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Rachat de titres par une société : le Conseil d’État clarifie le régime fiscal applicable aux sommes perçues par des associés personnes physiques

Le Conseil d’État vient préciser que les sommes perçues par les associés personnes physiques lors du rachat de leurs titres par une société sont taxables en tant que plus-values, en application de l’article 112, 6° du CGI, et ce, quel que soit le motif du rachat.

Rappel

Dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2015, le 6° de l’article 112 du CGI écarte la qualification de revenu distribué pour l’ensemble des « sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions », sans distinguer la qualité de l’attributaire des titres. Ces sommes ou valeurs relèvent du régime d’imposition des plus-values (CGI, art. 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB, selon le cas).

Cette rédaction, introduite par la loi de finances rectificative pour 2014, résulte de la censure par le Conseil constitutionnel de la distinction qu’opérait précédemment le 6° de l’article 112 du CGI en écartant la qualification de revenus distribués pour les seuls rachats de titres réalisés pour leur attribution aux salariés ou dirigeants (C.com., art. L. 225-208 et L. 225-209 à L. 225-212).

Depuis cette même date, le 1° de l’article 112 du CGI prévoit que les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d’apports ou de primes d’émission ne sont pas considérées comme des revenus distribués, sous réserve que les bénéfices et les réserves, autres que la réserve légale, aient été auparavant répartis. Il s’agit ici d’un dispositif de non-imposition.

Histoire et rappel de la procédure

Une société a procédé en 2016 à une réduction de capital par voie de rachat de ses propres titres, suivie de leur annulation immédiate. Comptablement, le prix de rachat a été imputé, d’une part, sur le capital social, d’autre part, sur un compte de réserves distribuables. Fiscalement, la société a considéré que ce rachat relevait du régime fiscal des plus-values sur cession de titres (CGI, art. 112, 6°).

L’administration fiscale a qualifié les sommes versées aux associés sortants de revenus distribués (CGI, art. 109, 1) et les a assujetties au prélèvement forfaitaire non libératoire au taux de 21 % (CGI, art. 117 quater) et aux prélèvements sociaux au titre de l’exercice clos en 2016.

La CAA de Bordeaux a confirmé l’imposition en RCM (CAA Bordeaux, 16 avril 2024, n°22BX01822). Elle a considéré que la réduction de capital non motivée par des pertes s’était traduite par une répartition, au profit des associés, de sommes qui, eu égard à la finalité de l’opération, relevaient du régime fiscal du 1°, et non du 6°, de l’article 112. Certaines sommes ayant été prélevées sur des réserves non réparties auparavant constituaient des revenus distribués.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État relève l’erreur de droit commise par la CAA de Bordeaux pour avoir jugé que les répartitions en litige présentaient le caractère de revenus distribués en application de l’article 112, 1° du CGI, en se fondant sur le motif du rachat (la réduction de capital non motivée par des pertes) et sur la circonstance que ce rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale (autrement dit, sans répartition préalable des réserves).

Or, le Conseil d’État juge ces deux critères – motif et circonstance du rachat – inopérants pour définir le régime d’imposition du rachat. Seule la nature juridique de l’opération commande le régime d’imposition applicable.

En cas de rachat de parts ou actions, en application du 6 de l’article 112, le régime d’imposition qui seul s’applique est celui des plus-values.     

  • Béatrice Hingand

    Associée, Béatrice Hingand développe son expertise au sein du Comité scientifique fiscal, renforce l’éminence Deloitte et les liens avec l’administration.…