Lapeyre, Wolters Kluwer, Xerox, …
Les deux dernières années ont été marquées par des contentieux d’un nouveau genre, caractérisés par l’irruption du juge civil dans la détermination des prix de transfert et du résultat fiscal des contribuables. Dans ces trois affaires, les syndicats représentants les salariés de l’entreprise ont, en effet, sollicité le juge civil pour contester le calcul de la réserve de participation, faisant valoir que le résultat fiscal de leur société – qui constitue la base de calcul du droit à participation des salariés – n’était pas représentatif des résultats économiques réels de leur employeur.
Ainsi, dans l’affaire Lapeyre, les syndicats reprochaient à Lapeyre d’avoir organisé un transfert des bénéfices vers deux sociétés holding du groupe n’ayant aucun salarié, dans le but de minorer les résultats des entités opérationnelles comptant l’essentiel des effectifs et, par là-même, de priver les salariés du groupe de participation. Ils demandaient, par conséquent, au TGI de Nanterre de recalculer la participation due aux salariés en se plaçant au niveau du groupe, et non pas individuellement au niveau de chaque entité juridique, afin d’indemniser les employés des préjudices causés en termes de participation par l’organisation structurelle et économique du groupe.
Dans l’affaire Wolters Kluwer, les syndicats considéraient que l’opération de restructuration conduite par leur employeur empêchait tout versement de participation aux salariés, du fait de la souscription d’un emprunt intragroupe endettant fortement la société. La Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 13 juin 2017, n°15/01292) a déclaré bien fondée l’action intentée par les syndicats et estimé que l’opération de restructuration contestée était constitutive d’une manœuvre frauduleuse. L’affaire a alors fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Enfin, dans l’affaire Xerox, c’était le schéma de commissionnaire adopté par la société qui était critiqué par les organisations syndicales. Ces dernières demandaient à ce que soit déterminé le montant de participation qui aurait été dû aux salariés depuis mars 2006, si la société était restée un distributeur et n’avait pas adopté le statut de commissionnaire. La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 8 septembre 2016, n°14/17467) ayant accédé aux demandes des syndicats, un recours en cassation a été formé.
Dans ce contexte, la solution proposée par la Cour de cassation pour résoudre ces contentieux de participation était particulièrement attendue. Le 28 février 2018, cette dernière a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles relatif à l’affaire Wolters Kluwer en estimant que : « le montant de la réserve spéciale de participation ne peut être remis en cause par le juge judiciaire lorsque ce montant a été certifié par une attestation du CAC, y compris en cas de fraude invoquée par des syndicats » (Cass. soc., 28 février 2018, n°16-50.015).
Cette décision vient renforcer le jugement du 26 décembre 2017 du TGI de Nanterre dans l’affaire Lapeyre, selon lequel :
Les agissements fautifs – s’ils existent, et sans qu’il y ait lieu de les examiner – ne peuvent avoir pour effet de modifier le cadre de référence légal et amener à calculer la participation à laquelle peut prétendre un périmètre autre.
Cet arrêt de la Cour de cassation ressemble fort à un arrêt de principe, et vient donc mettre fin au risque de discussion des prix de transfert devant le juge judiciaire. Indirectement, l’arrêt réaffirme le fait que cette question reste et demeure l’apanage du juge administratif, au travers du droit de contrôle de l’administration fiscale.