant que :
- les événements pris en compte par le ministre pour établir le lien entre le licenciement et le mandat s’étaient déroulés entre cinq et dix ans avant qu’il ne rende sa décision ;
- lors de cette période, la salariée occupait était titulaire d’un autre mandat.
La salariée interjette donc appel. La cour administrative d’appel confirme la décision du tribunal administratif. En effet, elle indique que même si le lien est établi entre l’inaptitude de la salariée et l’exercice de ses mandats, lequel a été rendu difficile par l’employeur entre 2007 et 2011, rien ne laisse penser que les atteintes subies à cette époque aient continué après 2011 et jusqu’à la date de la décision du ministre.
Rappel de la règle
L’article R. 2421-7 du Code du travail prévoit que, saisis d’une demande d’autorisation de licencier un salarié protégé, l’inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examine notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé.
Il faut également rappeler que la suspension du contrat de travail n’a pas pour effet de suspendre le mandat du salarié (Cass. crim. 25-5-1983 n° 82-91.538). En effet, l’exécution du contrat de travail et l’exécution du mandat sont indépendantes et c’est en ce sens que le salarié, même inapte, conserve ses fonctions représentatives.
Précision
Selon les articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail, lorsque à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.
Décision
Lorsqu’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé est présentée, l’administration ne vérifie pas la cause de cette inaptitude.
En revanche, elle doit déterminer si le licenciement est en relation avec les fonctions représentatives occupées par le salarié à la date de sa décision.
Notre avis
En tant qu’employeur, il est crucial de veiller à la santé de l’élu en respectant votre obligation de sécurité, en étant conscient du risque de non-autorisation de licenciement pour inaptitude.
Il est également important de prêter une attention particulière aux causes de l’inaptitude de l’élu en documentant toutes les circonstances entourant cette situation.
De plus, l’employeur se doit de de rester attentif aux événements postérieurs concernant l’élu, tels qu’un potentiel nouveau mandat ou la persistance des difficultés rencontrées.
Enfin, l’employeur doit soigneusement gérer les premières demandes d’autorisation de licenciement refusées en comprenant raisons du refus.