Documents obtenus de tiers : Un assouplissement de l’obligation de communication de l’Administration ?

Le Conseil d’État juge que la méconnaissance par l’Administration de son obligation de communication des documents obtenus de tiers en application de l’article L. 76 B du LPF peut être purgée si le contribuable a effectivement eu accès, avant la mise en recouvrement des impositions, à ces mêmes documents.

Rappel

En cas de recours à des documents obtenus auprès de tiers, en application de l’article L. 76 B du LPF, l’Administration est tenue :

  • d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers, sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition ;
  • de communiquer, sur demande du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu’elle a ainsi invoqués.

Le non-respect par l’Administration de l’une ou l’autre des garanties prévues par l’article L. 76 B du LPF, qui sont attachées au respect des droits de la défense dans le cadre des opérations de contrôle, constitue une erreur substantielle qui entache la procédure d’irrégularité et entraîne la décharge des impositions fondées sur l’utilisation de ces renseignements et documents (BOI-CF-PGR-30-10-20191030 n°210).

Il n’en va, en principe, autrement, que dans le cas d’informations librement accessibles au public (notamment, CE, 30 mai 2012, n°345418, Sté Aficom, ou encore CE, 28 juillet 2017, n°392386,).

L’histoire

De manière concomitante, un contribuable a été soumis à un contrôle fiscal et à une procédure pénale.

Dans ce contexte, l’Administration a fait jouer, auprès de l’autorité judiciaire, son droit de communication. Elle a ainsi obtenu les pièces de la procédure pénale, qu’elle a ensuite utilisées pour fonder son redressement.

Elle en a avisé le contribuable dans le cadre des propositions de rectification qui lui ont été adressées. Ce dernier a demandé à obtenir communication de ces pièces, en application des dispositions de l’article L. 76 B du LPF.

L’Administration n’a pas fait droit à cette demande. En revanche, peu de temps après, le contribuable a eu accès aux pièces du dossier de la procédure pénale, en application des dispositions de l’article 388-4 du Code de procédure pénale, eu égard à sa qualité de prévenu renvoyé pour être jugé devant le tribunal correctionnel.

Il a néanmoins contesté la régularité de la procédure d’imposition, arguant que l’Administration ne s’était pas conformée à son obligation de communication.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État rappelle d’abord, en application d’une jurisprudence bien établie, que lorsque le contribuable lui en fait la demande, l’Administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu’il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d’en vérifier l’authenticité ou d’en discuter la teneur ou la portée.

Il ménage toutefois une nouvelle dérogation à ce principe.

Le Conseil d’État juge ainsi que la méconnaissance par l’Administration, de cette obligation, demeure toutefois sans conséquence sur la régularité de la procédure d’imposition, s’il est établi que le contribuable, après avoir formulé cette demande et avant la mise en recouvrement des impositions, a effectivement eu accès à ces mêmes documents.

Rappelons que le Conseil d’État avait déjà assoupli la portée de l’obligation de communication dans l’hypothèse de documents et renseignements directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu’à l’Administration, à la date de la demande de communication (CE, 27 juin 2019, n°421373).