Vers une uniformisation des législations au niveau européen pour sécuriser la fiscalité des transactions qui se feront sur les plateformes d’échange de cryptomonnaies
Après l’entrée en vigueur le 29 juin 2023 du règlement MiCA (Market in Crypto Assets), le Parlement de l’Union européenne (UE) a adopté le 13 septembre 2023 la directive DAC8 lors de sa session plénière qui s’est tenue à Strasbourg. Cette directive, qui a pour objet de favoriser la coopération administrative dans le domaine fiscal afin de réduire la fraude et l’évasion fiscale, vient renforcer l’arsenal juridique des textes impactant déjà les échanges de cryptomonnaies, notamment le règlement MiCA et les textes relatifs à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Une directive axée sur la gestion et la déclaration des crypto-actifs au sein de l’Union
Il convient de souligner tout d’abord que cette directive reprend les définitions incluses dans MiCA.
Conformément à cette nouvelle directive, toutes les opérations impliquant des crypto-actifs doivent être déclarées.
Cela inclut :
- les transactions crypto/fiat
- les transactions crypto/crypto
- les transferts de cryptomonnaie
La déclaration comportera les détails des parties impliquées dans la transaction crypto ainsi que des informations sur les actifs cryptographiques utilisés. Il faudra transmettre ces données avant le 31 janvier de l’année N+1 pour les transactions de l’année N.
La France et les autres Etats membres auront jusqu’au 31 décembre 2025 pour mettre en œuvre ces règles avant qu’elles n’entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
Ainsi les premiers rapports et déclarations seront collectés à partir de janvier 2027.
Rappel de l’imposition des crypto-actifs avant la Directive DAC8
Les détenteurs de crypto-monnaies doivent chaque année au moment du dépôt de leur déclaration des revenus déclarer aux autorités fiscales françaises leurs plus-values en euros. Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, les plus-values qui dépassent 305 € par an sont soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30 %, soit 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvement sociaux additionnels.
Cela est valable dès lors que le contribuable déclare les plus-values liées aux crypto-actifs. Il n’y avait pas jusqu’à aujourd’hui d’obligation pour les plateformes d’échanges de crypto-monnaies de donner ces informations sur leurs clients sauf en cas de financement du terrorisme ou de blanchiment d’argent.
Conséquences administratives et fiscales de la directive DAC8 pour le contribuable en France
En amont de la directive européenne DAC8, l’OCDE avait publié le 10 octobre 2022, un nouveau cadre mondial de transparence fiscale pour la déclaration et l’échange automatique d’informations concernant les crypto-actifs, appelé Crypto Asset Reporting Framework (CARF) ou Cadre de Déclaration des Crypto-Actifs. La mise en œuvre du CARF est prévue dans les prochains mois et au plus tard en 2025.
L’objectif est d’imposer des obligations de déclaration à l’ensemble des Crypto Asset Service Provider (les CASP) qui sont définis comme « toute personne ou entité qui, dans le cadre de son activité, fournit des services d’échange, pour ou au nom de ses clients, y compris en agissant en tant que partie ou intermédiaire dans des transactions, ou en fournissant une plateforme d’échange ».
Le CARF garanti la transparence des transactions employant des crypto-actifs, par l’échange automatique des informations avec les juridictions de résidence des contribuables des Etats signataires, sur une base annuelle et de manière standardisée.
Les CASP devront déclarer aux autorités fiscales de leur juridiction chaque année :
- les informations concernant l’identité de leurs clients ainsi que les bénéficiaires des transactions
- les informations sur la nature de la transaction (date, montant, type de crypto-actif, etc.)
Les informations compilées par les CASP seront automatiquement communiquées aux Etats signataires qui adopteront ces mesures. Il est également prévu des mesures de vérification notamment quant à la résidence fiscale des contribuables et la cohérence des informations transmises.
L’UE vient renforcer ces obligations déclaratives pour les CASP avec l’arrivée de la directive DAC8.
Dès janvier 2026, les CASP auront ainsi pour obligation d’envoyer toute information liée à une transaction en crypto-actifs, aussi bien sur la transaction en elle-même que sur les parties à la transaction.
Ainsi, les CASP devront communiquer de nombreuses informations sur leurs utilisateurs :
- nom, adresse, Etat membre, numéro d’identification fiscale, date et lieu de naissance pour les personnes impliquées dans une opération en crypto-actifs
- informations relatives aux crypto-actifs inclus dans l’opération : valeur, nombre de transactions effectuées sur l’année que cela soit crypto-crypto ou crypto-fiat (monnaie fiat qui peut être le dollar ou l’euro).
Seront également concernés une grande catégorie d’actifs digitaux comme les Stablecoins, les jetons de monnaie électronique et certains NFT (jetons non fongibles).
L’avis de nos experts
L’UE renforce sa surveillance à l’égard de l’écosystème des crypto-monnaies afin d’éviter les lacunes qui ont permis de contourner l’imposition des revenus.
Cette directive va dans le sens du législateur français qui a prévu un certain nombre de dispositions spécifiques qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023 et notamment l’obligation pour les plateformes d’échanges d’informer le contribuable, à l’occasion de chaque transaction, de ses obligations fiscales, mais également de transmettre annuellement, par voie électronique, un document récapitulatif mentionnant notamment le nombre et le montant brut des transactions (article 242 bis mod et 1649 ter A et s) sous peines d’amendes codifiées à l’article 1736 III et XI mod du Code Général des Impôts.
La directive va plus loin en demandant que les plateformes transmettent les informations liées aux transactions aux autorités fiscales des membres de l’Union européenne.
Grâce à cette directive, le Parlement de l’Union européenne renforce la sécurisation des transactions sur les plateformes d’échange de crypto-monnaies.
Cela devrait permettre une uniformisation du flux d’information entre les pays et une réduction du risque que les crypto-actifs soient utilisés pour l’évasion et la fraude fiscale au moment notamment du dépôt des déclarations des revenus.
Cette directive fait sens également si l’on regarde le dernier rapport Tracfin de l’année 2022, publié le 10 octobre 2023, qui souligne que parmi les tendances observées, figure notamment le recours croissant aux crypto-actifs. Ces derniers sont utilisés aussi bien pour le blanchiment de fonds issus d’activités criminelles (attaque par rançongiciel, par exemple) que dans des circuits de fraude fiscale (via des NFT, par exemple) ou de financement du terrorisme.
Il restera à savoir comment concrètement l’administration fiscale française recevra ces informations liées aux transactions des plateformes européennes.
Ces dispositions sont valables pour les transactions qui se feront sur des plateformes d’échanges mais pas pour les transactions de « pair à pair », ou transactions d’une personne à une autre. Il reste donc encore des failles sur lesquelles le législateur français et l’Union européenne devront travailler dans les prochains mois afin de permettre l’imposition des plus-values générées lors de transactions dans la crypto-sphère.