L’autorité de la concurrence oblige Google à négocier de bonne foi avec les éditeurs et les agences de presse !

L’Autorité de la concurrence considère que la décision unilatérale de Google LLC, Google Ireland Limited et Google France (« Google ») de ne plus afficher les extraits d’articles, les photographies, les infographies et les vidéos sans une autorisation à titre gratuit des éditeurs est susceptible de constituer un abus de position dominante portant une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Cette pratique contreviendrait ainsi à l’objectif même de la loi n°2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse.

Aux termes de sa décision n°20-MC-01 du 9 avril 2020, l’Autorité de la concurrence a donc ordonné des mesures conservatoires à l’encontre de Google, comme l’y autorise l’article L464-1 du code de commerce. Dans cette décision, l’Autorité de la concurrence rappelle que la loi susvisée transpose l’article 15 de la directive n° 2019/790 en instaurant un droit voisin au droit d’auteur au profit des agences et éditeurs de presse. Elle rappelle également l’objectif de cette loi : rééquilibrer le rapport de force entre les éditeurs de presse et les agences de presse d’une part, et les plateformes en ligne d’autre part. Pour y parvenir ce texte entend instaurer un cadre de négociation équilibrée « afin de garantir aux éditeurs et agences de presse une transparence optimale quant aux paramètres utilisés par les services de communication au public en ligne pour déterminer le montant de ces recettes »2 .

Les pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a tout d’abord considéré que compte tenu de sa part de marché, Google est susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services (moteur) de recherche généraliste.

Puis, elle a considéré que le fait reproché à Google est susceptible d’être qualifié d’abus de position dominante au sens de l’article L420-2 du code de commerce en raison de :

  • l’imposition de conditions de transactions inéquitables évitant toute forme de rémunération pour la reprise et l’affichage des contenus protégés au titre des droits voisins
  • du contournement de la loi en ayant recours de manière générale à la possibilité offerte par le texte de recourir à des licences gratuites pour certains contenus et en refusant de communiquer aux éditeurs les informations nécessaires à la détermination de leur rémunération
  • la discrimination pratiquée en imposant un principe de rémunération nulle à tous les éditeurs sans procéder à un examen de leurs situations respectives et des contenus concernés.

Les mesures conservatoires ordonnées

A titre conservatoire, dans l’attente de la décision au fond, l’Autorité de la concurrence a ainsi notamment enjoint Google de :

  • négocier de bonne foi durant un délai de 3 mois avec les éditeurs et les agences de presse qui en font la demande, la rémunération due pour toute reprise et affichage des contenus protégés
  • communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues à l’article L218-4 du code de la propriété intellectuelle (informations relatives aux utilisations des publications de presse par les usagers ainsi que les informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération)
  • prendre les mesures nécessaires pour que l’issue des négociations ordonnées par la décision n’affecte ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google
  • adresser à l’Autorité de la concurrence dans un délai de 4 semaines à compter de l’ouverture des négociations avec un ou plusieurs éditeurs ou agences de presse, un rapport sur la manière dont Google se conforme à la présente décision.

Cette décision, qui s’ajoute à d’autres en matière de droit de la concurrence, et qui viennent s’ajouter aux projets en discussion en matière de fiscalité des « géants du numérique », montre clairement la volonté des pouvoirs publics de mettre en place des règles du jeu communes en matière économique. Anticiper ces évolutions, dans la globalisation post-crise sanitaire, suppose une analyse ad hoc de la situation juridique de l’entreprise.


1 : Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.

2 : P. Mignola, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Assemblée nationale, 2019, n°1912, p. 8-9.

Benjamin Balensi

Benjamin Balensi, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe droit des affaires. Il conseille les sociétés françaises et les groupes internationaux dans le cadre du développement de leur […]

Gisèle-Aimée  Milandou

Gisèle est avocate en droit des affaires. Elle a travaillé 2 ans comme juriste au sein du Groupe BNP PARIBAS avant de rejoindre Deloitte Legal en 2019. Elle intervient principalement […]