Pas de prise en compte de l’abattement fiscal de 40 % sur les dividendes pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales applicables aux travailleurs indépendants

La Cour de cassation juge qu’il ne doit pas être tenu compte, pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales applicable aux travailleurs indépendants non agricoles, de l’abattement fiscal de 40 % applicable aux dividendes.

Rappel

L’abattement de 40 % sur les dividendes

Les revenus mobiliers (dividendes et intérêts notamment) reçus par des personnes physiques domiciliées en France sont, par principe, soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU), également appelé « flat tax », au taux global de 30 % (12,8 % auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %).

Le contribuable a toutefois la faculté, sur option expresse et irrévocable, de soumettre l’ensemble de ces revenus au barème progressif de l’IR (CGI, art. 200 A,2). Dans ce cas, il lui est possible de bénéficier, le cas échéant, d’un abattement de 40 % sur le montant brut des dividendes, prévu à l’article 158 du CGI.

L’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants non agricoles

Par application des dispositions de l’article L. 131-6 du CSS (alors en vigueur), l’assiette des cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants est déterminée à partir de leur revenu professionnel, tel qu’il est retenu pour l’impôt sur le revenu, sous réserve d’une série de retraitements, listés par la loi, après déduction notamment des « exonérations fiscales ».

Dans ce contexte, se posait, de longue date, la question de savoir si l’abattement fiscal de 40 % sur les dividendes devait être retenu pour la détermination de l’assiette de ces cotisations sociales, ou s’il convenait, au contraire, d’en faire abstraction, cet abattement n’étant pas expressément visé par la lettre de l’article L. 131-6 du CSS.

L’Administration s’est prononcée, à plusieurs reprises, en faveur de la prise en compte des dividendes pour leur montant intégral pour la détermination des cotisations sociales – i.e. sans abattement (notamment, Circ. Acoss 2013-19 du 28 mars 2013).

Cette position a été contestée à plusieurs reprises, avant que la Cour de cassation ne soit amenée à se prononcer pour la 1re fois.

La décision de la Cour de cassation

Sur des faits datant de 2017, la Cour de cassation fait sienne la position défendue par l’Administration, en jugeant que, selon les dispositions de l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale « le revenu professionnel pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants non agricoles est celui retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, avant application des déductions, abattements et exonérations mentionnées aux dispositions du CGI qu’il énumère ».

Aussi elle confirme l’absence de prise en compte de l’abattement fiscal de 40 % applicable aux dividendes.

Cette décision interpelle, en ce que les abattements ne sont précisément pas visés par les dispositions de l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale et on peut donc formuler 2 observations à ce stade.

D’abord, cette décision s’inscrit dans la récente mouvance jurisprudentielle de la Cour de cassation, en ce qu’elle semble faire primer la référence au revenu professionnel plutôt que les règles fiscales (notamment, Cass. Civ., 19 octobre 2023, n°21-20.366, dans le cadre de laquelle il a été jugé que les dividendes perçus par un travailleur indépendant via une société interposée, par la société où il exerce son activité professionnelle, entrent dans l’assiette de ses cotisations sociales).

Ensuite, rappelons que la LFSS 2024 est venue réformer en profondeur les modalités de détermination de l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants définie par l’article L. 131-6 du CSS. Celle-ci sera, à compter du 1er janvier 2025, déterminée à partir de celle de la CSG et de la CRDS (sans renvoi à l’assiette fiscale).

L’avis des praticiens : Nicolas Meurant et Marion Zirah

Osons cependant rappeler que l’assujettissement de revenus d’investissement à charges sociales est une incongruité qui mériterait de s’assurer que la somme des prélèvements obligatoires assis sur ces revenus ne devienne pas confiscatoire !

Nicolas Meurant

Nicolas Meurant, Avocat Associé, a plus de 23 années d’expérience de conseil aux sociétés et aux particuliers dans un environnement international. Il a développé une solide compétence en matière de […]

Marion Zirah

Avocat fiscal travaillant dans l’équipe GES Global Rewards au bureau du Deloitte Société d’Avocats Paris.