Actions gratuites ou stock-options ? Quand l’Administration s’emmêle les pinceaux !

Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles est venu rappeler la nécessité, pour l’Administration, d’analyser au plus près les plans d’attribution afin de ne pas se méprendre sur leur régime fiscal. Nous remercions Alexis Fillinger, Yacine Laoutak et Thibault Dulac pour leur analyse.

L’histoire

Un contribuable marié est décédé au cours de l’année 2011 après avoir bénéficié d’une attribution de Performance Shares au titre de sa fonction de dirigeant d’une des activités de la « société attributrice ». Le règlement du plan de Performance Shares prévoyait l’interruption du délai d’indisponibilité (vesting) et un transfert de propriété des titres au profit des héritiers en cas de décès.

Lors d’un contrôle du conjoint survivant portant sur l’année 2011, l’Administration a considéré que les Performance Shares en litige relevaient de la catégorie juridique des stock-options. Selon l’Administration, le transfert de titres devait s’analyser en une levée d’option suivie d’une cession immédiate, entrainant l’imposition des différents gains tirés de ces Performance Shares.

L’épouse du défunt a contesté cette imposition devant la juridiction administrative, affirmant d’une part que les Performance Shares relevaient de la catégorie des actions gratuites et non des stock-options, et, d’autre part, que l’interruption du délai d’indisponibilité et le transfert de titres résultant du décès de son époux n’entrainaient aucune imposition.

L’enjeu du litige

Rappelons que les plans d’attribution de stock-options et actions gratuites dits « qualifiés » présentent les caractéristiques suivantes :

  • Les actions gratuites sont attribuées pour une valeur nulle et ne peuvent être librement cédées qu’au terme d’une période d’acquisition souvent qualifiée de vesting (potentiellement suivie d’une période de conservation). Deux gains sont à distinguer :
    • Un gain d’acquisition, constitué de la valeur de marché des actions à la date d’acquisition définitive, lequel est imposable dans la catégorie des traitements et salaires lors de la cession ultérieure des actions.
    • Une plus ou moins-value de cession, constituée de la différence entre la valeur de marché des actions au jour de la cession  et leur valeur à la date d’acquisition définitive.
  • Les stock-options permettent quant à eux d’acquérir des actions à un prix prédéterminé (prix d’exercice). Là encore l’option ne peut être souvent levée qu’au bout d’une période de vesting (potentiellement suivie d’une période de conservation). Deux gains distincts sont à distinguer :
    • Un gain de levée d’option égal à la différence entre la valeur de marché des actions au jour de la levée de l’option et le prix d’exercice.
    • Une plus ou moins-value de cession, constituée de la différence entre la valeur de marché des actions au jour de la cession des actions et le gain de levée d’option.

En outre, ces deux catégories ont pour point commun de ne prévoir l’imposition du gain d’acquisition/gain de levée d’option qu’à la seule date de cession définitive des actions.

Par ailleurs, la fiscalité des actions gratuites était plus attrayante à la date des faits.

L’enjeu pour la contribuable était donc de redonner leur exacte qualification aux titres en cause et de démontrer que le décès de son époux n’avait pas entrainé de cession de titres.

L’arrêt de la Cour

Dans un premier temps, la Cour relève que l’ensemble des lignes afférentes aux titres en litige comportaient dans une colonne « mode de cession » la mention « restricted lapse » alors que les autres titres comportaient la mention « same date sale », laquelle renvoie à une date de cession. Le prix d’acquisition était en outre fixé à zéro. Ainsi l’Administration ne pouvait valablement prétendre que ces titres étaient des stock-options, nonobstant l’absence du terme « d’actions gratuites » et la non-production du plan d’attribution.

Enfin, la Cour observe qu’il ressort du dossier que le décès du bénéficiaire du plan n’emporte qu’une simple interruption de la période de vesting, c’est-à-dire un transfert de propriété automatique des titres en cause au profit des héritiers, « sans que cette transmission équivaille à leur cession ».

Dès lors l’Administration ne pouvait valablement imposer les titres ainsi transférés à la date de décès de leur bénéficiaire.

Avis des praticiens : Alexis Fillinger, Yacine Laoutak et Thibault Dulac

Cet arrêt souligne tout l’intérêt de l’obligation qui est faite aux sociétés de délivrer un état individuel au bénéficiaire le 1er mars suivant l’année d’acquisition définitive des actions gratuites ou la levée des options. On ne saurait que trop recommander au bénéficiaire d’un plan de conserver précieusement ce document, sans quoi l’Administration pourrait remettre en cause la nature ou le régime fiscal des titres obtenus.

Par ailleurs, en cas de contrôle fiscal, il est recommandé de communiquer au service de contrôle une traduction assermentée des plans rédigés en anglais afin d’éviter tout problème d’interprétation dudit service.

Alexis Fillinger

Alexis Fillinger possède plus de 18 ans d’expérience en fiscalité individuelle, auprès des entreprises et de leurs dirigeants. Il a développé son expertise en matière d’actionnariat salarié, rémunérations différées, carried […]

Yacine Laoutak

Avocat au sein du département Global Rewards.