Immeubles et productions en cours

A défaut de pouvoir établir qu’ils constituent des stocks, les immeubles acquis pour la réalisation d’un projet immobilier et comptabilisés en productions en cours ne peuvent pas faire l’objet d’une provision pour dépréciation.

Alors que les stocks de marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables peuvent être évalués d’après le cours du jour et faire l’objet d’une provision lorsqu’il est inférieur à leur prix de revient (CGI, ann. III, art. 38 decies), les productions en cours, définies comme les biens ou les services en cours de formation au travers d’un processus de production (CGI, ann. III, art. 38 ter), doivent être évaluées à leur seul prix de revient, à la fois sur le plan comptable et sur le plan fiscal (CGI, ann. III, art. 38 nonies) et ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu’à une provision pour pertes (CE, 18 novembre 1983, n° 29395 et BOI-BIC-PDSTK-20-20-20, n° 1).

En l’espèce, pour la réalisation d’un projet immobilier à La Défense, une SNC avait acquis dès l’année de sa création un terrain et des immeubles qu’elle avait inscrits, ainsi que les frais financiers engagés pour leur acquisition, dans un compte « en cours de production de produits et de travaux ».

Cela étant, deux ans plus tard, comme suite au retard pris pour la réalisation de son projet, la SNC a entendu déduire une provision pour tenir compte d’une importante dépréciation du terrain et des immeubles qu’elle estimait correspondre au montant cumulé des frais financiers engagés depuis sa création.

Elle soutenait à cet effet, d’une part, que les immeubles en cause constituaient en définitive des stocks et non des travaux en cours dès lors qu’ils étaient utilisables et utilisés (locations en cours) et, d’autre part, qu’ils devaient être considérés comme des matières premières d’un processus de fabrication pour une société de promotion immobilière.

Confirmant la position des juges du fond (CAA Paris, 30 décembre 2016, n° 15PA04121), le Conseil d’Etat considère que les biens litigieux constituent des productions en cours, et confirme qu’ils doivent ainsi être évalués à leur prix de revient sans pouvoir faire l’objet d’une provision pour dépréciation, en s’appuyant sur le fait qu’à la clôture de l’exercice au titre duquel la provision a été constituée, la SNC n’avait pas renoncé à l’opération immobilière initialement projetée, pour laquelle elle avait été spécialement constituée, et qu’elle n’entendait pas revendre les terrains en l’état. La circonstance que la société ait déposé des demandes de permis de démolir les bâtiments existants et des dossiers de demande de permis de construire à cette date a été regardée comme déterminante contrairement au fait qu’elle ne les ait pas encore obtenus et que les immeubles soient encore occupés par leurs locataires à la clôture de l’exercice.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]