Réforme du droit des OPC : une simplification et modernisation bienvenue du cadre juridique

Publié au Journal officiel du 12 mars 2025, l’ordonnance n° 2025-230 constitue une étape importante dans l’évolution du droit applicable aux Organismes de Placement Collectif (OPC). Prise sur habilitation de l’article 22 de la loi n°2024-537 du 13 juin 2024 dite « loi Attractivité », elle répond à une volonté claire : simplifier, harmoniser et moderniser un droit technique.

Le sujet est loin d’être marginal : en France, les OPC non monétaires représentent 1 606 mds€ d’encours, tandis que les OPC monétaires atteignent, quant à eux, 410 mds€ (Banque de France, T3 2024). L’enjeu est donc également économique.

Une réforme inspirée des travaux du HCJP

L’Ordonnance tient compte notamment des résultats de deux rapports publiés par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) : d’une part, le rapport du 3 décembre 2021 sur le droit des fonds et le droit des sociétés ; et, d’autre part, le rapport d’octobre 2023 sur la liquidation des fonds en situations spéciales.

Ces études soulignent les difficultés d’interprétation et les lourdeurs administratives issues de l’interaction entre :

  • le droit des sociétés issu du code de commerce ; et
  • le droit spécial des fonds d’investissement sous forme de sociétés commerciales, issu notamment du code code monétaire et financier.

Afin d’y remédier, l’Ordonnance vise donc principalement à :

  • harmoniser les règles applicables aux sociétés de gestion ;
  • moderniser la gouvernance et les procédures de gestion des OPC ; et
  • simplifier les formalités et la réglementation encadrant la fin de vie des OPC.

Harmoniser les règles relatives à la vie sociale, à la gouvernance et aux opérations des OPC

Le premier volet vise à harmoniser les règles relatives à la vie sociale, à la gouvernance et aux opérations des OPC. Il introduit plusieurs mesures destinées à moderniser l’organisation de la vie sociale des OPC, notamment en facilitant la dématérialisation de la gouvernance (réunions, assemblées générales et documentation). Ce texte national, à cet égard, s’inscrit pleinement dans le sillon de la directive (UE) 2025/25 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2024, adoptée le 16 décembre 2024, visant l’extension et l’amélioration de l’utilisation des outils et des processus numériques dans le domaine du droit des sociétés.

Des dispositions sont également adoptées pour simplifier la tenue des assemblées, ajuster les calendriers de publication des comptes et des distributions de dividendes, et, en particulier, clarifier des notions essentielles relatives au capital ou aux sommes distribuables.

Par ailleurs, l’Ordonnance réforme la gouvernance de certains OPC en encadrant la composition de leurs instances dirigeantes (le nombre minimal d’associés dans les conseils de surveillance de SCPI et de sociétés d’épargne forestière est réduit de 7 à 3, tandis que les SPPICAV constituées sous la forme d’une SAS doivent être présidées par une société de gestion) et en généralisant le recours à la visioconférence pour leurs réunions.

S’agissant des Sociétés d’Investissement à Capital Variable (SICAV) à compartiments, l’Ordonnance introduit de nouvelles règles de gouvernance qui s’appliquent également aux Sociétés à Prépondérance Immobilière à Capital Variable (SPPICAV) compartimentées et aux sociétés de titrisation. Elle permet dorénavant aux dirigeants de prendre des décisions de fusion ou de scission aboutissant à la création d’un compartiment, sans avoir à consulter les actionnaires. En outre, les statuts pourront énoncer que les résolutions affectant uniquement les actionnaires d’un compartiment ne soient soumises qu’à l’approbation des intéressés lors d’assemblées générales ordinaires. Enfin, les décisions portant sur la fusion, la scission, la transformation, la dissolution ou la liquidation d’un compartiment, sans impact pour les autres, pourront être prises en assemblée générale extraordinaire des actionnaires dudit compartiment, sans consultation des autres actionnaires du fonds.

Moderniser les formalités et la réglementation encadrant la fin de vie des OPC

Le second volet concerne la liquidation des fonds d’investissement en situations spéciales. Là encore, il s’agit de clarifier le droit applicable, ici en précisant les notions de dissolution et de liquidation des OPC, ainsi que les causes pouvant entraîner leur mise en liquidation.

C’est ainsi qu’une procédure de liquidation administrative est instaurée, suivant les recommandations du rapport précité du HCJP de 2023. Cette procédure permet à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) de désigner un liquidateur, à qui sont transférés tous les pouvoirs d’administration, de direction et de représentation de l’organisme de placement collectif. La liquidation peut être déclenchée à la demande des dirigeants de la société de gestion, du liquidateur désigné dans les documents constitutifs de l’OPC, ou même à l’initiative de l’AMF en cas de défaillance des dirigeants de l’OPC. Toutefois, il faut relever que l’Ordonnance ne définit pas précisément la notion de défaillance, laissant à l’AMF une certaine latitude d’interprétation, qu’elle devrait préciser ultérieurement sous peine d’incertitudes d’application du nouveau régime.

L’introduction de cette procédure administrative marque une avancée majeure, le droit commun des procédures collectives étant inadapté aux spécificités des OPC. Elle vise concrètement à assurer un traitement plus rapide, efficace et pragmatique des liquidations, tout en préservant la possibilité d’une liquidation judiciaire. Un tiers intéressé pourra, en effet, toujours saisir la justice pour demander la désignation d’un liquidateur si la société de gestion ne s’acquitte pas de cette obligation.

La désignation du liquidateur à l’initiative de l’AMF ne peut intervenir qu’à l’issue d’une procédure contradictoire avec les organes de direction de l’OPC ou de sa société de gestion. Toutefois, en cas d’urgence ou de disparition de ces organes, l’AMF pourra procéder directement à la nomination d’un liquidateur, la procédure contradictoire intervenant alors a posteriori, pour confirmer la décision.

Enfin, des adaptations spécifiques ont été prévues pour les territoires d’outre-mer afin de tenir compte de leurs particularités réglementaires et économiques.

Conclusion

Par son ambition et sa rigueur, l’Ordonnance du 12 mars 2025 apporte certaines réponses aux acteurs d’un secteur en constante évolution. Elle contribue ainsi à une meilleure lisibilité du droit applicable aux OPC, renforce la sécurité juridique des acteurs, et modernise la gouvernance en l’adaptant notamment aux usages numériques. En cela, elle constitue une avancée bienvenue pour la compétitivité de la place financière de Paris.

Thibault Jézéquel

Thibault Jézéquel, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe de droit des affaires du cabinet. Il est spécialiste en réglementation bancaire et financière. À ce titre, il accompagne […]

Photo d'Arnaud Raynouard
Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]

Dario Laurino

Dario est avocat au sein de l’équipe Services Financiers.