Cet article a été publié dans Option Finance, Option & Droit des Affaires, et est reproduit sur ce blog avec autorisation de l’éditeur. Pour retrouver l’article d’origine, cliquer ici.
L’Union européenne a adopté le 23 octobre 2018 IFRIC 23. Cette interprétation est obligatoire à partir du 1er janvier 2019 mais une application anticipée pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2018 est possible.
Cette interprétation de la norme IAS 12, publiée en juin 2017 par l’IASB, clarifie les principes à appliquer en matière de comptabilisation et d’évaluation des actifs et passifs fiscaux lorsqu’il existe une incertitude quant aux traitements fiscaux retenus en matière d’impôt sur le résultat.
Quels sont les principaux changements apportés par cette interprétation ?
En l’absence de dispositions spécifiques sur la manière de refléter dans les comptes l’incertitude liée aux traitements fiscaux, les pratiques des groupes en matière de comptabilisation et d’évaluation des risques fiscaux ont pu être diverses et c’est bien pour cela que l’IASB s’est penché sur le sujet.
Les changements opérés sont de plusieurs ordres :
- comptabilisation des actifs et passifs fiscaux : le principe comptable retenu repose sur la probabilité, au sens IAS 12 «plus probable qu’improbable» de paiement du passif ou de remboursement de l’actif
- risque de détection : l’identification des risques doit être menée en considérant que l’administration fiscale déclenche un contrôle et dispose de l’exhaustivité des informations disponibles. Cela devrait mécaniquement induire une hausse des provisions
- unité de compte : l’appréhension des risques fiscaux doit se faire au niveau de chaque juridiction fiscale en analysant les risques individuellement ou de manière groupée
- évaluation : elle résulte de la meilleure estimation possible entre le montant le plus probable ou la moyenne pondérée des scénarios possibles en fonction des faits et circonstances
IFRIC 23 : enjeux et opportunités pour les groupes
Cette nouvelle interprétation concernant les risques fiscaux s’inscrit dans un environnement plus global où l’impôt fait l’objet d’une attention quotidienne et accrue dans le cadre d’une recherche de transparence totale. Les dernières années ont connu des évolutions réglementaires sur le même thème, ces textes font écho aux attentes croissantes des parties prenantes, alors même qu’elles ne sont pas identiques. Quoi qu’il en soit, les entreprises subissent de plus en plus de pression pour communiquer davantage sur leur contribution aux ressources des Etats.
Les clarifications apportées par IFRIC 23 vont nécessairement induire un certain nombre de changements, en premier lieu d’ordre comptable avec un impact potentiel dans les comptes, en résultat et/ou en capitaux propres. En effet, le texte prévoit qu’il est possible de comptabiliser l’effet cumulatif de l’application initiale en ajustement du solde d’ouverture des résultats non distribués. L’AMF note que cela va nécessiter des travaux de la part des sociétés avec des impacts potentiellement significatifs.
IFRIC 23 devient donc l’opportunité de mettre en place une gestion proactive des risques fiscaux. Les positions fiscales incertaines peuvent être classées en deux catégories, qui ne nécessitent pas les mêmes plans d’actions :
- risques techniques : ce sont des positions techniques spécifiques prises par l’entreprise et qui peuvent être remises en cause par l’administration fiscale. Ces risques sont donc connus et documentés. Il convient de les suivre et les évaluer (coûts/ bénéfices)
- risques opérationnels : ce sont des régimes spécifiques, processus ou positions locales erronés, changement de législation ou de business qui peuvent conduire à subir des risques non détectés. Ces risques sont généralement non identifiés jusqu’au contrôle fiscal et ne sont donc pas provisionnés ; ils nécessitent la mise en place de procédures (questionnaires) pour leur identification et leur remédiation
Outre l’environnement normatif, c’est l’ensemble de la gestion fiscale des entreprises qui est en mutation profonde (attentes internes et externes avec de nouveaux intervenants comme les ONG ou encore une opinion publique toujours prompte à se pencher sur la citoyenneté fiscale de nos grandes entreprises). Les avancées technologiques de ces dernières années permettent d’accompagner ces changements de manière dynamique et de doter les fonctions fiscales d’outils de contrôle, d’analyse et de gestion qui permettent en parallèle à l’accroissement sensible du temps nécessaire à la compliance de continuer à avoir une gestion technique des intérêts de l’entreprise.