Après 3 mois de débats parlementaires, la loi n° 2024-537 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France a été adoptée le 13 juin 2024 (Loi Attractivité).
La recherche d’attractivité est explorée dans trois directions :
- Pour les entreprises, en cherchant à développer leur capacité de financement.
- Pour les investisseurs, en élargissant le périmètre de leurs investissements.
- Pour l’innovation, en offrant de nouvelles possibilités d’investissement dans le futur.
L’effectivité de ces nouvelles dispositions suppose, toutefois, la publication des décrets d’application qui doivent, dans les prochains mois, préciser les modalités de mise en œuvre des mesures prévues.
Inciter les entreprises à recourir au financement auprès du marché
La Loi Attractivité prévoit un certain nombre de mesures dont l’objet est d’offrir aux entreprises françaises un cadre propice et protecteur les incitant à rechercher des financements sur les marchés financiers.
Mesure emblématique, rendue nécessaire par la concurrence d’autres places européennes qui en admettaient déjà le principe, la loi offre dorénavant la possibilité pour une société cotée d’émettre des actions à droit de vote multiple lors d’une introduction en bourse. Si cela était déjà possible pour les sociétés par actions, dans des conditions strictes, – en particulier de délai-, c’était à l’exclusion des sociétés admises sur un marché réglementé ou un Système Multilatéral de Négociation (SMN). En effet, sur ces marchés d’instruments financiers le principe de la proportionnalité du droit de vote à la quotité de capital représentée ne connaissait pour exception que les actions (de préférence) à droit de vote double.
Cette nouvelle possibilité n’est offerte que dans le cadre d’une première admission sur un marché réglementé, ou un SMN, et de telles actions à droit de vote multiple ne peuvent être émises qu’au seul profit de personnes nommément désignées. En outre, les nouvelles actions à droit de vote multiple sont émises pour une durée déterminée : à l’arrivée de leur terme, il est prévu qu’elles soient automatiquement converties en actions ordinaires (10 ans maximum, renouvelable une fois pour une durée ne pouvant excéder 5 ans).
Cette première mesure vise particulièrement les fondateurs de sociétés innovantes (start-up), ou à haut potentiels, qui souhaitent garder le contrôle de leur société mais qui ont besoin d’effectuer des levées de fonds importantes aux fins de financement de leur industrialisation et, plus largement, de leurs projets de développement.
La nouvelle loi simplifie, également, la procédure de fixation du prix d’émission en cas d’augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Jusqu’alors, le prix d’émission devait, a minima, être égal à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse, avec une possibilité de décote maximale de 10 %, et après consultation de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Il est dorénavant prévu que le prix d’émission soit librement fixé, sous réserve qu’ un rapport complémentaire, certifié par le commissaire aux comptes et décrivant les conditions de l’opération, soit établi
Là encore, le législateur exprime sa volonté de simplifier les processus afin d’inciter les entreprises à recourir à un financement par le marché.
Enfin, il convient enfin de mentionner le rehaussement du plafond maximal pour procéder à une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription dans le cadre d’un placement privé (i.e., offre au public réservé à un cercle restreint). Ce plafond, qui était de 20 % du capital social par an, est porté à 30 %.
Élargir les canaux d’investissement existants
Le législateur a également tenu compte du rôle important des Organismes de Placements Collectifs (OPC) dans le financement des entreprises. Ainsi, on retrouve plusieurs dispositions élargissant le périmètre des investissements éligibles.
À cet égard, les Fonds Communs de Placement à Risques (FCPR) pourront, désormais, accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 m€ (contre 150 m€ auparavant). S’agissant des FCPR, le délai de blocage des porteurs de parts, c’est-à-dire l’interdiction de demander le rachat des parts (sortie du fonds), est porté à 15 ans (contre 10 auparavant).
Cette mesure vise à adapter l’investissement aux spécificités du marché. En particulier, les FCPR ont tout particulièrement vocation à investir dans des start-ups, PME et entreprises innovantes pour lesquelles les besoins de financement peuvent être particulièrement élevés et la durée d’investissement longue.
Dans le même esprit, les règles relatives aux titres éligibles au Plan d’Épargne en Actions destiné au financement des Petites et Moyennes Entreprises (PEA-PME) ont été assouplies. Sont désormais éligibles à un PEA-PME les titres d’une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou un SMN, dont la capitalisation boursière est inférieure à 2 mds€ (ou l’a été à la clôture d’au moins un des quatre derniers exercices calendaires). Les conditions étaient antérieurement bien plus restrictives puisque (i) la capitalisation boursière devait être inférieure à 1 mds€, (ii) le nombre de salarié devait être inférieur à 5 000 personnes et (iii) le chiffre d’affaires annuel ne devait pas excéder 1,5 mds€ (ou un total de bilan n’excédant pas 2 mds€ sur la base des comptes consolidés de la société émettrice).
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Ouvrir les perspectives d’investissement
Autre innovation remarquable, la loi Attractivité introduit en droit français le « fractionnement des instruments financiers ». Cette notion, bien connue aux États-Unis et fortement plébiscitée aussi bien des particuliers que des professionnels, s’avérait impossible en droit français notamment du fait du principe d’indivisibilité des titres à l’égard de la société émettrice. En habilitant le Gouvernement à créer un régime de fractionnement des instruments financiers, la loi remet en cause ce principe classique inscrit dans le code de commerce.
Concrètement, le fractionnement de titres permet de diviser un titre en plusieurs unités de valeur inférieure. Ainsi une action dont la valeur nominale est de 1 000 € pourrait être divisée en 100 fractions d’action d’une valeur nominale de 10 €.
Le fractionnement de titres est un outil de « démocratisation » de l’investissement, visant à permettre à un public élargi d’investir dans les sociétés aux cotations les plus élevées (e.g., high tech, luxe).
Pour que le recours au fractionnement d’instruments financiers soit effectif, l’entreprise de marché Euronext, devra adapter ses procédures et ses règles. À défaut, les limites techniques existantes rendront le régime totalement inopérant, puisqu’il n’est actuellement pas possible de passer un ordre sur le marché autrement que pour un titre entier. Les systèmes techniques et informatiques de l’ensemble des maillons de la chaine des ordres sur le marché devront donc évoluer en conséquence.
Enfin, on relèvera que le Gouvernement est également habilité pour harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des OPC, moderniser leur gouvernance et réformer le cadre de leurss opérations.
À ce stade l’impact de cette réforme est difficile à évaluer, et il conviendra de suivre les travaux du Gouvernement afin de déterminer si des changements significatifs doivent être anticipés par les acteurs du marché, en particulier les sociétés de gestion de portefeuille.